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Les autorités locales face à l’urgence environnementale

Le débat thématique qui s’est tenu à l’occasion de la session de la Chambre des pouvoirs locaux le 27 mars a démontré la nécessité d’une meilleure coordination entre les différents niveaux de gouvernance et soutenir les élus locaux pour répondre de manière plus rapide et plus efficace à la triple crise environnementale : la pollution, le changement climatique et la perte de la biodiversité.

Plus personne ne doute des réalités de la crise environnementale et du changement climatique.

Selon l’Observatoire européen Copernicus, l’année 2024 a débuté avec le mois de janvier le plus chaud jamais enregistré. Les villes et les régions en Europe sont de plus en plus souvent frappées par des catastrophes naturelles. Soulignant l’engagement du Congrès à promouvoir « un droit fondamental à l'environnement » à travers notamment la promotion de ’élaboration d’un Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale, le président de la chambre des pouvoirs locaux Bernd Voehrigner a rappelé également que le rôle vital des autorités locales et régionales dans la protection de l’environnement a été reconnu en mai 2023 par la Déclaration de Reykjavik des chefs d’État et de Gouvernement du Conseil de l’Europe.

En s’appuyant sur l’expérience partagée par des maires de villes pionnières dans le domaine environnemental, telles que Zurich et Reykjavik, les membres de la Chambre ont surtout essayé d’apporter une variété de réponses quant à la manière de résoudre la tension entre les impératifs sociaux-économiques et culturels d’un côté et du Pacte Vert de l’autre.

Einar Þorsteinsson, maire de Reykjavík, a démontré que la préservation des traditions culturelles et sociales n’est pas incompatible avec la réduction de l’empreinte carbone de sa ville. Si chères aux Islandais, les piscines thermales publiques sont désormais chauffées par des énergies vertes. En effet, Reykjavík avait commencé à développer la géothermie dès les années 1930 pour devenir actuellement la ville dotée du meilleur système de chauffage urbain par géothermie au monde. L’amélioration de la santé publique à travers l’aménagement des circuits piétonniers et cyclables qui encouragent l’activité physique des citoyens est, d’après Þorsteinsson un des meilleurs arguments pour promouvoir le Pacte Vert auprès des citoyens. C’est aussi un atout important dans la discussion visant à réduire drastiquement l’émission carbone produite par les voitures, sans négliger évidemment la nécessité de développer des offres de transport public efficace et rapide. En effet sa ville s’est fixée pour objectif de réduire l’émission de CO2 de 50% d’ici 2030 et de 50% supplémentaires au terme de la décennie suivante. Cette ambition est soutenue notamment par le développement de nouvelles technologies qui permettent de capturer le CO2 dans l’atmosphère pour le stocker sous terre. Soulignant la capacité des villes à faire pression sur les gouvernements centraux, notamment à travers des réseaux transnationaux, le maire de Reykjavík a salué le rôle du Congrès et du Conseil de l’Europe dans la coordination des efforts des pouvoirs locaux et régionaux en matière environnementale, notamment à travers des instruments juridiques liés à la défense de l’autonomie locale et des droits humains fondamentaux.

Citée comme une des villes les plus durables en Europe, la ville de Zurich est également pionnière en matière de mesures écologiques. Soulignant la réticence du gouvernement suisse à adopter une législation forte pour lutter contre la pollution et le réchauffement climatique, notamment en raison de l’impopularité électorale de certaines mesures, la maire de Zurich Corine Mauch a dressé le tableau ambitieux de la politique de sa ville qui dès 2008, sept ans avant les accords de Paris, avait déjà adopté des mesures qui lui ont permis de réduire dès 2010 ses émissions à effet de serre de 35%. A la différence du parlement suisse, les Zurichois ont voté en 2022 l’objectif de parvenir à une émission nette nulle dès 2040. Un rapport régulier de la municipalité suivra l’avancée de cette politique qui inclut : la transformation du système de chauffage collectif avec notamment des aides aux particuliers, l’encouragement de l’économie circulaire et l’aménagement des quartiers piétonniers avec services et commerces de proximité, mise à disposition de 130 km de pistes cyclables, diverses mesures contre le gaspillage alimentaire et en faveur des « plats durables », aides aux entreprises et aux ONG partenaires des politiques vertes de la ville etc. Afin de financer ces projets, Zurich a contracté un emprunt vert et compte également réduire sa facture énergétique. D’où l’optimisme de sa maire qui a la conviction que les pouvoirs locaux peuvent utiliser les leviers politiques du niveau local pour devenir leaders du changement en matière environnementale.

Enfin, la déléguée jeune de Chypre, Liana Liu Ioannides, a exhorté ses aînés à légaliser et rendre obligatoire la participation des jeunes dans les politiques environnementales et le Pacte vert en Europe : « Les jeunes peuvent jouer un rôle moteur dont les pouvoirs locaux, régionaux et nationaux se privent en ignorant souvent nos appels et nos propositions. Nous pourrons vous aider à harmoniser les politiques dans le différents pays membres, mais aussi à acquérir l’adhésion des citoyens. Perdre le potentiel des jeunes c’est perdre leur confiance. » En s’exprimant au nom de tous les délégués jeunes du Congrès Liana Liu Ioannides a considéré insuffisant l’ajout d’un protocole additionnel concernant la protection de l’environnement à la Charte de l’autonomie locale et régionale sans rendre obligatoire le respect de la Charte et la participation des jeunes dans la prise de décisions en matière écologique. 

Plus de 15 membres de la Chambre ont exprimé leurs points de vue et propositions lors du débat qui a suivi les allocutions. Ils ont mis en évidence le rôle premier joué par les élus locaux et régionaux pour contrer l’urgence climatique, et l’importance de mettre à profit leur compétences et leurs ressources financières à cette fin. Ils ont également souligné la nécessité de synchroniser l’action des pouvoirs locaux à travers des organisations internationales tels que le Congrès, notamment si l’objectif visé est de trouver les meilleures solutions aux problèmes communs tels que la hausse du niveau de la mer sur les littoraux, le recul du trait de côte dans les pays ayant un littoral, la nécessité de déminéraliser les sols en arrachant le bitume afin de lutter contre les inondations et les canicules urbaines etc. La guerre en Ukraine a également été évoquée comme facteur d’écocide massif appellent à une aide européenne concertée. Joindre et mieux coordonner les efforts des villes et des collectivités territoriales d’Europe permettraient aussi de faire pression sur les administrations nationales dont les politiques écologiques manquent souvent d’ambition. Le débat a confirmé la nécessité d’élaborer un texte au Conseil de l’Europe qui engage les Etats membres à sensibiliser davantage les élus locaux sur leur responsabilité pour opter pour une gouvernance locale verte dans le cadre de leurs compétences.

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46e Session
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46e session Strasbourg, France 5 avril 2024
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