Retour Modèle de Trieste – « Portes ouvertes » — Système de soins sans restrictions en faveur du rétablissement et de la citoyenneté » – Italie

Le modèle de Trieste est décrit comme un « système de portes ouvertes, sans restrictions, pour le rétablissement et la citoyenneté » dans la ville de Trieste (Italie) (Mezzina, 2014, p.440). Trieste est une ville de 236 000 habitants située au nord-est de l’Italie dans la région du Frioul-Vénétie Julienne. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, les autorités de la ville ont cherché à transformer les services de santé mentale pour passer d'un modèle clinique basé sur le traitement de la maladie (notamment la diminution des symptômes cliniques) à une approche plus large qui privilégie des aspects du contexte social qu’il est possible de modifier pour favoriser l'appartenance, la sécurité et l'inclusion sociale.  

Selon Roberto Mezzina, « [a]u cœur de l'organisation se trouve un réseau de centres de santé mentale communautaires ouverts 24 h/24 et 7j/7... et ne comprenant qu’un petit nombre de lits. Le système coordonné par le [Département de la santé mentale] comprend également une unité psychiatrique au sein de l’hôpital général, un réseau de logements subventionnés et plusieurs entreprises sociales ». (Mezzina, 2014, p.440) Le modèle de Trieste a fait l'objet d’un très grand nombre de recherches (Portacolone et al., 2015). L'OMS décrit cette approche de la psychiatrie publique comme l'une des plus progressistes au monde, et Trieste est le lieu d'un Centre collaborateur de l'OMS depuis plus de quatre décennies, dont la mission est de diffuser ses pratiques dans le monde entier.

Selon R. Mezzina, si l’appréciation du caractère probant de pratiques particulières employées dans le modèle de Trieste est délicate, c’est parce « qu’il n’est pas possible d'évaluer l'efficacité des différentes interventions (psychoéducatives, réadaptatives, psychothérapeutiques), car elles sont imbriquées dans une approche « globale » (Mezzina, 2014, p.440). Selon R. Mezzina, Il existe cependant plusieurs « études sur des cohortes de patients atteints de psychose, des études sur la charge familiale, des recherches sur les interventions de crise, la satisfaction des usagers et des membres de la famille et les réactions à l'égard des soins communautaires » (2014, p.440). Il se trouve que la plupart d’entre elles sont rédigées en italien.

R. Mezzina rapporte que « [m]oins de 10 habitants sur 100 000 sont exposés à une [ordonnance de traitement psychiatrique involontaire], généralement pour une durée d’environ 7 à 10 jours », soit « environ 1 % de tous les épisodes pris en charge dans des établissements de soins » (Mezzina, 2014, p.442). En outre, « la plupart d'entre eux sont traités par des [centres de santé mentale communautaires], qui prennent désormais en charge la plupart des admissions dans les [unités psychiatriques des hôpitaux généraux] ». En 2014, R. Mezzina résumait ainsi la base de données probantes, le plus souvent en italien :

La gestion des crises dans les [centres de santé mentale communautaires] s'est également révélée efficace pour prévenir les rechutes et les évolutions chroniques. Une enquête nationale menée dans 13 centres a montré que les soins de crise dispensés par les [centres de santé mentale communautaires] 24 h/24 et 7 J/7 ont une efficacité supérieure pour la résolution des crises et le suivi sur 2 ans, en particulier dans le cadre de relations thérapeutiques de confiance, du suivi et de la flexibilité des soins, et de l'exhaustivité des services. Depuis 20 ans, on a observé une diminution de 50 % environ du nombre de personnes se présentant aux urgences de l’hôpital général. Les recherches qualitatives ont souligné en particulier certains facteurs sociaux essentiels influençant les services et le lien entre le rétablissement, l'inclusion sociale et la citoyenneté participative. Des données récentes indiquent une observance de 75 % de la médication antipsychotique (n = 587), un résultat qui s’explique par la qualité de la relation thérapeutique et le renforcement du réseau social. La satisfaction des usagers à l'égard des services a été élevée dès les premières années et a atteint, plus récemment, 83 % dans deux [centres de santé mentale communautaires]. 

Selon les sources, certains services de psychiatrie forensique « sont gérés de facto selon une politique de la porte ouverte » (Mezzina, 2018, p.340), mais les données probantes en langue anglaise sur les résultats et la nature précise de ces interventions semblent limitées.

Il y a lieu de formuler plusieurs réserves. Portacolone et al. ont étudié la mise en œuvre du modèle de Trieste dans la ville américaine de San Francisco et ont conclu que, pour être efficace, ce modèle semble devoir être appliqué à une population comprenant peu de jeunes, avec un faible taux de consommation de drogue, ayant des conditions de logement satisfaisantes et une inclusion sociale élevée. Selon Portacolone et al., si ces conditions ne sont pas réunies, les systèmes sans hospitalisation, axés sur la communauté, risquent de se heurter à des difficultés. Selon certains psychiatres, il serait trompeur de citer Trieste en exemple, alors que le contexte culturel, social, économique et politique pourrait exiger d’autres dispositifs (Allison et al., 2020). Selon Carta et al.(2020), même en Italie, les principes et les idées qui sous-tendent le modèle de Trieste ont été appliqués à des degrés divers dans différentes régions, et avec des niveaux de réussite extrêmement variables. Il n’en reste pas moins que Trieste demeure le lieu de référence des efforts globaux déployés pour réduire et à prévenir les pratiques coercitives en matière de santé mentale.

 

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