Guide sur la participation des enfants aux décisions concernant leur santé
Introduction
Les instruments relatifs aux droits humains, notamment la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), reconnaissent que les enfants sont des détenteurs de droits, dotés d’une capacité à prendre leurs propres décisions qui évolue progressivement. Cela traduit un changement dans la perception générale de l’autonomie et de la protection des enfants sous l'angle de leur capacité à participer à la prise de décision. Depuis l’adoption de la Convention, en 1989, des progrès considérables ont été accomplis sur les plans local, national, régional et mondial en ce qui concerne l’élaboration de textes législatifs, de politiques et de méthodologies destinés à promouvoir l’application du droit de tous les enfants d’exprimer leurs opinions.
La CIDE reconnaît que les enfants ont le droit d'exprimer leur opinion sur toutes les questions dans tous les domaines qui les concernent et que cette opinion doit être dûment prise en compte. La santé fait partie de ces domaines.
Par le biais de ses travaux, le Conseil de l'Europe s'emploie à concrétiser ce droit dans ses États membres et a élaboré des lignes directrices pour une participation active et significative des enfants.
Documents de référence du CdE sur la participation des enfants
- La Recommandation CM/Rec(2012)2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la participation des enfants et des jeunes de moins de 18 ans. La recommandation définit le fait, pour les enfants « d'avoir le droit, les moyens, la place, la possibilité et, si nécessaire, le soutien d’exprimer librement leurs opinions, d’être entendus et de contribuer aux prises de décision sur les affaires les concernant, leurs opinions étant dûment prises en considération eu égard à leur âge et à leur degré de maturité », en reconnaissant le développement de leurs capacités.
- Écouter - Agir - Changer - Pour les professionnels travaillant pour et avec les enfants (2020)
Une participation significative est de plus en plus considérée comme un critère essentiel pour dispenser des soins de qualité aux enfants et le Conseil de l'Europe s’attache à promouvoir toujours davantage une approche adaptée aux enfants et participative en matière de soins et de recherche.
La participation aux soins de santé en général est encouragée par la reconnaissance croissante du fait que le patient est doté de compétences et connaissances personnelles concernant son corps et son état de santé et qu'il est capable de contribuer activement à la relation thérapeutique en collaborant et en négociant avec le professionnel de santé afin d'atteindre le meilleur état de santé possible.
De la même façon, les enfants ont une connaissance unique de leur vie, de leurs besoins et de leurs préoccupations. La prise en compte de leurs opinions dans les décisions et les actes qui les concernent leur apporte des avantages importants, dans l’immédiat et à long terme, ainsi qu’à la collectivité, et permet de prendre des décisions plus adéquates et mieux informées. Les enfants qui participent activement au processus durant lequel sera prise une décision qui les concerne personnellement sont susceptibles d'être mieux informés, de se sentir mieux préparés et de ressentir moins d'anxiété face à l'inconnu. La participation donne aux enfants un sentiment de contrôle, qui se traduit par une coopération accrue dans le cadre des procédures mais aussi une meilleure adaptation et adhésion au traitement, ce qui contribue à limiter les conflits pouvant survenir au cours de ces processus. Les enfants développent une compétence et une confiance, deux éléments propices à leur autonomisation et à l’acquisition d’aptitudes. Enfin, la participation contribue également à améliorer les soins, car l'enfant apporte une expertise unique de son propre vécu.
Toutefois, on observe souvent une incertitude quant à la façon dont la reconnaissance accrue de la capacité décisionnelle des enfants sur les questions concernant leur santé et leur bien-être général devrait être appréhendée dans la pratique. Trouver le bon équilibre entre l'autonomie (l’enfant a le droit d’être entendu et de voir son opinion prise en considération) et la protection (les adultes ont la responsabilité de protéger l’enfant et de subvenir à ses besoins) apparaît comme un défi si l'on considère que les droits de l'enfant s'inscrivent dans un vaste cadre d’obligations et de responsabilités parentales qui sont également centrées sur l’intérêt supérieur de l’enfant.
Lignes directrices et objectifs du CdE concernant les soins de santé destinés aux enfants
- Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les soins de santé adaptés aux enfants (2011)
- Stratégie pour les droits de l'enfant (2022-2027), Comité Directeur pour les Droits de l’Enfant (CDENF)
- Plan d'action stratégique sur les droits de l'homme et les technologies en biomédecine (2020-2025), Comité directeur pour les droits humains dans les domaines de la biomédecine et de la santé (CDBIO)
Portée et objectif du guide
Le présent ouvrage vise à fournir des orientations pratiques pour associer les enfants à la prise de décision concernant leur santé. Son objectif est avant tout d’aider les professionnels de santé et les autres intervenants professionnels concernés à :
- comprendre quel est leur rôle dans le processus de prise de décision, notamment dans leur fonction d’accompagnement des enfants, des familles et d’autres professionnels.
- développer leur pratique dans ce domaine, en s'appuyant sur les principes, les cadres, les lois et les bonnes pratiques.
Ce guide contribuera également à sensibiliser les parents et/ou les représentants légaux des enfants.
Aux fins du présent ouvrage, un “enfant” désigne toute personne âgée de moins de 18 ans. Le terme « parents » doit être compris comme « parents ou autres détenteurs de l'autorité parentale ».
Le présent guide porte essentiellement sur la participation des enfants aux décisions individuelles relatives aux soins de santé. Toutefois, la dernière partie du texte examine succinctement la façon dont la participation des enfants à l'élaboration de politiques publiques et de services de santé contribue également à améliorer, de manière plus large, la qualité des soins pédiatriques, et aussi les processus de prise de décision individuels.
Méthodologie
Le présent guide a été préparé par un groupe d’experts gouvernementaux et indépendants, comprenant notamment des membres issus de deux comités du Conseil de l’Europe, à savoir le Comité directeur pour les droits humains dans les domaines de la biomédecine et de la santé (CDBIO) et le Comité directeur pour les droits de l’enfant (CDENF) du Conseil de l’Europe. Le groupe de rédaction a travaillé sous la co-présidence de Mme Ritva Halila (membre de la délégation finlandaise auprès du CDBIO) et de M. Joost Van Haelst (membre de la délégation belge auprès du CDENF) et avec le concours de Mme Annagrazia Altavilla (avocate, présidente du réseau TEDDY) et de M. Andrew Clarke (Save the Children UK).
Un projet de texte a été soumis pour consultation aux principales parties prenantes (délégués du Conseil de l'Europe, représentants de sociétés scientifiques, organismes de recherche, établissements de santé, etc.) et il a également été discuté avec un groupe d'enfants appartenant au réseau TEDDY (European Network of Excellence for Paediatric Research) / TEDDY Kids. Des discussions de groupe ont été organisées avec 20 enfants âgés de 12 à 18 ans originaires d'Albanie, de France, de Grèce, d'Italie, de Lettonie, de Malte et de Suisse.
Le texte a été révisé et enrichi à partir des contributions reçues dans le cadre de ces consultations.