Retour Erlangen, ville d’immigration

Revoir les relations entre sociétés d’immigration et sociétés d’accueil

Nous avons appris où se trouve Lampedusa, discuté des raisons qui ont embrasé les banlieues françaises en 2005 et compris que le changement climatique allait augmenter le flux des migrants vers l’Europe. Malgré tout ce savoir, les discours de l’Europe sur l’immigration restent largement dominés par une erreur très commune : considérer l’immigration comme un phénomène moderne. Certes, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a raison lorsqu’elle affirme que les migrations seront, outre le changement climatique et le terrorisme international, l’un des défis majeurs du XXIe siècle. Cependant, tout cela n’a rien de neuf. Des études montrent, en effet, que l’immigration jouait déjà un rôle important au XXe siècle, de même qu’au XIXe siècle et durant tous les siècles précédents, depuis que les premiers hommes ont immigré en Europe.

Depuis quelque temps, on voit en Europe un nombre croissant de musées et d’expositions s’ouvrir à un public plus large et au thème de l’immigration. Mais rares sont ceux et celles qui abordent la question sous un angle historique. Pourtant, c’est précisément ce type d’approche sur le long terme qui s’impose pour démythifier l’opposition entre sociétés d’accueil et d’immigration, pour comprendre que les sociétés européennes ont toujours été pluralistes.

En Allemagne, la ville d’Erlangen a initié de telles perspectives historiques en proposant, depuis le printemps 2013, une visite guidée baptisée « Zuwanderungsstadt Erlangen » (Erlangen, ville d’immigration). Les visiteurs peuvent redécouvrir l’histoire de la ville sous l’angle de l’immigration et revoir la relation entre société d’immigration et société d’accueil. Dix stations leur permettent de comprendre l’incidence de l’immigration sur l’évolution de la ville.

La visite montre comment, au XIXe siècle, les processus de construction de la nation européenne ont instrumentalisé l’immigration et nié son importance historique, pourtant bien réelle, comme moteur du progrès social, grâce aux échanges d’idées, de technologies et de savoir-faire. Selon une approche inclusive et participative faisant appel à leurs expériences et à leurs opinions, les visiteurs apprennent des choses essentielles sur l’immigration à chacune des dix stations prévues, et se trouvent confrontés à une série de questions. Par exemple :

  • Au XVIIe siècle, comment les 500 habitants d’Erlangen ont-ils réagi en voyant arriver 1500 réfugiés français dans leur ville ? Quelles sont les mesures d’intégration qui ont permis à la ville de devenir un centre d’affaires prospère ?
  • Quels étaient les arguments des nazis pour bâtir une société allemande mono-culturelle tout en excluant les juifs de la vie économique, politique et sociale ? Quelle a été l’incidence des revendications en faveur d’un mono-culturalisme national ?
  • Quels sont les facteurs qui ont poussé des gens du monde entier à venir s’installer à Erlangen, à l’époque de la création d’Adidas et de Puma et de l’installation de Siemens ?
  • Parallèlement à la visite Zuwanderungsstadt, le musée servira de forum et de lieu de rencontres et d’échanges lors de journées portes ouvertes, où l’immigration sera au centre des débats, où l’on pourra partager et défendre idées, problèmes et solutions – avec et pour tous les habitants d’Erlangen.

Le projet Zuwanderungsstadt Erlangen est né de la coopération entre Annasophia Heintze et Ine Brehm, chef du service éducatif du musée d’Erlangen, et du généreux soutien du musée, du département de la culture, du bureau de l’intégration et de l’autorité fédérale pour les immigrés et les réfugiés (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge).

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