Le 7 avril 2022, Patrick Penninckx, Chef du Département Société de l'information, a accueilli un groupe de visiteurs de plusieurs pays européens. Dans sa présentation "La désinformation à l'ère numérique : effets sur la démocratie, l'Etat et la société", il a souligné l'importance du Conseil de l'Europe en tant que laboratoire des valeurs européennes et garant des droits de l'homme. L'ère numérique a apporté de nouveaux défis nécessitant de nouvelles approches : la propagation de la désinformation, des fake news aux guerres de propagande, la prolifération des discours de haine et des contenus violents ont accompagné le développement de la civilisation en ligne. Le Conseil de l'Europe ne se contente pas de suivre ces évolutions, il publie régulièrement des études et des recommandations pour conseiller les États membres et la société civile sur la manière d'assurer la protection des droits de l'homme en ligne et sur Internet, de répondre au désordre de l'information, de renforcer la gouvernance de l'Internet, de développer la collaboration avec le secteur des entreprises et de développer la résilience de la société et la maîtrise de l'information.
Desordres de l'information
Le développement des technologies des médias sociaux s’accompagne d’un phénomène nouveau : la pollution de l’information à l’échelle mondiale. Les conséquences directes et indirectes qui y sont liées sont difficiles à quantifier, mais les répercussions à long terme des campagnes de désinformation sont extrêmement préoccupantes.
Le rapport intitulé « Désordres de l’information : vers un cadre interdisciplinaire pour la recherche et l’élaboration de politiques » a pour but d’étudier de manière détaillée les désordres de l’information et les défis qui y sont liés ainsi que de définir des propositions pour remédier à la « pollution de l’information ».
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« Désordres de l’information : vers un cadre interdisciplinaire pour la recherche et l’élaboration de politiques »
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Bien que les conséquences historiques des rumeurs et des contenus fabriqués soient bien documentées, les travaux visant à mieux comprendre les défis actuels liés à la pollution de l’information à l’échelle mondiale débutent à peine. Les répercussions des campagnes de désinformation conçues spécifiquement dans le but d’instiller la méfiance et la confusion et d’exacerber les différences socio-culturelles existantes en exploitant les tensions nationalistes, ethniques, raciales et religieuses sont de plus en plus inquiétantes.
Le rapport du Conseil de l’Europe intitulé : « Désordres de l’information : vers un cadre interdisciplinaire pour la recherche et l’élaboration de politiques » vise à analyser le phénomène de manière approfondie et à définir des propositions pour y remédier.
Les auteurs du rapport se sont délibérément abstenus d’utiliser l’expression « fausses informations », car elle échoue à rendre compte efficacement de la complexité du phénomène de pollution de l’information qui revêt en outre un caractère de plus en plus politique.
Le rapport introduit donc un nouveau cadre conceptuel pour examiner le chaos informationnel et en identifie trois formes différentes: la fausse information, la désinformation et l’information malveillante qui se différencient par les torts causés et le caractère mensonger :
La fausse information correspond à la diffusion d’une information fausse, sans intention de nuire. |
La désinformation correspond à la diffusion délibérée d’une information fausse dans l’intention de nuire. |
L’information malveillante correspond à la diffusion d’une information vraie dans l’intention de nuire, généralement en divulguant une information censée rester confidentielle. |
Pour mieux comprendre les désordres de l’information, les auteurs du rapport examinent trois éléments : |
De même, le phénomène se déroule en trois phases : |
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Ce découpage du processus aide à en comprendre les nuances. Une vision claire de ses mécanismes et de toutes ses composantes permet de comprendre qui sont les acteurs impliqués et quelles sont leurs motivations. Il permet aussi d’évaluer l’ampleur du problème et les moyens de le traiter.
Révélation des causes
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Afin d’examiner convenablement la pollution informationnelle, il nous faut comprendre les composantes émotionnelles et rituelles de la communication. Le contenu problématique qui remportera le plus de « succès » est celui qui joue sur les émotions des gens et qui favorise les sentiments de supériorité, de colère ou de peur. Il s’agit également du type de contenu le plus apprécié et partagé, le plus souvent sans qu’il ait été véritablement lu ou compris. Le rapport souligne le fait que le but central de la communication entre les personnes, bien au- delà de la fonction de transmission de l’information, consiste à exposer des croyances communes.
Étant donné que la plupart des réseaux sociaux sont conçus pour que les gens deviennent des « acteurs » publics avec leurs « j’aime », leurs commentaires ou les informations qu’ils partagent, il est facile de comprendre pourquoi les contenus à forte charge émotionnelle se répandent si vite et si largement, et ce malgré l’augmentation exponentielle du nombre d’organismes de vérification des faits et de démenti d’informations.
Identification de solutions
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Du fait de la lenteur de la vérification des faits et du démenti d’informations, les rectifications risquent souvent d’arriver trop tard. De plus, elles risquent de ne pas atteindre le public visé car elles sont peu commentées et partagées. Il est urgent de trouver les manières les plus efficaces d’éveiller la curiosité et le scepticisme des lecteurs au sujet des informations qu’ils consomment et de leurs sources.
L’effondrement de la presse locale contribue largement au succès de la désinformation ; en effet, ce type de campagnes se répand d’autant plus vite que les populations locales sont marginalisées et n’ont pas confiance dans les grands médias.
En plus de son cadre conceptuel, le rapport fournit un aperçu des recherches sur le sujet, des rapports et des initiatives pratiques en lien avec les désordres de l’information, les « bulles de filtre » et les « chambres d’écho ». Il contient également trente-cinq recommandations destinées aux gouvernements, aux entreprises technologiques, aux organisations de médias et à la société civile.
Conscient de la forte corrélation existant entre les désordres de l’information, la qualité du journalisme, la culture numérique et des médias des utilisateurs d’internet en général, le Conseil de l’Europe a chargé le Comité directeur sur les médias et la société de l'information (CDMSI) de mener des recherches plus approfondies et de définir des normes dans les domaines concernés.
Le Conseil de l’Europe continuera de traiter ce phénomène de manière globale.
Deux groupes d’experts, à savoir
- le Comité d’experts sur le journalisme de qualité à l’ère numérique et
- le Comité d'experts sur la dimension droits de l'homme des traitements automatisés de données et différentes formes d'intelligence artificielle,
examineront de façon plus détaillée ce que pourraient faire les États membres pour promouvoir un environnement favorable à des médias indépendants, diversifiés et pluralistes capables d’obtenir la confiance et même la participation active de la société.
« Toute personne a droit à la liberté d’expression »
Art. 10 de la Convention européenne des droits de l’homme