Actualités 2022

Retour Karl-Heinz Lambertz : « Les régions qui réussissent sont celles qui valorisent leurs spécificités tout en s’ouvrant aux autres »

Alors que la question très sensible des identités régionales suscite parfois des polémiques passionnées voire conflictuelles, la mise en valeur de ces identités peut au contraire devenir un atout pour les régions, dès lors qu’elle s’inscrit dans le respect du dialogue et de la diversité. Telle est la conclusion d’un rapport sur « les identités régionales : promouvoir le dialogue et la diversité dans l’unité » présenté par Karl-Heinz Lambertz (Belgique, SOC/V/DP) et débattu le 26 octobre par la Chambre des Régions, qui a adopté une résolution et une recommandation contenues dans ce rapport. « Je sais qu’il n’y a pas de sujet plus sensible que la question de l’identité régionale, mais nous devons en débattre pour aider les régions à faire de leur identité un atout », a déclaré le rapporteur.

Ce document, adopté par le Congrès, vise à aider les régions à mettre en valeur leur identité propre, mais dans une perspective d’ouverture vers leurs voisines, et non de repli sur elles-mêmes. Le rapport propose une véritable « boîte à outils » des mécanismes permettant « d’assurer la diversité et de gérer pacifiquement les tensions ». « Au sein des régions comme au sein de chacun d’entre nous, il n’y a pas une identité, mais des identités multiples, souvent basées sur l’affectif et la mémoire », a souligné M. Lambertz, avant de rappeler que l’identité européenne elle-même, loin de se plaquer d’une manière unique sur les citoyens ou les régions, est elle-même le fruit de la reconnaissance de la diversité des identités qui la composent. Pourtant, ces identités sont parfois vécues ou présentées comme une « opposition » à l’encontre des régions voisines ou des Etats dont elles font partie, alors qu’elles pourraient au contraire favoriser échanges, dialogue et compréhensions mutuelles. Son rapport aborde la notion d’identité dans de nombreuses régions européennes, et montre, comment améliorer le dialogue autour des identités régionales, que ce soit à l’intérieur des régions elles-mêmes, ou entre des régions voisines, de même qu’entre les régions et les gouvernements centraux.

Doter les régions de représentants légitimes et les associer aux processus de décisions, tenir compte de la diversité culturelle et linguistique et associer les citoyens aux débats sur d’éventuelles modifications de limites territoriales, telles sont les principales méthodes qui permettent, selon ce document, d’articuler harmonieusement les identités régionales entre elles et de prévenir les tensions. « A partir des expériences recensées à travers toute l’Europe, on peut affirmer que les régions qui réussissent sont celles qui valorisent leurs spécificités tout en s’ouvrant aux autres », a ajouté M. Lambertz.

Les identités régionales sont aussi sociales et économiques

Le délégué jeune allemand Marius Wallstein a illustré le thème de l’identité régionale à partir de sa propre expérience : « j’ai 21 ans, et je suis né dans l’ex-Allemagne de l’Est, plus de 10 ans après la disparition de la RDA, mais comme beaucoup de gens là-bas, même les plus jeunes, je ressens toujours nos différences avec l’Allemagne de l’Ouest, 33 ans après la réunification ». Il rappelle que si les identités régionales sont des constructions sociales et imaginaires, elles incluent de plus des réalités économiques, à l’image des salaires qui, dans l’ex RDA, restent nettement inférieurs à ceux pratiqués en Allemagne occidentale. Abordant ensuite l’importance des institutions représentative des minorités régionales au sein des Etats, il précise qu’il ne suffit pas de dialoguer avec elles, mais qu’il est indispensable de les intégrer concrètement dans les processus politiques.

Le respect de l’identité passe par les langues et les cultures régionales

Lors du débat, plusieurs membres de la Chambre ont présenté les relations entre leurs régions et leurs voisines, à l’image de Günther Bergmann (Allemagne, PPE/CCE) qui rappelait que la Rhénanie du Nord-Westphalie partage 400 kilomètres de frontières avec les Pays-Bas, et encourage non seulement l’apprentissage de la langue néerlandaise, mais aussi le dialecte régional westphalien. En Serbie, la région de Voïvodine réunit 26 groupes ethniques différents, et compte six langues officielles, a souligné Aleksandra Maletic (Serbie, PPE/CCE), en estimant que cette diversité, valorisée aussi par une représentation équitable dans les institutions régionales, offre à tout le pays une véritable passerelle vers l’Europe.

Thomas Andersson (Suède, GILD) se félicite de ce que le nord de la Suède, longtemps norvégien, ait su se construire une identité régionale positive intégrant ses influences multiples, et encourage désormais le dialogue avec les populations autochtones. Gunn Marit Helgesen (Norvège, PPE/CCE), a salué la qualité du rapport, mais s’inquiète de l’agressivité croissante dans les dialogues politiques, plaidant pour plus de tolérance et de respect : selon elle, « ce document présente des outils pour apaiser les échanges et garantir l’expression de chacun, c’est aussi pour cela qu’il est important ».

Répondant aux commentaires, Karl-Heinz Lambertz a relevé que tous les intervenants ont exprimé leurs propres émotions en parlant de leurs identités régionales: cela montre, s’il le fallait encore, le caractère complexe et multiple de ces dernières. « Les identités régionales s’expriment dans une diversité harmonieuse dans certains pays, mais dans d’autres, les citoyens se sentent étouffés par les identités majoritaires, et je pense que la mise en place des outils prônés par ce rapport permettra de faire évoluer ces situations », a-t-il conclu.

Rapport CPR(2022)43-02final