Retour Soutien par les pairs et travailleurs pairs, Niveau international

Le soutien par les pairs formel, dans le cadre duquel des usagers actuels ou d’anciens usagers jouent un rôle professionnel dans le service, est associé à de multiples améliorations dans plusieurs domaines qui ont un effet sur la vie des personnes ayant des troubles mentaux et des handicaps psychosociaux (Repper & Carter, 2011). Il semble qu’aucune recherche n’ait été menée dans le but d’établir un lien de causalité explicite entre le nombre de personnes ayant une expérience vécue d’activité professionnelle au sein d’un service donné et la réduction de la coercition. Il ressort toutefois de la plupart des écrits que le recours à un plus grand nombre de travailleurs pairs améliore les services fournis, ce qui réduit indirectement la coercition.  

La participation active des personnes ayant une expérience vécue des services de santé mentale ou ayant fait l’objet d’une intervention psychiatrique involontaire dans les politiques et pratiques qui les concernent est également inscrite dans une directive de la CDPH (article 4(3)). La participation active des personnes qui ont une expérience vécue ne se limite en aucun cas à l’offre de services. Des exemples pris dans le monde entier mettent en évidence la diversité des fonctions que les personnes ayant des troubles psychosociaux peuvent assumer en matière de santé mentale, notamment dans la recherche, l'élaboration des politiques, la défense des droits, etc. Cette sous-partie est toutefois consacrée au soutien direct par les pairs dans les services de santé mentale (dont les hôpitaux et les services communautaires).

Selon une méta-analyse de Julie Repper et Tim Carter (2011, p.392) consacrée au soutien par des pairs travaillant dans les services de santé mentale, ces travailleurs « peuvent entraîner une diminution des admissions dans leur environnement de travail » et il est probable qu’ils contribuent indirectement à réduire l’utilisation des pratiques coercitives. Selon Repper et Carter, avec une formation, une supervision et une gestion satisfaisantes, cette cohorte a le « potentiel d’induire des changements axés sur le rétablissement dans les services » (Repper et Carter, 2011, p.392). 


 i.    Réseau sur l’entente de voix – International

Les groupes du Réseau sur l’entente de voix reposent sur l'idée que les membres - ceux qui entendent, voient ou ressentent des choses que les autres ne perçoivent pas - peuvent échanger mutuellement des stratégies efficaces dans un espace sûr et où ils bénéficient d’un soutien. Les groupes du Réseau sur l’entente de voix sont présents dans le monde entier, dans des pays aussi divers que la Grèce, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Ouganda, le Japon, l’Australie et les États-Unis (contribution n° 27). Le Royaume-Uni, à lui seul, comprendrait plus de 180 groupes, y compris des groupes pour les jeunes, les détenus, les femmes et les personnes issues des communautés « noires et des minorités ethniques » (contribution n° 27). 

Dans le cadre d’une évaluation systématique de l'impact et de l'efficacité des groupes d'entraide du Réseau sur l’entente de voix, portant sur 62 groupes rattachés au réseau anglais, les chercheurs ont conclu que la participation à ces groupes « permettait d’obtenir divers résultats positifs sur le plan émotionnel, social et clinique » (Longden et al., 2018, p.184). Les aspects particulièrement appréciés étaient les suivants : possibilités de rencontrer d'autres entendeurs de voix, apport d’un soutien inexistant ailleurs et rôle du groupe en tant qu’espace protégé et confidentiel pour aborder des questions difficiles (Longden et al., 2018, p.184). Les participants considèrent que les groupes du Réseau sur l’entente de voix facilitent « les processus de rétablissement et sont une ressource importante pour les aider à surmonter leurs expériences ». Des groupes efficaces offrent aux participants un contexte sûr pour partager leurs expériences et permettent de communiquer des stratégies pour s’adapter aux voix et envisager d’autres approches des voix. Ils visent à offrir accueil en toute sécurité où des personnes ayant des expériences communes se sentent acceptées, valorisées et comprises.

Les groupes du Réseau sur l’entente de voix présentent plusieurs différences même s’ils partagent les mêmes valeurs fondamentales. Les différences incluent, sans s’y limiter :

Les membres

La plupart des groupes sont composés uniquement de personnes ayant une expérience vécue des voix, visions et autres perceptions sensorielles inhabituelles. Certains groupes organisent des sessions ouvertes qui accueillent également des membres de la famille et/ou des personnes de soutien. D’autres se concentrent sur un groupe particulier (personnes issues de groupes culturels, de sexe ou d'âge spécifiques, par exemple). D'autres encore sont ouverts à tous.

Contexte

Le réseau sur l’entente de voix comprend des groupes actifs dans différents contextes, notamment : des groupes communautaires indépendants ; des organisations bénévoles ; des équipes de santé mentale ; des unités de patients hospitalisés ; des unités psychiatriques sécurisées ; des prisons. Il vise également à proposer des groupes de soutien disponibles en ligne. 

Facilitation

Certains groupes sont dirigés exclusivement par des usagers, les animateurs ayant tous une expérience personnelle de l’entente de voix. D'autres sont animés par des personnes ayant à la fois une expérience personnelle et professionnelle. Dans certains contextes, les groupes peuvent être entièrement animés par des personnes qui ont une expérience professionnelle, et non personnelle. Bien que ces groupes ne soient pas moins utiles que les autres, le réseau dans son ensemble les encourage à trouver des moyens pour impliquer plus activement des personnes ayant une expérience personnelle dans leur gestion et leur animation.

Pour de plus amples informations, voir : site web Intervoice, Hearing Voices Network website.


 Soutien intentionnel par les pairs – Royaume-Uni et niveau international

Le « soutien intentionnel par les pairs » (SIP) est une pratique destinée à améliorer les liens informels pour soutenir les personnes en détresse (contribution n° 27). Darby Penney et al. (2021) décrivent le SIP comme une « approche élaborée par les pairs, fondée sur la théorie et décrite dans un manuel, qui est employée dans de nombreux pays ». Même si cette méthode peut être également employée par des salariés rémunérés (Stone et al., 2010), elle est conçue pour aider les personnes chargées du soutien informel à soutenir une personne d’une façon qui lui permette de se concentrer sur la relation et à déterminer conjointement comment réagir efficacement à la crise. 

Le soutien intentionnel par les pairs implique souvent d’aborder très ouvertement la question du pouvoir - qui le détient, qui n'en a pas et comment le partager par la négociation ? L'objectif est de remettre en question certains rapports traditionnels qui s’instaurent dans les soins informels et le soutien apporté aux personnes en crise, et de créer ainsi des relations mutuelles où le pouvoir est partagé et non réservé à ceux qui dispensent les soins. Il n'existe actuellement aucune recherche empirique évaluée par des pairs sur le soutien intentionnel par les pairs. Penney et al. (2021) ont cependant élaboré et évalué une mesure qui peut être appliquée aux usagers d’un service afin de disposer de données quantitatives pour évaluer les « compétences de base en SIP » dans la recherche sur les résultats ; cela peut servir de base à de futures recherches sur le SIP orientées sur le processus pour documenter et évaluer systématiquement les expériences des participants. Aujourd’hui, le SIP IPS peut être utile pour mettre en œuvre des éléments du soutien centré sur les droits pour les personnes en détresse psychologique et en crise de santé mentale et ainsi contribuer à prévenir les interventions coercitives (voir Gooding, 2018, p.202). 

Pour plus d'informations, voir soutien intentionnel par les pairs


Médiateurs de santé-pairs – France 

Le programme des médiateurs de santé-pairs mis en place en France par le Centre collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale est un exemple de création et de développement d’un dispositif professionnel de soutien par les pairs.

Ce programme s’inspire d’expériences internationales, notamment dans les pays à hauts revenus, pour intégrer d’anciens et d’actuels usagers de la psychiatrie dans des équipes de soins en santé mentale et s’engage à cet effet à faire acquérir aux intéressés une formation universitaire. Le programme a débuté en 2012, dans 3 régions pilotes, avec 30 médiateurs de santé-pairs qui alternaient formation à un diplôme universitaire et activité professionnelle dans un service de psychiatrie. En décembre 2017, une expérimentation plus formelle a été initiée. Une mention médiateurs de santé-pairs a ainsi été créée dans une Licence existante en Sciences Sanitaires et Sociales par l'Université Bobigny Paris 13 et le CCOMS. Trente-cinq postes de médiateurs de santé-pairs ont été pourvus dans 6 régions au sein de « secteurs de psychiatrie, d’hôpitaux et de structures médico-sociales » (contribution n° 15). La formation alternait théorie et pratique. Le volet théorique a été organisé en partenariat avec l’Université Paris 8 et les sessions de formation ont eu lieu dans les 3 régions. La formation pratique a fait intervenir 15 établissements de psychiatrie adulte (5 sites par région).

L’inscription à la formation étant subordonnée au recrutement dans l’un des 15 sites, les participants à ce programme ont été embauchés sous contrat professionnel. Ce contrat couvrait l’année de formation et de stage ainsi que l’année de mise en situation. Le programme a été soumis à une évaluation qualitative, qui a abouti à des résultats positifs et à une étude quantitative qui est toujours en cours à l’heure où ce rapport est rédigé.

Pour de plus amples informations, voir Centre Collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale.

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