Retour Campus Rütli

Un établissement scolaire ségrégué et en échec se voit transformé en centre éducatif d’excellence

En 2006, l’école Rütli est devenue tristement célèbre dans toute l'Allemagne lorsque la presse nationale a signalé un climat général d'insécurité, ainsi que certains incidents – des élèves auraient menacé et attaqué des enseignants et des membres du personnel scolaire. La rectrice avait adressé une lettre ouverte aux autorités, demandant une aide immédiate et dénonçant l’absence alarmante de perspectives pour ces élèves – et, plus particulièrement pour les 83 % d'enfants d’origine étrangère. La rectrice faisait justement remarquer qu'il était impossible d'arriver à intégrer des élèves d'origines turque et arabe dans un système scolaire dépourvu d’animateurs et/ou de médiateurs de mêmes origines, soulignant aussi les difficultés que le système scolaire rencontre pour encourager la réussite des élèves issus de l’immigration et de milieu ouvrier.

Quelques années plus tard, la situation semble avoir complètement changé : l’école Rütli, entièrement réorganisée, fait aujourd’hui partie d’un nouveau type d’« école commune » (Gemeinschaftsschule) : enseignement primaire et enseignement secondaire (Hauptschule, Raulschule et Gymnasium) ont fusionné pour ne former qu'une seule et unique structure accompagnant les élèves de l'âge de 6 ans à 18 ans. Finalement, il se pourrait que l'expérience de l’école Rütli serve de modèle à la future réorganisation du système éducatif allemand.

Le campus accueille une garderie, un centre sportif et un centre de jeunesse. Il existe aussi une offre culturelle large et générale pour les adultes, principalement destinée aux parents mais pas uniquement. L'idée maîtresse est de faire le lien entre l'école et le voisinage local, afin que le campus soit au service de tous les habitants du quartier. L’action des éducateurs, des enseignants et des conseillers est coordonnée afin d’offrir le meilleur niveau de soutien possible aux parents, aux jeunes et aux enfants, qui eux aussi sont invités à participer aux décisions en matière d’éducation et de vie scolaire en général. Diversité culturelle et multilinguisme, considérés comme de réelles opportunités, sont cultivés comme tels. Le turc et l'arabe sont, par exemple, des langues valables pour préparer l'Abitur, l'examen final requis pour entrer à l’université. Cette possibilité a permis à beaucoup de jeunes du quartier d’accéder à l'enseignement supérieur.

Des médiateurs interculturels ont été recrutés pour servir d’intermédiaires entre l'école et les parents. Ce nouveau mode de fonctionnement a été approuvé par 90 % des enseignants – les autres ont pu choisir d’aller travailler dans d’autres écoles. Aujourd’hui, l’école Rütli jouit d’une bonne image auprès des enseignants, beaucoup essayant d’y travailler. Bien que les résultats ne puissent se voir que sur le long terme, précisons qu’en 2014, 23 des élèves ont obtenu l’Abitur, après avoir entamé leur scolarité dans cette école en 2007, un an après le lancement du nouveau modèle.

Pour essayer de « récupérer » les élèves en difficulté ou « difficiles », l’école leur propose l’enseignement de certaines disciplines dans leur langue maternelle (le turc ou l’arabe). Cette initiative a connu un réel succès auprès des parents qui, pour la première fois, se sentaient reconnus et acceptés dans leur identité culturelle et leur langue nationale. Cette démarche a aussi généré une représentation plus positive de l'école allemande, avec laquelle élèves et parents peuvent désormais plus facilement s’identifier.

Cette année, l'école lancera la construction d'un bâtiment supplémentaire pour multiplier les possibilités de formation, dans le cadre d’ateliers à vocation professionnelle.

À l’évidence, ces efforts se sont traduits par un coût financier, ce qui pourrait freiner la généralisation de ce modèle. La majorité du financement provient du Sénat de Berlin : un investissement à hauteur 31,5 millions d'euros (à dépenser d’ici à 2016). Parallèlement, l’école Rütli a su attirer quelques sponsors privés, tels que la Fondation Freudenberg, qui va investir 1,2 million d'euros sur dix ans. À noter, également, que le campus de Rütli n'est pas un projet isolé, mais s'inscrit dans la stratégie globale d'intégration interculturelle de l’arrondissement.

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