Guide sur la participation des enfants aux décisions concernant leur santé
Principales dispositions du droit international
Principes généraux
En 1989, avec l'adoption de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) - également connue sous le nom de Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant (CNUDE)- une valeur fondamentale sous-tendant les droits de l'enfant est mise en avant : la vision selon laquelle les enfants, définis comme toute personne âgée de moins de 18 ans , doivent être des acteurs de leur propre vie. On trouve cette idée notamment dans l'article 12, qui énonce le droit de tous les enfants d’être entendus et pris au sérieux, d'une manière compatible avec l’évolution de leurs capacités. Par la suite, le droit garanti par cet article sera connu comme celui sur le « droit de participation des enfants ».
CIDE Article 12
1. les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Dans son Observation générale n° 12 (2009) - Le droit de l'enfant d'être entendu , le Comité des droits de l'enfant dit comment interpréter le droit de participation de l'enfant dans différents contextes et situations, y compris les soins de santé.
Observation générale n° 12 (2009)
- 100. Les enfants, y compris les plus jeunes, devraient être inclus dans les processus de décision, d’une manière compatible avec l’évolution de leurs capacités. Ils devraient être informés des traitements proposés, de leurs effets et de leurs résultats, y compris sous une forme adaptée et accessible aux enfants handicapés.
- 101. Il faut que les États parties adoptent des lois ou règlements propres à assurer aux enfants l’accès, sans le consentement de leurs parents, à des conseils et avis médicaux confidentiels, sans considération de l’âge de l’enfant, lorsque cela est nécessaire pour la sécurité ou le bien-être de l’enfant. Pareil accès peut être nécessaire pour des enfants qui, par exemple, sont victimes de violence ou d’abus chez eux, ont besoin d’une éducation ou de services en matière de santé de la procréation, ou sont en conflit avec leurs parents au sujet de l’accès aux services de santé. Le droit à des conseils et des avis est distinct du droit de donner son consentement à un acte médical et ne devrait être assujetti à aucune limite
d’âge.
- 102. Le Comité se félicite de la fixation dans certains pays d’un âge à partir duquel le droit de donner son consentement est dévolu à l’enfant et encourage les États parties à envisager d’adopter un texte législatif à cet effet. Les enfants ayant atteint l’âge requis ont le droit de donner leur consentement sans obligation d’appréciation par un professionnel de leur capacité à le faire, après consultation d’un expert indépendant et compétent. Le Comité engage néanmoins les États parties à veiller à ce que l’opinion des enfants qui n’ont pas atteint l’âge requis mais peuvent démontrer leur capacité à prendre une décision éclairée sur leur traitement soit dûment prise en considération.
- 103. Les médecins et les établissements de santé devraient fournir aux enfants des informations claires et accessibles sur leurs droits concernant leur participation à la recherche pédiatrique et aux essais cliniques. Ils doivent être informés de la recherche, afin que leur consentement éclairé puisse être obtenu en plus des autres garanties de procédure.
L’article 12 de la CIDE, c'est-à-dire le principe général énonçant le droit de tous les enfants d’être entendus et pris au sérieux, est lié aux autres principes généraux de la Convention , et, en particulier, entretient une relation d’interdépendance avec la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3). Il devrait donc également être pris en compte dans l'interprétation et la mise en œuvre de tous les autres droits.
La convention des Nations unies ne fait aucune distinction fondée sur l'âge ou d'autres caractéristiques : tous les enfants ont le droit de recevoir des informations appropriées et d'exprimer leur opinion, et donc de participer au processus décisionnel, en tenant compte de leur intérêt supérieur et de ce qui est nécessaire à leur bien-être et à leur développement.
Au niveau européen, la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, 1997) , pose comme règle générale qu’une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé, à la suite d’informations reçues au préalable (article 5). Une intervention sur un enfant n'ayant pas, selon la loi, la capacité de consentir requiert l'autorisation de son représentant, généralement un parent, mais son avis est pris en considération comme un facteur de plus en plus déterminant, en fonction de son âge et de son degré de maturité, et en règle générale une intervention ne peut être effectuée que pour le bénéfice direct de l’enfant (article 6).
Le Rapport explicatif de la Convention précise ce qui suit :
- dans certaines hypothèses, qui tiennent compte de la nature et de la gravité de l'intervention ainsi que de l'âge et du discernement du mineur, l'avis de celui-ci devra peser de plus en plus dans la décision finale. Cela pourrait même mener à la conclusion que le consentement d'un mineur devrait être nécessaire, voire suffisant, pour certaines interventions (paragraphe 45).
- dans des situations bien précises et sous réserve de respecter des conditions très strictes dans le cadre de la recherche médicale et du prélèvement de tissus régénérables, il peut être dérogé à la règle du bénéfice direct de la personne (articles 17 et 20 de la Convention) (paragraphe 44).
Cas particuliers
D'autres instruments juridiques internationaux s'appliquent plus spécifiquement à certaines situations ou à certains groupes d'enfants. Ceux-ci viennent renforcer et/ou compléter les principes énoncés par les deux conventions précitées.
Participation des enfants à la recherche biomédicale
La participation des enfants à la recherche biomédicale, y compris aux essais cliniques, est soumise aux principes généraux précités, assortis de garanties supplémentaires.
En particulier, la recherche ne peut être effectuée si l’enfant refuse expressément de s'y soumettre. Même si ses représentants légaux donnent leur autorisation, nul ne peut passer outre au refus de l’enfant ou au retrait de son accord.
Au niveau européen, le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, relatif à la recherche biomédicale (STCE n° 195) stipule que la recherche ne doit pas être effectuée si une personne n'ayant pas la capacité de consentir à la recherche s'y oppose.
Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, relatif à la recherche biomédicale (STCE n° 195)
CHAPITRE V – Protection des personnes qui n'ont pas la capacité de consentir à une recherche
Article 15 – Protection des personnes qui n'ont pas la capacité de consentir à une recherche
1. Une recherche ne peut être entreprise sur une personne n'ayant pas la capacité d'y consentir que si les conditions spécifiques suivantes sont réunies :
- i. les résultats attendus de la recherche comportent un bénéfice réel et direct pour sa santé ;
- ii. la recherche ne peut s'effectuer avec une efficacité comparable sur des sujets capables d'y consentir ;
- iii. la personne participant à une recherche a été informée de ses droits et des garanties prévues par la loi pour sa protection, à moins qu'elle ne soit pas en état de recevoir cette information ;
- iv. l'autorisation nécessaire a été donnée spécifiquement et par écrit par le représentant légal, ou une autorité, une personne ou une instance prévue par la loi. L'auteur de l'autorisation a reçu auparavant l'information requise à l'article 16 et a pris en compte les souhaits ou objections éventuels préalablement exprimés par la personne. Le majeur n'ayant pas la capacité de consentir doit, dans la mesure du possible, être associé à la procédure d'autorisation. L'avis du mineur est pris en considération comme un facteur de plus en plus déterminant, en fonction de son âge et de son degré de maturité ;
- v. la personne n'y oppose pas de refus.
(...)
Au sein de l’Union européenne, le Règlement (UE) n° 536/2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain prévoit que le souhait explicite d'un mineur, en mesure de se forger une opinion et d'évaluer les informations, de refuser de participer à l'essai clinique ou de s'en retirer à tout moment, est respecté par l'investigateur.
Article 32 Essais cliniques sur les mineurs
1. Un essai clinique ne peut être conduit sur des mineurs que si, outre les conditions prévues à l'article 28, l'ensemble des conditions suivantes sont respectées :
- a) le consentement éclairé de leur représentant désigné légalement a été obtenu ;
- b) les mineurs ont reçu, de la part des investigateurs ou de membres de l'équipe d'investigateurs formés et rompus au travail avec des enfants, les informations visées à l'article 29, paragraphe 2, d'une façon adaptée à leur âge et à leur maturité mentale ;
- c) le souhait explicite d'un mineur, en mesure de se forger une opinion et d'évaluer les informations visées à l'article 29, paragraphe 2, de refuser de participer à l'essai clinique ou de s'en retirer à tout moment, est respecté par l'investigateur; (…)
2. Le mineur participe à la procédure de consentement éclairé d'une façon adaptée compte tenu de son âge et de sa maturité mentale.
3. Si, au cours d'un essai clinique, le mineur atteint l'âge auquel il est légalement habilité à donner son consentement éclairé tel qu'il est défini par le droit de l'État membre concerné, son consentement éclairé est obtenu avant que ce participant ne puisse poursuivre sa participation à l'essai clinique.
Tests génétiques
Le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif aux tests génétiques à des fins médicales (STCE n° 203) prévoit ce qui suit : « Lorsque, selon la loi, un mineur n’a pas la capacité de consentir, un test génétique sur cette personne doit être différé jusqu’à ce qu’elle ait atteint une telle capacité, à moins qu’un tel report ne soit de nature à nuire à sa santé ou à son équilibre » (article 10). En tout état de cause, « [l]orsque, selon la loi, un mineur n’a pas la capacité de consentir à un test génétique, celui-ci ne peut être effectué sans l’autorisation de son représentant, d’une autorité ou d’une personne ou instance désignée par la loi. L’avis du mineur est pris en considération comme un facteur de plus en plus déterminant, en fonction de son âge et de son degré de maturité » (article 12).
Situations d'urgence
Dans une situation d'urgence, les professionnels de santé peuvent être confrontés à un conflit entre leur obligation de soigner et celle de rechercher le consentement du patient. La loi prévoit des conditions dans lesquelles les décisions médicales peuvent être prises sans l'autorisation du représentant légal de l'enfant.
Convention d'Oviedo - Articles 8 et 9
Le rapport explicatif de la Convention d'Oviedo (paragraphes 56-62) précise que la possibilité d'agir sans l'autorisation du représentant légal est limitée à :
- situations d'urgence qui empêchent le praticien d'obtenir le consentement approprié et aux seules interventions médicalement indispensables qui ne peuvent être différées. Les interventions pour lesquelles un délai est acceptable sont exclues ;
- l'intervention doit être réalisée pour le bénéfice immédiat de la personne concernée ;
- dans une situation d'urgence, les professionnels de santé doivent mettre en œuvre des mesures raisonnables pour déterminer quels pourraient être les souhaits du patient ;
- lorsque la personne a fait connaître par avance ses souhaits, ceux-là doivent être pris en compte. Cependant, la prise en compte des souhaits précédemment exprimés ne signifie pas que ceux-ci devront être nécessairement suivis ;
- ces dispositions s'appliquent aussi bien aux personnes capables qu'aux personnes dans l'impossibilité légale ou de fait de donner leur consentement.
Règlement (UE) n° 536/2014 relatif aux essais cliniques - Article 35
Lorsque, en raison de l'urgence de la situation, causée par une condition médicale soudaine qui met sa vie en danger ou par toute autre condition médicale grave et soudaine, le participant n'est pas en mesure de fournir au préalable son consentement éclairé et de recevoir des informations préalables sur l'essai clinique et qu’il n'est pas possible d'obtenir un consentement éclairé préalablement à l'intervention, les patients concernés pourraient être inclus dans l'essai clinique dans les conditions suivantes:
- l'essai clinique devrait se rapporter directement à la condition médicale en raison de laquelle il est impossible, dans le temps imparti pour instituer le traitement, d'obtenir le consentement éclairé préalable du participant ou de son représentant désigné légalement;
- il y a des raisons scientifiques de penser que la participation à l'essai clinique sera à même de produire un bénéfice direct pertinent sur le plan clinique pour le participant, entraînant une amélioration mesurable sur le plan médical;
- l'essai clinique comporte un risque minimal, et impose une contrainte minimale pour le participant, par rapport au traitement standard de la condition dont il est atteint.
Toute objection préalablement formulée par le patient devrait être respectée, le consentement éclairé du participant ou de son représentant désigné légalement devrait être recherché sans retard excessif et les informations devraient être communiquées dès que possible au participant et à son représentant désigné légalement.
Enfants en situation de handicap
La Convention relative aux droits des personnes handicapées énonce le droit de participation des enfants à l'article 7.3, en vertu duquel « les États parties garantissent à l’enfant handicapé, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité, et d’obtenir pour l’exercice de ce droit une aide adaptée à son handicap et à son âge ».
Dans son Observation générale n° 20 (2016) sur la mise en oeuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence, le Comité des droits de l’enfant réaffirme le droit de participation des enfants en général, en soulignant que « les adolescents handicapés devraient en outre pouvoir bénéficier d’un système de prise de décisions assistée qui leur permettrait de participer plus activement à toutes 342 les questions les concernant » (paragraphe 32).
A retenir :
Chaque enfant a le droit d'être informé et écouté avant toute intervention de santé.
Le poids accordé aux opinions de l'enfant augmente avec l'âge et la maturité.
Les décisions doivent être prises dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
La recherche médicale ne peut être effectuée sur un enfant s'il s'y oppose explicitement, même si ses représentants légaux ont donné leur autorisation.
Les tests génétiques sur un enfant doivent en principe être reportés, à moins que le report ne soit préjudiciable à sa santé.
Les enfants en situation de handicap jouissent de ce droit au même titre les autres enfants, et ils doivent être aidés à exercer ce droit.