Retour La ville qui ouvre les bras aux immigrants

Riace est aujourd’hui en Italie du sud l’une des villes qui, après des décennies de déclin, renaissent à la vie en accueillant des migrants

La commune de Riace risquait de venir grossir la liste sans cesse plus longue des villages abandonnés et morts de la Calabre, dans le sud profond de l’Italie. La plupart des habitants étaient partis dans le nord chercher du travail – beaucoup dans les usines automobiles de Turin. Aujourd’hui, Riace vit et prospère grâce à des immigrants étrangers, mais aussi aux actions d’un homme remarquable.

Sa première rencontre avec des réfugiés, le maire, Domenico Lucano, l’a faite lorsqu’un groupe de Kurdes désespérés sont sortis d’une fragile embarcation en s’écroulant sur une plage près de Riace. Depuis lors, la région (et l’île voisine de Lampedusa) est devenue indissociable d’images bouleversantes de gens qui, partis d’Afrique du Nord, ont fait une traversée périlleuse en quête d’une nouvelle vie. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ont été internés dans de véritables centres de détention ou victimes de bandes mafieuses terrorisant ceux qui tentaient de gagner leur vie dans l’industrie locale de la cueillette des fruits.

Mais M. Lucano s’est dit qu’il devait y avoir une meilleure solution. Si le phénomène migratoire avait amené Riace au bord de l’extinction, alors peut-être pouvait-il aussi l’en faire revenir. Face au triste spectacle des maisons, des ateliers et des boutiques désertes, il a décidé qu’il leur fallait absolument des habitants, fussent-ils calabrais, érythréens, syriens ou nigérians. En utilisant ingénieusement les fonds versés par le gouvernement en aide aux réfugiés inutilement parqués dans des camps, il a permis à de nombreux migrants d’acquérir de nouvelles compétences ou de développer celles qu’ils possédaient déjà.

Aujourd’hui, le village résonne de l’activité des artisans : femmes afghanes qui ont repris l’artisanat régional de la fabrication du verre, brodeuse nigériane qui a appris les gestes du métier transmis par des religieuses du coin. L’État italien verse à ces migrants 800 euros par mois pour les aider dans leurs activités. Le village a même créé sa propre monnaie (ou des jetons dont la valeur est liée à l’euro), à l’effigie de Gandhi, Che Guevara et Martin Luther King, que les migrants utilisent en attendant que la lourde bureaucratie italienne daigne répondre au besoin de subventions.

Ne brossons pas un tableau trop rose de Riace. Il s’agit davantage d’un travail encore en cours et, parmi les réfugiés, beaucoup ne sont que de passage et nourrissent une ambition à plus long terme : rejoindre le nord de l’Europe. Quant à l’économie locale, sa viabilité est encore lourdement tributaire de subventions. Néanmoins, 200 nouveaux arrivants ont choisi d’élire domicile à Riace et d’en faire le lieu où fonder une famille et créer une entreprise ; dans le contexte d’effritement chronique du Mezzogiorno, cette situation est remarquable. Et elle représente une alternative heureuse à l’impuissance geignarde et à la mentalité de forteresse assiégée qui, toutes deux, sont devenues ces temps-ci les réponses systématiques de l’Europe face à la migration.

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