Retour « Politique des portes ouvertes » – Niveau international

La « politique des portes ouvertes » consiste à maintenir les portes ouvertes dans les établissements de santé mentale, notamment dans les structures hospitalières qui seraient autrement « fermées » ou « verrouillées ». L’Allemagne semble être le pays à revenu élevé le plus avancé en matière d’application et d’évaluation de la politique des portes ouvertes dans les établissements de soins psychiatriques aigus (Gooding et al., 2020, p.33). Un essai a été également mené en Suisse, au sein des Cliniques universitaires psychiatriques de Bâle (UPK) et des efforts ont été déployés au Royaume-Uni afin de recueillir les points de vue des parties prenantes sur les politiques de portes ouvertes (Bowers et al., 2010).

Les autres services décrits dans ce rapport peuvent appliquer une « politique des portes ouvertes », sous une forme ou une autre, même s’ils ne la décrivent pas de cette manière (voir, par exemple, l’initiative de TEB de la Norvège, décrite ci-dessus). En Italie, par exemple, Roberto Mezzina (2014, p.440) rend compte des résultats du dispositif « portes ouvertes... système de soins sans restrictions axé sur le rétablissement et la citoyenneté » dans la ville de Trieste en Italie. Le modèle de Trieste est décrit plus loin dans la partie consacrée aux approches hybrides. D’autres unités de prise en charge des crises qui ne sont pas décrites dans ce rapport adoptent aussi parfois une forme d’approche de portes ouvertes.

Une compilation des recherches sur l’application de la « politique des portes ouvertes » ou de la « psychiatrie aiguë en unité ouverte » dans le contexte des soins de santé mentale allemands a été communiquée au DH-BIO. Elle comprenait des documents de deux établissements appliquant cette approche (l’UPK à Bâle et l’hôpital universitaire de la Charité à Berlin) ainsi que des documents complémentaires relatifs à son application dans 21 hôpitaux allemands (Huber et al., 2016a ; voir aussi Cibis et al., 2017 ; Huber et al., 2016b ; Lang et al., 2016 ; Lang & Heinz, 2010 ; Schneeberger et al., 2017).

Christian Huber et al. (2016a, 2016b) ainsi qu’Andres Schneeberger et al. (2017) ont réalisé deux études à grande échelle des données de services portant sur 349 574 admissions dans 21 hôpitaux psychiatriques allemands entre 1998 et 2012. Huber et al. (2016a) ont comparé des hôpitaux avec et sans « unités fermées ». Ils rapportent que le traitement dans les « unités ouvertes » était associé à un risque moins élevé de :

  • tentative de suicide,
  • évasion avec retour, et
  • évasion sans retour.

Le traitement dans une unité ouverte n’était pas associé à un risque plus faible de décès par suicide (Huber et al, 2016a). Dans une seconde étude utilisant le même ensemble de données, Schneeberger et al. ont mesuré les effets des politiques de portes ouvertes et de portes fermées sur les taux « d’incidents liés à des comportements agressifs » et de contention/d’isolement et ont constaté que les comportements agressifs et « [l]a contention ou l’isolement durant le traitement [étaient] moins fréquents dans les hôpitaux appliquant une politique de portes ouvertes » (Schneeberger et al., 2017).

Certaines objections ont été formulées à propos du classement arbitraire de la « politique des portes ouvertes » dans l’ensemble de données (Pollmächer and Steinert, 2016). Huber et al. (2016b. p.1103) réfutent cet argument et concluent ainsi :

S’agissant de la sécurité du patient et des mesures coercitives, les résultats des études précédentes ont montré que l’ouverture d’unités qui étaient auparavant fermées réduit la violence et la coercition. Cette diminution ne se fait pas au détriment du placement des patients agressifs dans d’autres unités restées fermées et n’est pas compensée par une hausse des mesures coercitives ailleurs. Selon notre expérience, un changement d’attitude des professionnels à l’égard des patients, favorisant le contact personnel et la désescalade, est un élément clé des politiques de portes ouvertes. (Huber et al., 2016b. p.1104) (citations de l’original supprimées).

Les débats sur la politique des portes ouvertes en Allemagne n’entrent pas dans le champ d’étude du présent recueil, mais les parties prenantes qui veulent reproduire cette pratique devraient s’y intéresser.

Une autre étude allemande réalisée par Mara-Lena Cibis et al., publiée en 2017, a comparé les effets des phases de « fermeture » et « d’ouverture pendant 90 % de la journée » sur une unité psychiatrique de prise en charge aiguë. Les auteurs notent que durant les phases d’ouverture des portes, on a observé « une diminution significative des comportements agressifs (p < 0,001) et de la médication forcée (p = 0,006) par rapport aux unités fermées, avec un taux d’évasions inchangé (p = 0,20) » (Cibis et al., 2017, p.141). Ils font observer qu’en raison des limites de « l’étude rétrospective non expérimentale », « une interprétation causale est impossible », mais concluent que les résultats appuient la thèse selon laquelle la politique des portes ouvertes est « associée à une diminution des comportements agressifs et de la médication forcée sans augmenter les taux d’évasions » (Cibis et al., 2017).

Les études sur les politiques de portes ouvertes montrent que les facteurs propices à sa mise en œuvre sont notamment de solides compétences psychothérapeutiques du personnel, la forte motivation et les effectifs suffisants du personnel infirmier et l’engagement de l’unité et de la direction de l’hôpital qui doivent assumer la responsabilité de l’initiative.

Les usagers des services se disent très satisfaits de cette pratique. Selon les sources, cette initiative s’est traduite par une diminution des refus de traitement, des sorties contre l'avis médical, des mesures coercitives et par l’amélioration de l’ambiance du service et une diminution des transferts de patients.

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