Guide sur la participation des enfants aux décisions concernant leur santé
La prise de décision
La détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant
Toute décision concernant la prise en charge d'un enfant doit être fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant. L'évaluation et la détermination de cet intérêt supérieur doivent être centrées sur l'enfant lui-même et tenir compte de ses besoins en matière de santé, de son opinion, de sa sécurité, de sa protection, des soins à lui prodiguer et de son bien-être général (Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale , article 3, paragraphe 1).
De nombreux aspects devraient être dûment pris en compte pour évaluer et déterminer l'intérêt supérieur de l'enfant. Cependant, il n'existe pas de solution toute faite. Le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant et donc sa participation exigent de trouver un équilibre entre ce que les professionnels (idéalement tous les professionnels travaillant au sein d'une équipe pluridisciplinaire selon une approche intégrée des soins) et les parents considèrent comme étant le mieux pour l'enfant – compte tenu de sa maladie ou de son problème de santé, des traitements disponibles et de leurs effets, etc. – et ce que l'enfant considère être le mieux pour lui. Les préférences de l'enfant, sa culture familiale (notamment en matière de participation), ses expériences et d'autres facteurs éclaireront les professionnels, les aidant à promouvoir et faciliter l’adoption de la meilleure décision possible pour l'enfant. Il convient également de tenir compte du droit de l'enfant à un avenir ouvert, ce qui signifie qu’il faut opter, dans la mesure du possible, pour les interventions qui limitent le moins les choix futurs de l’enfant.
Exemple de lignes directrices nationales - General Medical Council Guidance Royaume-Uni
12. Une évaluation de l'intérêt supérieur comprendra ce qui est cliniquement indiqué dans un cas particulier. Vous devez également prendre en compte:
- l'opinion de l'enfant ou du jeune, dans la mesure où il peut l'exprimer, y compris toute préférence précédemment exprimée
- le point de vue des parents
- l'avis d'autres personnes proches de l'enfant ou du jeune
- les croyances et valeurs culturelles, religieuses ou autres de l'enfant ou de ses parents 4
- l'avis des autres professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de l'enfant ou du jeune, et de tout autre professionnel intéressé par son bien-être
- le choix qui, s'il y en a plusieurs, limitera le moins les options futures de l'enfant ou du jeune
13. Cette liste n'est pas exhaustive. L'importance que vous accorderez à chaque point dépendra des circonstances et vous devrez tenir compte de toute autre information pertinente. Vous ne devez pas faire de suppositions injustifiées sur l'intérêt supérieur d'un enfant ou d'un jeune en vous fondant sur des facteurs non pertinents ou discriminatoires, tels que son comportement, son apparence ou son handicap.
Exemple de lignes directrices nationales - General Medical Council
Consentement, assentiment et désaccord
Pour certains traitements ou interventions, les professionnels doivent obtenir l'accord formel des parents ou de l'enfant lui-même en respectant des protocoles définis par la loi.
Selon la Convention d'Oviedo, le terme « consentement » est utilisé lorsque l'accord formel est donné par la personne concernée par le traitement ou l'acte, tandis que le terme « autorisation » fait référence à l'accord formel donné par les parents/représentants légaux ou l'organe prévu par la loi.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le consentement éclairé désigne « l'accord ou l’autorisation exprimés formellement (en général par écrit) en vue d’une intervention médicale telle que la vaccination, une intervention chirurgicale, le choix ou l'interruption d'un traitement. » (Livre de poche sur les soins de santé primaires pour les enfants et les adolescents : lignes directrices pour la promotion de la santé, la prévention et la gestion des maladies, de la période néonatale à l'adolescence, p.666).
Comme l’indique la section concernant les dispositions du droit national dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, certaines législations nationales assujettissent le droit des enfants d’exprimer leur consentement éclairé au traitement à un critère d'âge. En outre, un autre concept a émergé, celui de la compétence des enfants (competency).
Compétence des enfants
Cette notion a été débattue dans une affaire portée devant la justice du Royaume-Uni en 1986, dans laquelle le tribunal a estimé que la capacité d'un enfant à donner le consentement nécessaire dépendait de sa maturité, de sa compréhension et de la nature du consentement requis. L'enfant doit être capable d’évaluer raisonnablement les avantages et les inconvénients du traitement proposé, de sorte que le consentement, s'il est donné, puisse être dûment et équitablement qualifié de consentement valable.
La compétence dite de Gillick a pris de l'importance et est de plus en plus reconnue comme un facteur déterminant pour accorder aux enfants le droit de consentir à un traitement. L’évaluation de cette compétence est l’affaire du professionnel de santé, mais il n'existe pas de test agréé. De manière générale, les éléments à prendre en considération sont, entre autres, la capacité à appréhender la situation, à peser les différentes options et à comprendre les conséquences de chacune.
L'émergence de méthodes et de pratiques d'évaluation des compétences vise à renforcer l'inclusion, la participation et les droits des enfants dans la prise de décision. Les professionnels de santé ont donc le devoir de veiller à ce que les enfants reçoivent des informations appropriées d'une manière compréhensible pour eux, afin de faciliter leurs compétences. Les professionnels de santé doivent également reconnaître que certains enfants peuvent avoir besoin de recevoir des informations de différentes manières pour atteindre le même niveau de compréhension et de compétence.
Les enfants peuvent également, selon le cadre législatif national, donner leur assentiment ou faire part de leur désaccord. On entend globalement par assentiment ou désaccord l’approbation ou le refus exprimé(e) par un enfant au sujet d’un traitement dans une situation où il n'a pas encore légalement le droit de donner son consentement.
Si un enfant est considéré comme capable d'assentiment, son assentiment doit être recherché en plus de l'autorisation parentale. Dans de nombreux pays européens, l'assentiment de l'enfant doit être accompagné de l'autorisation écrite des parents.
Afin de s'assurer que les enfants peuvent exercer leur droit au consentement ou à l'assentiment, les hôpitaux et les autres services de santé devraient mettre en place différentes mesures, notamment :
Adopter une politique relative au consentement au sein de l'hôpital ou du service de santé, qui reflète la législation nationale
Veiller à ce que les professionnels de santé connaissent cette politique
Promouvoir le renforcement des capacités des professionnels, afin de s'assurer qu'ils disposent des connaissances et des compétences nécessaires pour faire véritablement participer les enfants au processus décisionnel et qu'ils leur demandent leur consentement au traitement chaque fois que c’est nécessaire
Dialoguer régulièrement avec les enfants pour évaluer les politiques et les pratiques existantes, afin de les améliorer et d'améliorer l’expérience des enfants en matière de soins
Compte tenu du cadre juridique national, la recherche de l’assentiment/accord doit mettre en balance la capacité émergente d'un adolescent à prendre une décision de manière indépendante et la nécessité de maintenir la protection spéciale assurée par les parents/le représentant légalement désigné conformément aux lois nationales. Il convient d’expliquer clairement aux adolescents quelles informations les concernant peuvent être divulguées à leurs parents.
Pour les jeunes enfants ou les enfants se trouvant dans l'impossibilité de communiquer verbalement, qui ne sont donc pas en mesure de soulever ou d'exprimer des objections verbalement, tout signe de résistance ou de protestation devrait être noté et discuté avec les parents afin d'évaluer et de reconnaître si le comportement est simplement l'expression d'un fardeau acceptable ou s'il peut être considéré comme une inquiétude quant à la poursuite de l'intervention. Il faut également reconnaître que dans de nombreux cas, les personnes les mieux placées pour comprendre ou interpréter les indications non verbales de l’enfant sont les parents.
En toutes circonstances, et quel que soit le résultat ou le sens d'une décision, la teneur de la décision adoptée devrait être expliquée à l'enfant avec soin et bienveillance.
Notes d'orientation sur les jeunes et le consentement - Conseil de Cheshire West & Chester – Royaume-Uni
(Traduction non officielle)
Les directives retiennent les critères suivants pour qu'un enfant soit considéré comme compétent:
- La capacité de comprendre qu'il y a un choix et que les choix ont des conséquences.
- La capacité à peser les informations et à prendre une décision.
- La capacité de communiquer cette décision.
- La volonté de faire un choix (y compris le choix que quelqu'un d'autre prenne la décision).
- Une compréhension de la nature et de l'objectif de l'intervention proposée.
- Une compréhension des risques et des effets secondaires de l'intervention proposée.
- Une compréhension des alternatives à l'intervention proposée et des risques qui y sont liés.
- L’absence de pression indue.
- La capacité à retenir l'information.
Lignes directrices de l'OMS sur l'évaluation des compétences des enfants
Les lignes directrices de l'OMS soulignent également la nécessité d'évaluer et de réévaluer régulièrement les compétences et la capacité de décision de l'enfant.
Extrait (traduction non officielle)
8.2 Compétence, consentement et confidentialité
Lors de la prise en charge d'adolescents, il convient de tenir compte des trois principes suivants, inscrits dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant :
Évaluer les compétences :
La compétence est un concept juridique qui confère le droit de prendre une décision autonome (c'est-à-dire une décision prise sans l'autorisation d'un tiers, à savoir des parents ou des tuteurs). Alors que la compétence est un concept juridique, la capacité est un concept clinique. Elle est définie comme l'aptitude d'un individu à se forger une opinion et à prendre une décision éclairée et autonome, notamment en matière de santé et de soins de santé. La capacité de décision des enfants et des adolescents se développe avec l'âge : au fur et à mesure de leur évolution cognitive, ils peuvent commencer à prendre des décisions autonomes sur des questions plus complexes.
Certains pays fixent une limite d'âge pour la compétence des mineurs (souvent à 14, 15 ou 16 ans), mais d'autres laissent l'évaluation de la compétence au prestataire de soins de santé. Dans certains cas, un prestataire peut même déclarer un adolescent apte à prendre une décision dans son propre intérêt avant qu'il n'atteigne l'âge défini par les lois nationales comme étant celui de la compétence juridique.
- Connaître le cadre juridique de votre pays en matière de soins de santé.
- Établir une relation empathique avec l'adolescent.
- Évaluer les compétences et la capacité de l’adolescent à prendre une décision. Évaluer son aptitude à :
- Comprendre les différents aspects d'une situation donnée
- Choisir entre différentes options et apprécier leurs différences
- Comprendre les résultats des différentes décision(s).
- Réévaluer régulièrement les capacités cognitives de l'adolescent, car elles peuvent évoluer d'une rencontre à l'autre.
Livre de poche sur les soins de santé primaires pour les enfants et les adolescents : lignes directrices pour la promotion de la santé, la prévention et la gestion des maladies, de la période néonatale à l'adolescence. Copenhague : Bureau régional de l'OMS pour l'Europe ; 2022. Licence : CC BY-NCSA 3.0 IGO. Page 666
Livre de poche sur les soins de santé primaires pour les enfants et les adolescents (en anglais)