Médias et Réfugiés
Dans leur rôle de facilitateurs du débat public, les médias sont généralement considérés comme des outils essentiels de gestion de la diversité croissante de nos sociétés. Quand ils ont couvert l’arrivée de réfugiés et de migrants en Europe en 2015-2016, les médias ont toutefois grandement contribué à présenter les événements comme une «crise».
Cette perspective a alimenté l’attitude négative et parfois hostile du public à l’égard des nouveaux arrivants. Deux récents rapports du Conseil de l'Europe examinent le rôle des médias, les attentes et les besoins des migrants et des réfugiés eux- mêmes en matière de communication et les réponses des médias associatifs.
Les décideurs et le public font confiance aux grands médias, perçus comme des ressources essentielles pour décoder l’actualité et prendre les mesures qui s’imposent. Par conséquent, les médias jouent un rôle crucial de plateforme pour présenter des questions complexes, les analyser et les présenter au public. La Cour européenne des droits de l'homme a maintes fois souligné leur rôle vital de « chien de garde » public: ils diffusent des informations et des idées sur des questions d’actualité, et le public a le droit d’y accéder. En qualité de facilitateurs de la communication et du débat public, les médias sont largement reconnus comme des outils importants de gestion de la diversité croissante de la société et de promotion de l’intégration.
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En 2015-2016, l’arrivée de réfugiés et de migrants sur les côtes européennes a été le sujet le plus discuté dans le public et reste très présente.
Ce rapport, commandé par le Conseil de l’Europe, examine les récits élaborés par la presse écrite dans huit pays d’Europe et la manière dont ils ont contribué à influencer la perception du public, chez qui la tolérance prudente a cédé la place au débat sécuritaire et à la peur. Pendant toute la période, les réfugiés et les migrants ont rarement eu l’occasion de présenter leurs propres vues et préoccupations et peu d’attention a été accordée au sort des intéressés ou au contexte mondial et historique de leur déplacement. Les réfugiés et les migrants sont souvent présentés comme un amalgame d’étrangers anonymes sans qualifications qui sont soit vulnérables, soit dangereux. La diffusion de telles informations tendancieuses ou infondées contribue à alimenter les clichés et à générer un environnement néfaste non seulement pour l’accueil des réfugiés, mais aussi pour les perspectives à long terme d’intégration dans la société. Les discours polémiques mettant l’accent sur les menaces pour la sécurité, le bien-être et les cultures des sociétés européennes ont contribué à la propagation de la haine, de l’hostilité et de la désinformation à l’égard des migrants et des réfugiés.
Diverses études européennes et initiatives de chercheurs sont parvenues à des conclusions similaires et ont relevé des dysfonctionnements comme des ingérences politiques, l’autocensure dans les salles de rédaction et un manque généralisé de moyens compromettant les analyses approfondies et la préparation de contenus bien documentés. Parmi les remèdes proposés, citons une formation plus poussée des journalistes, la promotion de bonnes pratiques de part et d’autre de la Méditerranée et le recours à des glossaires permettant de décrire avec exactitude les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées et leurs droits. Tout comme il
est essentiel d’équiper et de préparer les journalistes et les autres acteurs des médias à leur difficile travail de couverture factuelle de sujets complexes, il faut permettre aux réfugiés et aux migrants d’exprimer eux-mêmes leurs points de vue et de faire part de leurs préoccupations.
Cette étude est une analyse ethnographique des habitudes des réfugiés et des migrants en matière de médias. Des exemples de bonnes pratiques illustrent comment les médias associatifs répondent aux besoins de communication des réfugiés et des migrants en proposant de la formation, des espaces de représentation et des points d’entrée dans les réseaux locaux.
Ces deux rapports du Conseil de l'Europe énoncent des recommandations pour une politique inclusive des médias à l’égard des migrants et des réfugiés. Les études appellent toutes deux à une action commune à tous les niveaux – les décideurs politiques, la société civile, les services publics et les médias commerciaux et associatifs. Premièrement, les réfugiés et les migrants doivent être envisagés comme un public digne d’attention et respecté, aux intérêts et aux besoins spécifiques (comme les informations sur les droits, les ressources et les obligations, ainsi que la possibilité de se faire entendre).
Les médias en tant que facilitateurs du discours public ne peuvent remplir leur fonction importante lorsque des segments entiers de la population sont exclus, par exemple les migrants nouvellement arrivés et les migrants qui ont résidé dans les communautés pendant de longues périodes mais rencontrent toujours des difficultés d'accès aux médias.
Grâce à leur longue expérience des formats multilingues et interactifs, les médias associatifs impliquent depuis des décennies les réfugiés et les migrants nouvellement arrivés dans la production médiatique, renforçant ainsi leur accès aux réseaux locaux de communication.
Les créateurs de médias et les militants du milieu des réfugiés et des migrants ont joué un rôle clé dans l’étude et la documentation de perspectives alternatives et la diffusion d’importants contre-discours en cas de défaillance des grands médias.
S’appuyant sur des instruments antérieurs, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a demandé en 2017 que les politiques nationales veillent à promouvoir des campagnes de communication et d'information multimédias ciblant tant la population locale que les migrants, dans le but d’offrir à chacun un environnement propice à l’intégration.
Dans leurs efforts de promotion du pluralisme des médias et de la diversité des contenus, les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient apporter un soutien adéquat à tous les médias, qu’ils soient publics, privés ou associatifs. Ces derniers peuvent jouer un rôle particulièrement important dans les sociétés polarisées, où un environnement médiatique intégrateur est indispensable pour assurer à tous les membres de la société l’accès à des espaces de communication partagés.
« Toute personne a droit à la liberté d’expression »
Art. 10 de la Convention européenne des droits de l’homme