Exposé des motifs

1. Le droit à un recours effectif est garanti par l'article 13 de la CEDH. Toute personne dont les droits et libertés ont été restreints ou violés sur internet a droit à un recours effectif.

2. L’article 13 de la CEDH garantit l'existence en droit interne d'un recours permettant de se prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu'ils y sont consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d'exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d'un grief fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié. Les Etats ont l’obligation positive de mener une enquête au sujet des allégations de violation des droits de l’homme qui doit être diligente, approfondie et effective. Les procédures suivies doivent permettre à l’organe compétent de décider du bien-fondé de la plainte de violation de la Convention et de sanctionner toute violation constatée, mais aussi de garantir l’exécution des décisions prises.

3. Une autorité nationale doit être chargée de se prononcer sur les allégations de violation des droits garantis par la CEDH.Il doit exister une voie juridique spécifique par le biais de laquelle un individu doit pouvoir se plaindre du caractère déraisonnable du délai dans la détermination de ses droits. L’autorité en question ne doit pas forcément être une instance judiciaire si elle présente une garantie d’indépendance et d’impartialité. Toutefois, ses pouvoirs et les garanties procédurales offertes devraient permettre de déterminer si tel ou tel recours est effectif.

4. La procédure suivie par l’autorité nationale compétente devrait permettre une enquête effective en cas de violation. Elle devrait permettre à l’autorité compétente de se prononcer sur le bien-fondé de la plainte de violation des droits de la CEDH, de sanctionner toute violation et de garantir à la victime que la décision prise sera exécutée.Le recours doit être effectif en pratique et en droit et ne pas être conditionné à la certitude d’une issue favorable pour le plaignant. L'ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l'article 13, même si aucun d'eux n'y répond en entier à lui seul.

5. Des voies de recours effectives doivent être disponibles, connues, accessibles, abordables et permettre d'obtenir une réparation appropriée. Un recours peut également être obtenu directement auprès des fournisseurs d'accès à internet (bien qu’ils ne jouissent pas nécessairement d’une indépendance suffisante au titre de l’Article 13 de la CEDH), des pouvoirs publics et/ou d'autres institutions nationales des droits de l'homme. Les possibilités de réparation incluent une enquête, une explication par le fournisseur de service ou le prestataire en ligne, la possibilité de répondre à une affirmation jugée diffamatoire ou offensante, par exemple, le rétablissement du contenu créé par l’utilisateur qui a été supprimé par un fournisseur de service en ligne, et la reconnexion à internet de l’utilisateur lorsqu’il a été déconnecté, avec la compensation afférente.

6. Les Etats, dans le cadre de leurs obligations positives de protéger les particuliers contre les violations des droits de l’homme par des entreprises privées, devraient prendre les mesures nécessaires pour assurer que, lorsque de telles violations ont lieu, les victimes ont accès à des mécanismes judiciaires et non judiciaires.Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme spécifient que les sociétés devraient mettre en place des mécanismes de réclamation qui soient accessibles, prévisibles (prévoyant une procédure clairement établie assortie d’un calendrier indicatif pour chaque étape, et un descriptif précis des types de procédures et d’issues disponibles et des moyens de suivre la mise en œuvre), équitables (assurant un accès aux sources d’information, aux conseils et aux compétences), transparents et en capacité d’offrir des mesures de réparation qui soient pleinement compatibles avec les droits de l’homme internationalement reconnus.

7. Les utilisateurs d’internet devraient avoir accès à des informations claires et transparentes concernant les moyens de recours à leur disposition. Ces informations pourraient être incluses dans les conditions d'utilisation du service ou d’autres lignes directrices et politiques des fournisseurs d'accès/de services internet. Les utilisateurs d’internet devraient disposer d’outils pratiques et accessibles leur permettant de contacter les fournisseurs d'accès/de services internet pour leur soumettre leurs problèmes. Ils devraient pouvoir solliciter des informations et demander réparation. Parmi les exemples de recours à la disposition des utilisateurs d’internet figurent les lignes d’assistance ou les permanences téléphoniques gérées par les fournisseurs de services internet ou les associations de protection des consommateurs, vers lesquelles les utilisateurs d’internet peuvent se tourner en cas de violation de leurs droits ou des droits d’autres personnes. Des conseils devraient également être mis à disposition par les pouvoirs publics et/ou d’autres institutions nationales de droits de l'homme (médiateurs), les autorités de protection des données, les autorités de régulation des communications électroniques, les services d'aide aux particuliers, les associations de protection des droits de l'homme ou des droits numériques, ou les organisations de défense des consommateurs.

8. Les utilisateurs d’internet devraient être protégés de la cybercriminalité. Les Etats signataires de la Convention de Budapest se sont engagés à protéger les citoyens des activités criminelles et des infractions pénales commises sur internet. Les utilisateurs d’internet attendent raisonnablement d’être protégés contre les activités criminelles et les infractions pénales commises sur internet ou par l'utilisation d'internet.

9. L’accent est ici placé sur les atteintes à la confidentialité et à l’intégrité des systèmes et des données qu’ils contiennent, et sur les infractions commises par le biais de l’ordinateur. Les infractions en lien avec les contenus (pornographie infantile, violations du droit d’auteur) ne sont pas couvertes dans ce contexte, car il est considéré qu’elles sont traitées par les parties du Guide concernant les droits de l’enfant. Il est par ailleurs considéré que la protection des détenteurs de droits d’auteur concerne les intérêts de ces derniers plutôt que ceux des utilisateurs d’internet. De même, les interceptions et la surveillance des communications sont abordées dans la section sur la protection de la vie privée et des données personnelles.

10. Les utilisateurs d’intérêt ont un intérêt légitime à pouvoir diriger, exploiter et contrôler leurs systèmes informatiques sans perturbation ni entrave d'aucune sorte. Ils devraient être protégés de l’accès illégal à l'intégralité ou une partie quelconque de leur système informatique, y compris le matériel, les composantes, les données stockées du système installé, les répertoires, les données relatives au trafic et au contenu. Cela inclut aussi la protection contre les intrusions non autorisées dans les systèmes informatiques et les données qu’ils contiennent (piratage, infiltration ou autres formes d’intrusion) qui pourraient constituer des entraves pour les utilisateurs d’internet, comme l’accès à des données confidentielles (mots de passe, informations et secrets, etc.).

11. Les utilisateurs d’internet devraient aussi bénéficier d’une protection contre les atteintes à l’intégrité des données contenues dans leur ordinateur par des programmes malveillants (par exemple, les virus et les chevaux de Troie). Ils devraient aussi être protégées contre les ingérences dans le fonctionnement de leur ordinateur ou de leurs systèmes de télécommunication par l'introduction, le transfert, l'endommagement, l'effacement, l'altération ou la suppression de données informatiques, par exemple par des programmes qui portent atteinte à des systèmes sous la forme d'un « déni de service », des codes malveillants, tels que les virus, qui interdisent ou ralentissent sensiblement le fonctionnement du système, ou les programmes qui envoient un énorme volume de courrier électronique à un destinataire afin de paralyser les fonctions de communication du système (spamming). Il peut s’agir d’une infraction administrative ou pénale, selon le droit interne.

12. Les utilisateurs d’internet devraient être protégés contre la falsification informatique, qui concerne la création non autorisée ou l’altération des données enregistrées de façon qu'elles acquièrent une valeur probante différente dans le déroulement de transactions juridiques, qui sont fondées sur l'authenticité des informations fournies par ces données.

13. Les utilisateurs d’internet ont un intérêt légitime à bénéficier de la protection des actifs représentés ou gérés par des systèmes informatiques (fonds électroniques, dépôts). Ils devraient être protégés contre les fraudes informatiques qui occasionnent directement à l’utilisateur un préjudice économique ou matériel (argent et immobilisations corporelles ou incorporelles ayant une valeur économique), comme les fraudes à la carte de crédit.

14. Toute mesure de sécurité visant à assurer la protection des utilisateurs d’internet contre la cybercriminalité doit respecter pleinement les normes de la CEDH, notamment eu égard au droit au respect de la vie privée et de la vie familiale et au droit à la liberté d’expression.

15. Les utilisateurs d’internet ont droit à un procès équitable, tel que consacré par l’article 6 de la CEDH. Cela renvoie à la détermination des droits civils et des obligations ou des chefs d’inculpation pénale eu égard aux activités des utilisateurs d’internet. En particulier, cela concerne les principes clés énoncés par la Cour européenne des droits de l’homme, et notamment le droit à ce que leur cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, le droit d’introduire une action en justice, le droit à un règlement final du différend, à un jugement raisonné et à l’exécution du jugement, le droit à une procédure contradictoire et à l’égalité des armes.

16. La Cour, bien que ce ne soit pas dans des affaires en relation avec internet, a établi des principes généraux eu égard à l’administration de la justice (indépendance, impartialité, compétence du tribunal) et à la protection du droit des parties (jugement équitable, égalité des armes et audience publique), ainsi que concernant l’efficience de l’administration de la justice (délai raisonnable).

17. L’utilisateur d’internet a un droit de recours individuel devant la Cour après l'épuisement des voies de recours internes disponibles et effectives, dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle une décision finale a été prise.

Texte intégral de l’ Exposé des motifs..

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Droits de l’homme pour les utilisateurs d’internet

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