Retour Planification anticipée

Il existe de nombreux travaux de recherche sur l'utilisation par les personnes ayant des troubles mentaux et des handicaps psychosociaux de la planification anticipée sous diverses formes (Weller, 2013). La planification anticipée recoupe des pratiques décrites sous divers vocables comme « déclarations anticipées », « directives anticipées », « plan de crise conjoint », etc. Ces mesures peuvent contribuer à éviter le type de situations de crise dans lesquelles des personnes sont soumises à des mesures coercitives. Certains travaux de recherche ont étudié les effets des différentes méthodes de planification anticipée sur la réduction du recours aux pratiques coercitives (see Barbui et al., 2020, p.5), qui sont généralement positifs, notamment dans les dernières méta-analyses (see de Jong et al., 2016). Les tendances en matière de politique de santé mentale montrent un consensus général sur le fait que la planification anticipée est un élément important parmi plusieurs pratiques souhaitables, notamment comme moyen pour réduire le recours à la coercition et promouvoir les droits humains (Weller, 2013). Selon Chris Maylea et al. (2018) :

Les directives anticipées en psychiatrie ou des documents similaires ont été inscrits dans la loi, mis en œuvre ou testés dans un certain nombre de juridictions. C’est notamment le cas de certains États des États-Unis, de la Belgique, de l'Irlande, de l'Écosse, de l'Inde et de l'Angleterre, du Pays de Galles et du Canada. La forme législative est très variable. Ces documents n’ont parfois aucune valeur juridique, les responsables peuvent être tenus « d'en tenir compte, ils peuvent être invalidés par un tribunal ou une instance supérieure, ou peuvent, dans certaines circonstances, revêtir un caractère obligatoire. Ils peuvent être utilisés pour consentir préalablement à un traitement, ce qui a pour effet de « lier » leur auteur, dispositions parfois décrites comme une clause Ulysse, ou bien pour sélectionner, restreindre ou refuser certains traitements, ce qui a pour effet de « lier » l'équipe soignante ou un autre décideur. Malgré cette diversité, tous les modèles visent à redonner des moyens à une personne et à l'aider à affirmer sa volonté et ses préférences.

Plusieurs États membres du CdE ont mis en place la planification anticipée dans les services de santé mentale sous une forme ou une autre. Les exemples de l’Espagne et de la France sont présentés ci-après.


PPS-Santé mentale  – Espagne

En 2016, en Andalousie (Espagne), l'École andalouse de santé publique a publié un guide sur la planification préalable des soins en santé mentale (contributions n° 9, n° 28). Le programme est dénommé PPS-SM en abrégé. Le Réseau européen des institutions nationales des droits de l'homme et Mental Health Europe (2020, p.18) décrivent le programme de la manière suivante : 

L'objectif est de promouvoir l'autonomie des personnes ayant des handicaps psychosociaux et de les soutenir dans leur prise de décision. Les usagers peuvent remplir un document expliquant les symptômes qu'ils ressentent habituellement lorsqu'une crise démarre, ce qui leur fait du bien ou du mal lorsqu'ils ressentent de la détresse, indiquant le nom de leur personne de confiance, les personnes autorisées à leur rendre visite, le type de soins qu'ils préfèrent en cas de crise, les personnes qui peuvent prendre des décisions à leur place, des informations sur leur santé générale, leur régime alimentaire, etc. Ces informations sont ensuite ajoutées à leur dossier médical et mises à la disposition des professionnels de santé lorsqu'ils ne peuvent plus exprimer pleinement leurs volontés et leurs décisions.

Cette possibilité de planification préalable offerte aux personnes ayant des troubles mentaux et des handicaps psychosociaux en Andalousie faisait partie intégrante d'un ensemble de pratiques visant à promouvoir les droits humains dans les services conçus pour aider les personnes en situation de détresse ou de maladie mentale. Parallèlement à ce programme de planification préalable des soins, une initiative en faveur de la réduction de la contention mécanique a été lancée dans le cadre du Plan global en matière de santé mentale de l'Andalousie (2016-2020) (voir plus haut).

Actuellement, le PPS-SM est peu utilisé, ce qui correspond aux tendances observées dans le monde en matière de recours à la planification anticipée (voir Weller, 2013). Selon une enquête réalisée par l'équipe, les procédures de PPS-SM andalouses varient selon les services et les professionnels de la santé mentale. La plupart des participants, usagers comme professionnels, estiment que PPS-SM est un outil utile pour respecter les préférences des usagers. Parmi les avantages indiqués, on citera l’amélioration des relations et de la communication entre les professionnels et les usagers, la participation accrue des usagers à la prise en charge de leur maladie, le sentiment de respect des usagers, une meilleure connaissance de soi et une autonomie accrue dans la gestion de leurs problèmes de santé mentale. Les points faibles cités comprennent l’absence de garantie que les préférences de l'usager seront respectées, ou même consultées par les professionnels qui s'occuperont des patients au moment de la prise de décisions. La disponibilité et la viabilité des choix effectués par les usagers peuvent être également limitées. La plupart des professionnels ont signalé le manque de travail en équipe et ont déclaré que certains collègues ne croient pas à la PPS-SM, car ils sont « aux prises avec un ancien modèle dans lequel seuls les professionnels savaient ce qui était le mieux pour leurs patients » (contribution n° 28). Pour certains, il faudrait changer l’ensemble du système afin d'accepter et d'adopter la PPS-SM comme un droit supplémentaire qui doit être respecté. L’enquête conclut que les services de santé mentale andalous ont besoin d'informations supplémentaires, d’un travail en équipe et d’une formation sur l'ACP-SM. Cela implique que les services évoluent vers un modèle de « relation professionnel-usager fondé sur la communication et l'acceptation que les usagers ont des droits, notamment celui d’expliquer et de choisir leurs préférences en matière de santé mentale pour l'avenir » « (contribution n° 28). L’information, la formation et la coordination des services de santé mentale doivent être renforcées s’ils veulent respecter les droits des usagers en matière d’autonomie et de prise de décision dans le domaine de la santé mentale.  


« Mon GPS » - France 

« Mon GPS - Guide prévention et soins » (« mon GPS » en abrégé ») est un livret créé pour et avec des personnes ayant des troubles mentaux ou des handicaps psychosociaux. Ce livret permet à toute personne d’exprimer ses souhaits par avance. Les informations peuvent être regroupées dans des rubriques comme : « Ce qui m’aide quand je ne vais pas bien ? » ou « Ce que je veux que l’on respecte si je suis hospitalisé ». Le kit mon GPS a été conçu en priorité pour les situations de crise. Mais un grand nombre des informations contenues dans le livret sont destinées à éviter la crise, ainsi que l’hospitalisation. À travers les questions posées dans le livret, la personne apprend à réfléchir à la nature des crises précédentes dans sa vie, à ses préférences, à identifier ce qui l’aide et ce qui ne l’aide pas pendant les périodes de crise. Une personne peut se référer à son guide « Mon GPS » lorsqu'elle commence à se sentir mal, et son entourage peut l’utiliser pour la soutenir plus efficacement. 

De manière plus générale, « mon GPS » vise à :

  • Favoriser l’autonomie, et le soutien volontaire qui tient compte des choix de la personne
  • Promouvoir la concertation entre usagers, professionnels et/ou proches autour d’un projet individuel de soins et d’accompagnement
  • Promouvoir la participation active de l’intéressé à son rétablissement
  • Favoriser la prise de décision partagée

Si une personne est hospitalisée ou retenue sous contrainte, les professionnels de santé mentale peuvent se référer au guide Mon GPS pour définir et respecter, dans la mesure du possible, les souhaits et les besoins de l’intéressé (contribution n° 26B). Mais les informations contenues dans le livret sont destinées à éviter la crise, ainsi que l’hospitalisation. 

Le kit pédagogique « mon GPS » a été élaboré par Marie Condemine et Ofelia Lopez Hernandez (psychologues, Association PRISM-Prévention), en partenariat avec Psycom. Il a été construit selon une « démarche participative, avec des personnes vivant avec un trouble psychique, des proches, des professionnels de la santé et du social » (contribution n° 26B). Cette initiative a reçu le prix du Jury au Concours Droits des usagers de la santé - Édition 2020 du Ministère des Solidarités et de la Santé, ainsi que le Label Droits des usagers de la santé 2020, décerné par l'Agence régionale de santé Île-de-France (contribution n° 26B).

  • Diminuer la taille du texte
  • Augmenter la taille du texte
  • Imprimer la page