COVID-19 et la liberté des médias - éléments d'orientation basées sur les normes du Conseil de l'Europe

- La liberté d'expression et d'information et la liberté des médias sont cruciales pour le fonctionnement d'une société véritablement démocratique et continuent à l'être en temps de crise. .[1] La communication en temps utile d'informations sur les risques pour la santé publique est un élément essentiel de la réponse aux crises.

- Une attention particulière doit être accordée à la communication et à la diffusion d'informations relatives au virus et à sa circulation, aux risques de contamination, au nombre de maladies/décès, ainsi qu'aux mesures qui ont un lien plus distant avec la politique de distanciation/isolement social. Les restrictions à la liberté d'expression sur ces questions introduites dans certains États sont potentiellement préoccupantes.

- Les médias jouent un rôle clé dans ce contexte, associé à une responsabilité accrue, en fournissant des informations précises et fiables au public, mais aussi en prévenant la panique et en favorisant la compréhension et la coopération de la population à l'égard des restrictions nécessaires. Les médias et les journalistes doivent adhérer aux standards professionnels et éthiques les plus élevées, donner la priorité aux messages faisant autorité concernant la crise et s'abstenir de publier, et par là d’amplifier, des histoires non vérifiées.Les rumeurs, la mésinformation et la désinformation sont plus susceptibles de nuire à l'ordre public et à la sécurité sanitaire. En tant que mesures exceptionnelles requises par des circonstances exceptionnelles (pour éviter la diffusion de théories de conspiration, de fausses alertes, etc.), certaines restrictions peuvent être nécessaires et justifiées. Ceci étant, les États doivent éviter les mesures dérogeant aux garanties de l'article 15 de la CEDH qui sont formulées de manière trop générale et vague, manquent de prévisibilité et/ou sont susceptibles d'entraîner une surpénalisation. De leur côté, les journalistes professionnels devraient être prudents en vérifiant les informations provenant de sources non officielles avant de les publier, et s'abstenir de publier des informations peu plausibles/sensationnalistes qui pourraient provoquer la panique.

- Les États doivent informer régulièrement et rapidement le public des dimensions et des implications de la crise et des mesures prises par les gouvernements, en s'engageant dans une communication ouverte, favorisant la confiance et la coopération de chacun. Pour autant, le flux d'informations sur les pandémies ne doit pas se réduire à des communications officielles. Cela entraînerait la censure et la négation de préoccupations légitimes.

- Les journalistes et les médias, les professionnels de la santé, ainsi que les représentants de la société civile et le grand public, devraient avoir le droit de critiquer les autorités et de surveiller leur réponse à la crise. Cela est particulièrement important aujourd'hui, quand d'autres mécanismes de contrôle de l'action gouvernementale sont supprimés ou assouplis, notamment dans le cadre des mesures d'urgence ou même de l'état d'urgence, dans certains États. L'histoire héroïque de Li Wenliang, le médecin chinois ayant tenté de lancer l'alerte, [2]  montre le danger que représente la suppression de la libre circulation d'informations qui sont d'une importance vitale. De la même manière, il est inacceptable d'utiliser l'épidémie comme prétexte pour réduire au silence les opposants politiques du gouvernement en place.

- Enfin, rien ne justifie la censure préalable de certains sujets, la fermeture de médias ou le blocage pur et simple de l'accès aux plateformes de communication en ligne. La diffusion malveillante de fausses informations peut être combattue par des sanctions ciblées ex post et par des campagnes d'information gouvernementales. Les États devraient collaborer avec les plateformes en ligne et les médias pour empêcher la manipulation de l'opinion publique, ainsi que pour donner plus de poids aux sources d'information et de nouvelles reconnues comme fiables, notamment lorsqu'il s'agit de nouvelles et d'informations communiquées par les autorités de santé publique.

- S'il est normal dans ces circonstances de restreindre les rassemblements publics physiques, les formes de vie civique et communautaire en ligne doivent non seulement être préservées mais aussi soutenues activement par l'État.


Texte intégral : Atténuer une crise sanitaire mondiale tout en préservant la liberté d'expression et d'information

Pour des éléments d'orientation plus générales du Conseil de l'Europe sur le respect des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit pendant la crise sanitaire COVID-19, veuillez consulter la boîte à outils pour les États membres

Restrictions de la liberté d'expression et de la liberté des médias en cas d'état d'urgence

Alors que les gouvernements autour du monde déclarent l'état d'urgence en réponse à l'épidémie de COVID-19, il est d'une importance cruciale de veiller à ce que toute mesure exceptionnelle introduite ne porte pas atteinte à la liberté d'expression (article 10) et aux autres droits de l'homme inscrits dans la Convention et sont « strictement requises par les exigences de la situation » (article 15).

Comme en temps de crise le risque d'ingérence disproportionnée est particulièrement élevé, les gouvernements doivent faire preuve d'une prudence et d'une caution particulières pour n'introduire que des mesures qui constituent « une réponse appropriée à l'état d'urgence »

La situation de crise ne doit en aucun cas être utilisée par les États pour revendiquer des pouvoirs excessifs pour limiter la liberté d'expression. Censure et contrôle de l'information, tentatives sur l'indépendance des médias, restrictions à l'accès du public à l'information et au contrôle du public sur les actions des gouvernements, restrictions à l'accès des journalistes aux sources d'information de première main, mesures de surveillance renforcées compromettant la confidentialité des sources journalistiques et autres formes d'ingérence comportent des risques directs et énormes pour les fondements mêmes de la démocratie. Un journalisme de qualité, un débat public informé et une coopération entre les autorités publiques et les médias, au contraire, pourraient aider à responsabiliser les citoyens et aider les gouvernements à surmonter les défis sans précédent de la journée. Les Lignes directrices du Conseil de l'Europe sur la protection de la liberté d'expression et d'information en temps de crise, la prochaine Recommandation du Comité des Ministres sur la promotion d'un environnement favorable à un journalisme de qualité à l'ère numérique, ainsi que d'autres documents du Conseil de l'Europe et, plus particulièrement, la jurisprudence de la Cour (voir en particulier le Guide sur l'article 15 de la Convention) devraient servir de référence aux Etats membres du Conseil de l'Europe pour trouver des moyens de contenir la pandémie de COVID-19 sans porter atteinte à la liberté d'expression et aux autres droits de l'homme.