Le processus de surveillance
Les États membres se sont engagés à se conformer aux arrêts définitifs dans lesquels la Cour européenne des droits de l'homme (« la Cour ») a constaté des violations de la Convention européenne des droits de l'homme (« la Convention »), ainsi qu'aux décisions de la Cour entérinant des règlements amiables (voir les articles 46 et 39, paragraphe 4, de la Convention).
Article 46
Force obligatoire et exécution des arrêts
Force obligatoire et exécution des arrêts
1. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.
2. L’arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l’exécution.
3. Lorsque le Comité des Ministres estime que la surveillance de l’exécution d’un arrêt définitif est entravée par une difficulté d’interprétation de cet arrêt, il peut saisir la Cour afin qu’elle se prononce sur cette question d’interprétation. La décision de saisir la Cour est prise par un vote à la majorité des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité.
4. Lorsque le Comité des Ministres estime qu’une Haute Partie contractante refuse de se conformer à un arrêt définitif dans un litige auquel elle est partie, il peut, après avoir mis en demeure cette partie et par décision prise par un vote à la majorité des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité, saisir la Cour de la question du respect par cette Partie de son obligation au regard du paragraphe 1. 5. Si la Cour constate une violation du paragraphe 1, elle renvoie l’affaire au Comité des Ministres afin qu’il examine les mesures à prendre. Si la Cour constate qu’il n’y a pas eu violation du paragraphe 1, elle renvoie l’affaire au Comité des Ministres, qui décide de clore son examen.
Article 39
Règlements amiables
Règlements amiables
1. A tout moment de la procédure, la Cour peut se mettre à la disposition des intéressés en vue de parvenir à un règlement amiable de l’affaire s’inspirant du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses protocoles.
2. La procédure décrite au paragraphe 1 est confidentielle.
3. En cas de règlement amiable, la Cour raye l’affaire du rôle par une décision qui se limite à un bref exposé des faits et de la solution adoptée.
4. Cette décision est transmise au Comité des Ministres qui surveille l’exécution des termes du règlement amiable tels qu’ils figurent dans la décision.
L'adoption des mesures d'exécution nécessaires est surveillée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, composé de représentants des gouvernements des 46 États membres, assisté par le Service de l'exécution des arrêts de la Cour (Direction générale Droits humains et État de droit).
Les États sont tenus juridiquement de remédier aux violations constatées, mais ils disposent d’une marge d'appréciation quant aux moyens à mettre en œuvre. En principe, les mesures à prendre sont donc identifiées par l'Etat concerné sous la surveillance du Comité des Ministres. La Cour peut contribuer au processus d'exécution, en particulier par le biais de la procédure de l’arrêt pilote (employée en cas de problèmes structurels majeurs).
Les mesures à prendre peuvent concerner le/la requérant(e) intéressé(e), ou être de portée générale.
Mesures de caractère individuel
Les mesures d'exécution doivent d'abord mettre fin à la violation et réparer, autant que possible, les conséquences négatives de celle-ci pour le/la requérant(e).
Cela implique le paiement de toute somme octroyée par la Cour à titre de satisfaction équitable, ou convenue entre les parties dans le cadre d'un règlement amiable. Des intérêts moratoires sont dus en cas de paiement tardif.
Quand la réparation monétaire ne peut effacer de façon appropriée les conséquences d’une violation, le Comité des Ministres veille à ce que les autorités adoptent toute autre mesure de caractère individuel pouvant remédier à la violation. Certains arrêts comprennent eux-mêmes des recommandations complémentaires à cet égard.
Exemples de mesures de caractère individuel prises
- Reprise des contacts (sous réserve de l’intérêt supérieur de l'enfant) entre des enfants et leurs parents, qui en avaient été séparés indûment (par exemple dans le cas d'enfants placés dans une famille d'accueil ou enlevés par l'autre parent)
- Réouverture de procédures pénales inéquitables
- Révocation d'arrêtés d'expulsion qui auraient exposé les requérants à des risques de tortures ou de mauvais traitements, ou à des menaces pour leur vie dans le pays de destination
Mesures de caractère général
L’exécution des arrêts suppose aussi des mesures de caractère général pour prévenir des violations semblables à celle(s) constatée(s) (par exemple une modification législative, des changements jurisprudentiels ou d'autres types de mesures). II importe aussi de veiller à l'efficacité des voies de recours internes.
Lorsque les juridictions nationales donnent un effet direct aux arrêts et à la jurisprudence de la Cour, la publication et la diffusion des arrêts, le cas échéant traduits et commentés, sont souvent suffisantes pour assurer les changements nécessaires et garantir des voies de recours nationales efficaces.
Exemples de mesures de caractère général prises
- Mise en place de recours effectifs contre la durée excessive de procédures judiciaires.
- Abolition de discriminations visant les enfants nés hors mariage (par exemple en matière d'héritage).
- Adoption de lois pour prévenir le recours arbitraire aux écoutes téléphoniques.
- Levée de restrictions abusives à la liberté d'expression des journalistes
Le Comité des Ministres assure une surveillance continue de l'exécution des arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Les affaires restent sous surveillance jusqu'à l'adoption de l'ensemble des mesures requises. La surveillance est alors close par l’adoption d’une résolution finale.
Dès lors que les arrêts et décisions sont devenus définitifs, les États indiquent rapidement au Comité des Ministres, dans des « plans d'action », les mesures qu'ils envisagent et/ou ont adoptées. Une fois que toutes les mesures ont été prises, un « bilan d'action » est soumis. Au cours du processus de surveillance, les requérants, les Organisations de la société civile (OSC) ainsi que les institutions nationales des droits de l'homme (INDH) peuvent soumettre, par écrit, des observations.
La surveillance de l'adoption et de la mise en œuvre des plans d'action suit depuis janvier 2011 une nouvelle procédure à deux axes. La plupart des affaires suivent la procédure standard. Une procédure soutenue est quant à elle utilisée dans les affaires qui requièrent des mesures de caractère individuel urgentes ou qui révèlent des problèmes structurels importants (en particulier les arrêts pilotes) et dans les affaires interétatiques.
Le cas échéant, le Comité des Ministres peut contribuer à l'exécution de différentes manières, notamment par des recommandations formulées dans des décisions et des résolutions intérimaires. Le Conseil de l'Europe peut offrir aux États, s'il y est invité, un soutien complémentaire sous forme de programmes ciblés (par exemple expertises juridiques, tables rondes ou activités de formation). Un soutien peut aussi être proposé par le biais du Fonds fiduciaire pour les droits de l'homme (HRTF).