Image: Theme 'Peace and Violence' by Pancho

La violence : concepts et exemples

La violence, c’est quoi ?

La violence est un concept complexe, souvent compris comme le recours à la force ou la menace du recours à la force, avec pour conséquences éventuelles des blessures, des dommages, des privations, voire la mort. La violence peut être physique, verbale ou psychologique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la violence comme « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ».1 Cette définition souligne l’aspect intentionnel du concept, qu’elle élargit aux actes qui s’inscrivent dans des relations de pouvoir.

8 millions d’armes légères sont produites chaque année. 2 balles par habitant de la planète sont produites chaque année. Sur trois personnes tuées par la violence armée, deux meurent dans des pays « en paix ». Pour chaque personne tuée par la violence armée, 10 autres sont blessées.
Estimations de  www.controlarms.org

La violence, dans sa conception plus générale, inclut la violence comportementale mais également la violence structurelle, souvent inconsciente. La violence structurelle découle de structures économiques et sociales injustes et inéquitables, et se manifeste notamment par la pauvreté ou des privations de toutes sortes.

Il existe différentes façons de classer les formes de violence. L’une de ces classifications englobe les suivantes :

  • la violence directe, autrement dit la violence physique ou comportementale, comme la guerre, le harcèlement, la violence domestique, l’exclusion ou encore la torture ;
  • la violence structurelle, par exemple la pauvreté et la privation des ressources de base et de l’accès aux droits ; les systèmes oppresseurs qui asservissent, intimident et maltraitent les contestataires comme les pauvres, ceux qui sont privés de pouvoir et marginalisés ;
  • la violence culturelle, qui consiste à dévaloriser et à détruire des identités humaines et des modes de vie spécifiques, la violence du sexisme, de l’ethnocentrisme, du racisme et des idéologies coloniales, ainsi que d’autres formes d’exclusion morale qui justifient l’agression, la domination, l’inégalité et l’oppression.

Question:La violence directe, structurelle et/ou culturelle, est-elle présente au sein de votre communauté ? Sous quelle forme ?

Les violations des droits de l’homme d’aujourd’hui sont la cause des conflits de demain.
Mary Robinson

La violence dans le monde

Chaque année, plus de 1,6 million de personnes perdent la vie, victimes de violence. Pour chaque personne décédée des suites de violence, on enregistre de nombreuses autres victimes de blessures, de souffrances physiques, sexuelles ou mentales. La violence fait peser une lourde charge sur les économies des pays qui doivent investir dans les soins de santé et des mesures de répression, et compenser leur perte de productivité.
Organisation mondiale de la santé2

Les formes structurelles et culturelles de violence sont souvent si profondément enracinées dans les sociétés qu’elles sont considérées comme leur étant inhérentes. Parce qu’elles s’exercent sur le long terme, ces violences ont finalement des conséquences comparables à celles de la violence directe. Dans certains cas, les opprimés y répondent eux-mêmes par la violence directe. Les violences structurelles et culturelles que sont, entre autres, des niveaux d’éducation inférieurs dans les quartiers défavorisés, des loisirs plus difficilement accessibles aux étrangers, des conditions de travail pénibles dans certains domaines ont des répercussions directes sur l’accès des individus à leurs droits. Pour autant, ces formes de violence sont rarement reconnues comme des violations des droits de l’homme.
Suivent quelques exemples des différentes formes de violence dans le monde ; mais ce ne sont pas les seules. Vous trouverez plus d’informations sur les conséquences des conflits armés dans le chapitre sur la guerre et le terrorisme et diverses autres sections de ce manuel.

Les dépenses militaires, le commerce des armes et la violence

La production et le commerce d’armes et d’armement sont sans nul doute l’une des menaces les plus sérieuses qui pèsent sur la paix, et pas uniquement à cause de leur dimension économique, financière et sociale. Ces activités sont souvent encouragées pour des raisons économiques, sans réelle considération de leur impact sur la paix et la sécurité. Les dépenses militaires mondiales ne cessent d’augmenter : en 2010, elles étaient estimées à 1 230 milliards €. La base de données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm3 révèle que les Etats-Unis (avec 530 milliards €) réalisent les plus grosses dépenses militaires, suivis de la Chine (90 milliards €) et de trois autres pays européens, et notamment le Royaume-Uni et la France (44,7 milliards €), et la Russie (44 milliards €).
Le Bureau international de la paix estime que les investissements annuels dans les Objectifs du millénaire pour le développement s’élèvent à 248 milliards €, soit environ 20 % des dépenses militaires mondiales.

Dépenses militaires mondiales en 2010

Question: Combien votre pays de résidence dépense-t-il annuellement en production et achat d’armes ?

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime qu’au moins 740 000 femmes, hommes, jeunes et enfants meurent chaque année de la violence armée ; la plupart des victimes sont en situation de pauvreté. La majorité des homicides par arme n’ont pas pour cadre la guerre, même si les conflits armés continuent d’être à l’origine de beaucoup de décès. Qui plus est, beaucoup de personnes sont blessées par la violence armée et en souffrent sur le long terme. Selon les données rapportées par Amnesty international, environ 60 % des violations des droits de l’homme impliquaient l’utilisation d’armes légères et de petit calibre.4

Surveiller le commerce des armes

Control Arms (Contrôlez les armes) est une coalition mondiale de la société civile qui fait campagne pour un traité international juridiquement contraignant mettant un terme au transfert d’armes et de munitions. La campagne veut sensibiliser au fait que les dispositions nationales n’ont pas été adaptées à la mondialisation croissante du commerce des armes, dont les pièces sont en effet produites dans différents lieux pour être exportées vers d’autres pays en vue de leur assemblage. Control Arms appelle à un traité « pare-balles » qui tiendrait les gouvernements responsables de tout transfert illégal d’armes.
www.controlarms.org

Le harcèlement

Le harcèlement, forme de violence interpersonnelle qui touche les jeunes, n’est généralement pas considéré comme une forme de violence. Le harcèlement est un comportement agressif répété dans l’objectif de blesser la personne visée. Il peut prendre la forme d’agression physique, psychologique ou verbale, et intervenir dans toute situation où des personnes sont en relation, que ce soit à l’école, sur le lieu de travail ou tout autre lieu social. Le harcèlement peut être direct, et opposer des personnes en face-à-face, ou indirect, et prendre la forme de rumeurs ou d’atteintes, par le biais d’internet par exemple. En dépit de la difficulté à disposer de statistiques parlantes, la recherche montre que le harcèlement est un problème qui prend de l’ampleur. Bien souvent, les victimes n’osent pas se signaler. Il est par conséquent extrêmement difficile de les identifier et de leur apporter l’aide nécessaire.

Les châtiments corporels sont-ils légitimes ?

Les châtiments corporels sont la forme de violence à l’encontre des enfants la plus répandue et constituent une violation de leurs droits humains. Dans le passé, certains affirmaient que la fessée était une forme non-violente de punition qui permettait aux parents d’éduquer leurs enfants, tandis que d’autres la considéraient comme un châtiment corporel violent. La campagne du Conseil de l’Europe « Levez la main contre la fessée », qui s’est élevée contre cette pratique du point de vue des droits de l’homme, a déclenché de vifs débats dans les pays membres.

La violence basée sur le genre

Pour plus d’informations sur le genre et la violence basée sur le genre, voir la section sur le genre au chapitre 5, ou le
manuel Gender Matters (Questions
de genre), www.coe.int/compass

Alors que les sociétés dominées par les hommes justifient souvent la possession d’armes de petit calibre par la nécessité présumée de protéger les femmes vulnérables, ces dernières risquent en réalité davantage d’êtres victimes de violence lorsque leur famille et leur communauté sont armées.
Barbara Frey6

La violence basée sur le genre est l’une des formes les plus répandues de violence structurelle et culturelle. Elle existe dans toutes les sociétés et ses conséquences touchent pratiquement tous les êtres humains. Selon le FNUAP, la violence basée sur le genre reflète et renforce les inégalités entre les hommes et les femmes, et compromet la santé, la dignité, la sécurité et l’indépendance de ses victimes. Elle englobe un large éventail de violations des droits humains, depuis les violences sexuelles sur enfants, le viol, la violence domestique, les agressions et le harcèlement sexuel, la traite des femmes et des jeunes filles, jusqu’à des pratiques traditionnelles préjudiciables. Toutes ces violences peuvent laisser de profondes cicatrices psychologiques, nuire à la santé des femmes et des filles en général, et notamment à leur santé reproductive et sexuelle et, parfois, mener au décès5.
La violence basée sur le genre n’est pas forcément physique. Concernant les jeunes, et notamment les (jeunes) garçons et filles LGBT, cette violence est souvent verbale.

Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international.
Article 1 de la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme

En situation de conflit, les femmes sont tout particulièrement vulnérables, d’autant que de nouvelles formes de violence à leur encontre apparaissent. Cela va des viols collectifs aux agressions sexuelles, jusqu’aux grossesses forcées et à des situations d’esclavage sexuel. Lors des conflits armés, la polarisation des rôles de genre a tendance à se renforcer et les femmes sont alors considérées comme des objets de guerre et des territoires à conquérir.

La violence à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme

Enquêter sur les violations des droits de l’homme et en rendre compte, éduquer aux droits de l’homme et faire campagne pour la justice sont des missions à haut risque. Les défenseurs des droits de l’homme sont des personnes qui, individuellement ou avec d’autres, promeuvent et protègent les droits de l’homme par des moyens pacifiques et non violents. Pour ces raisons, les défenseurs des droits de l’homme peuvent faire l’objet de différentes formes de violence, dont des passages à tabac, des arrestations arbitraires ou des exécutions, des tortures, des menaces de mort, le harcèlement et la diffamation, ou encore des restrictions à leur liberté d’expression et d’association.
En 2000, la Commission des droits de l’homme a créé le mandat de Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme afin de contribuer à la mise en oeuvre de la Déclaration de 1998 sur les défenseurs des droits de l’homme. La « protection » des défenseurs des droits de l’homme englobe la protection non seulement des défenseurs mais aussi de leur droit à défendre les droits de l’homme. Le Rapporteur spécial sollicite, reçoit et examine les informations concernant la situation des défenseurs des droits de l’homme, promeut la mise en oeuvre effective de la Déclaration et recommande des stratégies concrètes et efficaces pour mieux protéger les défenseurs des droits de l’homme.7

Question:Dans votre pays, est-il possible de rapporter et de dénoncer les droits de l’homme en toute liberté et sécurité ?

A y regarder de près, et en éliminant les couches superficielles que sont la religion et la politique, les conflits sont souvent une question d’accès aux ressources, de tentatives pour contrôler ces ressources et décider de leur partage.
Wangari Maathai

La lutte pour les ressources

La possession ou le contrôle des ressources naturelles que sont l’eau, les terres cultivables, l’huile minérale, les métaux, le gaz naturel, entres autres, ont souvent alimenté des conflits violents à travers l’histoire. La raréfaction de certaines ressources et la pénurie d’autres, comme l’eau ou les terres cultivables, vont s’aggraver du fait de l’augmentation de la consommation humaine et des changements climatiques. Cette situation pourrait multiplier les tensions régionales ou internationales et, potentiellement, déboucher sur des conflits violents.

Question: Dans quelle mesure votre pays est-il engagé dans la lutte pour des ressources rares ?

Paix, sécurité humaine et droits de l’homme

La guerre et la violence ont inévitablement pour conséquence le déni des droits de l’homme. Bâtir une culture des droits de l’homme est une condition indispensable à un état de paix. Une paix et une sécurité durables et pérennes ne sont envisageables que si l’ensemble des droits de la personne humaine sont réalisés. Bâtir et préserver une culture de paix est un défi lancé à l’ensemble de l’humanité.

La paix, c’est quoi ?

Une culture de la paix sera instaurée quand les citoyens du monde seront parvenus à comprendre les problèmes mondiaux, quand ils auront les compétences nécessaires pour résoudre les conflits de manière constructive et vivre selon les normes internationales des droits de l’homme, dans le respect de l’égalité raciale, de la diversité culturelle et de l’intégrité de la Terre. Un tel apprentissage est impossible sans une éducation à la paix, mise en oeuvre de façon systématique.
Campagne mondiale pour l’éducation à la paix, appel à la paix de La Haye

Le FIAN est une organisation internationale de droits de l’homme qui fait campagne pour le droit à une alimentation adéquate.
www.fian.org

La déclaration ci-dessus propose une compréhension de la paix au sens large : la paix n’est pas seulement l’absence de conflits violents, elle est également synonyme de justice et d’équité, ainsi que de respect des droits de l’homme et de la Terre.
Johan Galtung, érudit norvégien de réputation mondiale et chercheur, a défini deux aspects de la paix. La « paix négative » est l’absence de guerre ou de conflit violent entre les Etats, ou à l’intérieur d’un même Etat. Par « paix positive », on entend non seulement l’absence de guerre ou de conflit violent, mais aussi un état d’équité, de justice et de développement.
L’absence de guerre en soi ne garantit pas que les individus ne souffrent pas de violence psychologique, de répression, d’injustice et d’accès insuffisant à leurs droits. Par conséquent, la paix ne saurait se définir par la seule paix négative.

Le concept de paix revêt une importante dimension culturelle. Traditionnellement, pour beaucoup dans le « monde occidental », la paix est une condition extérieure, tandis que dans d’autres cultures, la paix est aussi intérieure (dans nos esprits et dans nos coeurs). Dans la tradition maya, par exemple, la paix renvoie au concept de bien-être ; elle est liée à l’idée d’un équilibre parfait entre les différentes sphères de nos vies. Dans ces conditions, la paix est un processus à la fois intérieur et extérieur.

La sécurité humaine

Le concept de sécurité humaine est étroitement lié à ceux de paix et de violence, car il reconnaît la relation entre la violence et les privations de toutes sortes. Il concerne la protection des individus et des communautés non seulement de la menace directe de violences physiques, mais aussi des menaces indirectes qui découlent de la pauvreté et d’autres formes d’inégalités sociales, économiques et politiques, ainsi que des maladies et des catastrophes naturelles. Un pays peut ne pas être sous la menace d’une attaque extérieure ou de conflits internes, mais ne pas garantir la sécurité s’il n’est pas en capacité de préserver la règle du droit, si d’importantes populations sont déplacées par la famine ou décimées par la maladie, ou si ses citoyens sont privés de leur droit fondamental à la survie et de l’accès à leurs droits humains.

La sécurité humaine favorise les droits de l’homme en repoussant les menaces graves auxquels ils sont exposés. Elle soutient le développement de systèmes qui confèrent aux individus les éléments constitutifs que sont la survie, la dignité et les libertés fondamentales : celle d’être à l’abri du besoin, celle de ne pas avoir peur et celle de pouvoir agir en son propre nom. Elle fait appel à deux stratégies générales pour y parvenir : la protection et l’émancipation. La protection consiste à mettre les individus à l’abri des dangers directs, tout en cherchant à développer des normes, des processus et des institutions qui préservent la sécurité. L’émancipation permet aux individus de développer leur potentiel et de participer à part entière à la prise de décision. Protection et émancipation se renforcent mutuellement, les deux étant nécessaires.

Question: De quelle façon l’insécurité affecte-t-elle les jeunes avec qui vous travaillez ?

La paix en tant que droit de l’homme

La paix, c’est vivre ensemble de telle sorte que tous les membres de la société puissent réaliser l’ensemble de leurs droits humains. La paix est aussi le produit des droits de l’homme : plus une société promeut, protège et réalise les droits humains de ses citoyens, plus grandes sont ses chances de mettre un terme à la violence et de résoudre les conflits de façon pacifique.
Cependant, de plus en plus, la paix est aussi reconnue comme un droit de l’homme en soi, un nouveau droit de l’homme, ou un élément qui fait partie de ce que l’on appelle les droits de solidarité.

La non-violence est la loi suprême de la vie.
Proverbe indien

Les peuples ont droit à la paix et à la sécurité tant sur le plan national que sur le plan international.
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, article 23

Le lien entre les droits de l’homme internationaux et le droit à la paix est très puissant, notamment parce que l’absence de paix débouche sur quantité de violations des droits de l’homme.
La DUDH reconnaît par exemple le droit à la liberté et la sûreté (article 3) ; interdit la torture, les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 5) et appelle, sur le plan international, à un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la Déclaration puissent y trouver plein effet (article 28). Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit la propagande en faveur de la guerre ainsi que « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence » (article 20).
Le droit à la paix est également codifié par un certain nombre de documents régionaux comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et la Charte asiatique des droits de l’homme. Quant à la création du Conseil de l’Europe, elle s’appuyait sur la conviction que « la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine et de la civilisation ».

Le droit à la paix selon le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies

« Le Conseil des droits de l’homme …
1. Réaffirme que les peuples de la Terre ont un droit sacré à la paix ;
2. Réaffirme également que tous les États ont l’obligation fondamentale de préserver le droit des peuples à la paix et de promouvoir la réalisation de ce droit ;
3. Souligne l’importance que revêt la paix pour la promotion et la protection de tous les droits de l’homme pour tous ;
4. Souligne également que la profonde fracture sociale entre les riches et les pauvres et le creusement des inégalités entre le monde développé et le monde en développement font peser une lourde menace sur la prospérité, la paix, les droits de l’homme, la sécurité et la stabilité à l’échelle planétaire ;
5. Souligne en outre que la paix et la sécurité, le développement et les droits de l’homme constituent le socle sur lequel repose le système des Nations Unies et les fondements de la sécurité et du bien-être collectifs ; … »11

Le contraire de la violence, ce n’est pas la non-violence mais le pouvoir. Une personne qui détient le pouvoir moral, le  pouvoir de convaincre et le pouvoir de faire le bien n’a pas besoin de recourir à la violence.9
Nelsa Libertad Curbelo10

La sécurité humaine, c’est un enfant qui ne meurt pas, une maladie qui ne se répand pas, un emploi qui n’est pas supprimé, une tension ethnique qui ne se traduit pas en explosion de violence, un dissident que l’on ne fait pas taire. La sécurité humaine n’a rien à voir avec les armes ; c’est une question de vie humaine et de dignité.
Rapport sur le développement humain, 1994

La Déclaration de Santiago sur le droit humain à la paix, adoptée en 2010 par le Congrès international sur le droit humain à la paix, est l’un des documents les plus élaborés sur la paix en tant que droit de l’homme. La Déclaration reconnaît que les personnes, les groupes et les peuples disposent du droit inaliénable à une paix juste, viable et durable (article 1) et que les Etats, individuellement, conjointement ou dans le cadre d’organisations multilatérales, sont les détenteurs au premier chef de l’obligation du droit humain à la paix. La Déclaration appelle aussi au droit à l’éducation sur et pour la paix et tous les autres droits de l’homme, comme composante du droit à la paix, parce que l’éducation et la socialisation pour la paix sont une condition sine qua non du « désapprentissage » de la guerre et de la construction d’une identité non violente. Le droit à la sécurité humaine et le droit de vivre dans un environnement sain et sûr, y compris le fait d’être à l’abri du besoin et de la peur, sont également promus comme facteurs d’une paix positive. D’autres dimensions du droit à la paix sont le droit à la désobéissance et à l’objection de conscience, le droit de résister et de s’opposer à l’oppression, et le droit au désarmement.
La Déclaration consacre également un article spécifique aux droits des victimes, notamment celui de saisir la justice et d’obtenir la liste des obligations qu’implique le droit des peuples/de l’être humain à la paix.

Question: Concrètement, que signifie pour vous le droit à la paix ?

La violence légitime (de l’Etat)

Toutes les violences ne sont pas illégales ou illégitimes. La violence est parfois nécessaire pour protéger les droits humains de certaines personnes. Je pourrais devoir me servir de la violence pour me défendre ; j’attends d’un policier qu’il recourt, dans des cas extrêmes, à certaines formes de violence pour me protéger, moi et ma famille, de la violence d’autrui. Mon droit de l’homme à la sécurité implique que l’Etat et ses agents me protègent la violence. Un cadre des droits de l’homme implique que les actes de violence perpétrés par des agents publics ou de l’Etat soient justifiés (et parfois nécessaires), à la condition qu’ils soient organisés et mis en oeuvre dans un cadre de droits de l’homme incluant le respect des droits de la victime.

Tous les individus ont droit à la paix pour pouvoir développer pleinement l’ensemble de leurs capacités physiques, intellectuelles, morales et spirituelles sans être la cible d’aucune sorte de violence.
Charte asiatique des droits de l’homme, 1998, paragraphe 4.1

Cela soulève des questions sur la primauté de certains droits humains sur d’autres : le droit à la vie est sans conteste un droit de l’homme et pourtant, dans bien des cas, des êtres humains sont punis violemment ou tués en conséquence de leurs actes.
L’histoire est pleine d’exemples qui illustrent comment les mouvements civils ont amené des changements et amélioré l’accès aux droits de l’homme. Toutefois, les mouvements pacifiques sont souvent réprimés au moyen d’actions violentes de la police et de l’armée, qui nient les droits à la liberté d’expression et d’association. Lors du Printemps arabe, débuté en 2011, des jeunes en Tunisie, en Egypte et dans d’autres pays arabes se sont rassemblés pour revendiquer pacifiquement leurs droits de l’homme. Ces jeunes ont pourtant été violemment attaqués et incarcérés par les forces armées ; beaucoup y ont perdu la vie.

Question: A quel moment l’intervention armée de la police se justifie-t-elle ?

La famine affecte certaines personnes qui manquent de nourriture, mais elle n’est pas liée à une situation de pénurie alimentaire.
Amartya Sen

Du point de vue des droits de l’homme, la privation de liberté d’un individu en conséquence d’une infraction pénale ne le prive pas de son humanité inhérente. C’est pourquoi les mesures prises par l’Etat concernant des individus coupables de violences à l’encontre d’autrui ne doivent pas être arbitraires ; elles doivent respecter la dignité humaine et protéger de la torture et de peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’un des objectifs de la détention est en effet la réadaptation sociale.

Je suis contre la violence parce que, lorsqu’elle semble faire du bien, cela n’est que temporaire. En revanche, le mal qu’elle fait est permanent.
Ghandi

La règle du droit et la protection des droits de l’homme et des libertés sont des garde-fous indispensables d’un système de justice pénale juste et efficace. Toutefois, s’ils protègent les innocents12, les centres de détention sont aussi souvent, malheureusement, des lieux de violations des droits de l’homme.
Selon les normes des droits de l’homme, et en particulier la Convention relative aux droits de l’enfant, il convient que soient prévus pour les jeunes délinquants des mécanismes de réadaptation spécifiques comme, « des lois, des procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale » (article 40). Mais tel n’est pas toujours le cas. Selon Penal Reform International, le traitement que les autorités appliquent aux jeunes délinquants peut fréquemment conduire à des problèmes de santé physiques et psychologiques sur le long terme. Par exemple, l’exposition à des comportements violents dans le cadre de la détention et la séparation de la famille et de la communauté peuvent saper le projet de réadaptation et pousser ces jeunes à la récidive. Selon des estimations de l’Unicef, il y aurait aujourd’hui plus d’un million d’enfants en détention dans le monde entier.

Question: La détention peut-elle être un moyen efficace de réadapter et d’éduquer les enfants et les jeunes qui ont commis des infractions pénales ?

La peine capitale

La peine capitale est interdite par la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Protocole 1). Le fait de déclarer la peine capitale hors la loi ne justifie pas les violations des droits de l’homme. Cela témoigne aussi de la conviction que la violence ne peut être combattue par plus de violence. L’interdiction de la peine de mort est aussi l’affirmation de la faillibilité de la justice : l’histoire a montré que les erreurs judiciaires sont toujours possibles ainsi que le risque d’exécuter la mauvaise personne. Mais l’interdiction de la peine de mort est aussi l’expression de la conviction du droit à la vie et à la dignité – et à un jugement équitable.

Penal Reform International est une organisation internationale non gouvernementale qui oeuvre pour la réforme de la justice pénale et criminelle dans le monde entier.
www.penalreform.org

En 2011, 1923 personnes dans 63 pays ont été condamnées à mort et 676 exécutions ont eu lieu dans 20 pays. Toutefois, ce chiffre n’inclut pas les milliers d’individus qui, selon Amnesty international, auraient été exécutés en Chine13  
En 2012, le Belarus est le seul pays d’Europe qui continue à appliquer la peine capitale. Selon Amnesty international, les détenus dans le couloir de la mort ne sont informés de leur exécution que quelques minutes avant l’application de la sentence. Ils sont exécutés d’une balle dans la nuque. Les membres de la famille ne sont informés qu’après l’exécution, et le lieu d’inhumation est tenu secret.

Les jeunes et une culture de paix

La transformation des conflits, la réconciliation, l’éducation à la paix et le travail de mémoire font partie des actions qui portent les espoirs d’une vie sans violence et d’une culture de paix. Nous devons apprendre les leçons de l’histoire et faire des efforts pour éviter que ne se reproduisent les terribles atteintes à l’humanité qu’ont vécues les générations précédentes. Pour autant, des guerres et des conflits armés continuent de faire rage dans certaines régions du monde. Il est réconfortant de savoir que nous ne sommes pas sans défense et que nous sommes en possession d’outils pour éradiquer la violence. Et les jeunes ont un rôle important à jouer dans ce processus.

Seules les sociétés basées sur la démocratie, la règle du droit et les droits de l’homme sont garantes d’une stabilité et d’une paix durables sur le long terme.
Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe oeuvre pour la promotion de la justice sociale, la lutte contre l’escalade de la violence et la prévention des guerres et des activités terroristes. Il encourage les dirigeants politiques et la société civile à nourrir et développer une culture de paix à la place d’une culture de violence. Il s’efforce aussi de sensibiliser au coût de la violence, aux perspectives d’un avenir pacifique, à l’importance de la démocratie et des compétences démocratiques, tout en promouvant l’humanisme, la dignité humaine, la liberté et la solidarité.

Le secteur de la jeunesse du Conseil de l’Europe possède une expérience de plus de 40 ans du travail sur l’apprentissage interculturel, la transformation des conflits et l’éducation aux droits de l’homme.
L’adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe du Livre blanc sur le dialogue interculturel, « Vivre ensemble dans l’égale dignité », a confirmé la pertinence politique de ces approches et mis en évidence la nécessité d’un dialogue entre les cultures au profit du développement et du maintien de sociétés pacifiques.

Confrontez-vous à vos propres préjugés ! Au lieu d’en parler, allez tout simplement à leur rencontre.
Guide de l’Organisateur de la Bibliothèque vivante14

La 7e Conférence des ministres européens responsables de la jeunesse (Budapest, 2005) était consacrée aux réponses apportées par la politique de jeunesse à la violence. Dans leur déclaration finale, les ministres ont notamment convenu de l’importance de faire le bilan de toutes les formes de violence et de leur impact. Ils ont aussi souligné la nécessité de développer des stratégies pour la prévention de la violence et de reconnaître les jeunes en tant qu’acteurs dans la prévention de la violence, tout en renforçant leur sens des responsabilités et en promouvant activement leur participation et leur coopération dans ce domaine. La déclaration reconnaît également l’éducation aux droits de l’homme comme incluant une dimension essentielle de la prévention de la violence. Cette conférence ministérielle était l’apogée d’un projet contre la violence dans la vie quotidienne qui a débouché sur la mise au point de plusieurs initiatives et instruments éducatifs visant à prévenir et traiter la violence, comme le Guide de l’organisateur de la Bibliothèque vivante.

En tant qu’ambassadeurs pour la paix, nous devrions devenir les yeux et les oreilles du Conseil de l’Europe dans
nos pays et en Europe.
Zlata Kharitonova, participant aux Jeunes Ambassadeurs pour la paix

Le secteur de la jeunesse du Conseil de l’Europe a également lancé et soutenu plusieurs projets menés par les jeunes sur les thèmes du conflit et en faveur de l’éducation à la paix. Le programme « Camp de jeunes pour la paix », organisé depuis 2004, réunit des jeunes de différentes zones de conflit dans le cadre d’un dialogue pour les amener à comprendre qu’ils partagent des valeurs et des expériences communes, souvent très douloureuses. Le programme aide les jeunes responsables à identifier et aborder les préjugés tout en combattant les formes de nationalisme agressives et exclusives, et en se servant de l’apprentissage interculturel et de l’éducation aux droits de l’homme. Certains des participants se retrouvent ainsi pour la première fois face à des jeunes du « camp adverse ». Le Camp de jeunes pour la paix est à présent organisé tous les ans au Centre européen de la jeunesse et occasionnellement dans les Etats membres.

Multiplication de l’éducation à la paix

Après le Camp de jeunes pour la paix en 2011, six participants israéliens et palestiniens ont décidé de continuer à se rencontrer sur ce que l’on appelle « la ligne verte » du cessez-le-feu. Tous les mois, d’autres jeunes des deux camps se joignent à la réunion qui inclut des discussions, le partage d’histoires personnelles et des moments de détente. Le groupe s’engage dans le travail communautaire des deux côtés de la ligne, chaque fois dans une communauté différente d’un côté différent, toujours dans une communauté affectée d’une façon ou d’une autre par le conflit en cours.

Le projet des Jeunes Ambassadeurs pour la paix, lancé en 2011, implique des responsables de jeunesse dans des projets locaux d’éducation à la paix, aux côtés de jeunes, afin de transformer des situations de conflit dans leurs réalités. Le projet s’appuie sur un réseau de jeunes spécifiquement formés qui renforcent la présence du Conseil de l’Europe et promeuvent ses valeurs dans des zones et des communautés affectées par les conflits.

Stop à la haine!

Ces deux dernières années, les rues de Prijepolje, ville serbe multiculturelle, se couvraient de graffiti véhiculant des discours de haine à l’encontre des étrangers et des adeptes de différentes religions (musulmans et orthodoxes). La plupart des graffiti étaient l’oeuvre de garçons membres de deux groupes de hooligans. Mon  projet réunit 10 jeunes garçons, de 14 à 18 ans, issus d’un groupe de hooligans et de minorités ethniques et religieuses, chargés de remplacer les graffiti négatifs par des graffiti positifs. Le projet sera l’occasion de tourner un documentaire sur la construction de la paix. Il devrait aider à poser des bases solides pour l’instauration de la paix, la compréhension culturelle mutuelle et la tolérance.
Edo Sadikovic, organisation JUMP, Serbie (projet de Jeunes Ambassadeurs pour la paix)

Les réseaux pour la paix

Les exemples ci-après illustrent la diversité, le sérieux et la créativité des bâtisseurs de la paix et des défenseurs des droits de l’homme.

Combatants for Peace – est un mouvement créé conjointement par des Palestiniens et des Israéliens qui ont joué un rôle actif dans la violence et se battent à présent pour la paix.

Search for Common Ground met en oeuvre des programmes pour la transformation des conflits.

Responding to Conflict  propose des formations pour la transformation des conflits. Son site web fournit des exemples et des notes d’études desquels s’inspirer pour la mise en oeuvre de formations.

Le Global Partnership for the Prevention of Armed Conflict (GPPAC) est un réseau mondial en quête d’un nouveau consensus international sur l’idée de prévenir les conflits plutôt que d’y réagir.

Le United Network of Young Peacebuilders est un réseau d’organisations conduites par des jeunes qui oeuvrent pour la création de sociétés pacifiques.

Notes

1 Rapport mondial sur la violence et la santé, OMS, 2002 : http://www.who.int/violence_injury_prevention/violence/world_report/en/full_fr.pdf
2 www.who.int/violence_injury_prevention/violence/en/
3 Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Stockholm International Peace Research Institute, SIPRI):  www.sipri.se
4 http://controlarms.org/wordpress/wp-content/uploads/2011/03/killer_facts_en.pdf 
5 www.unfpa.org/gender/violence.htm
6 Rapport intérimaire présenté par Barbara Frey, Rapporteuse spéciale chargée de la question de la prévention des violations des droits de l’homme commises à l’aide d’armes de petit calibre et d’armes légères, UN Doc. E/CN.4/Sub.2/2004/37, 21 juin 2004, paragraphe 50.
7 Source: www.ohchr.org/EN/Issues/SRHRDefenders/
8 Evans, A., Resource scarcity, fair shares and development, WWF / Oxfam, Discussion paper, 2011  
9 Tiré du film Barrio De Paz (Quartier de paix).
10Nelsa Libertad Curbelo est une ancienne religieuse et médiatrice qui intervient auprès des gangs de rue en Equateur.
11 Assemblée générale des Nations Unies, 15 juillet 2011, Document A/HRC/RES/17/16 du Conseil des droits de l’homme, http://daccess-ddsny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/G11/148/70/PDF/G1114870.pdf ?OpenElement
12Voir, à propos des systèmes de justice pénale au Royaume-Uni: http://ybtj.justice.gov.uk/
13 Amnesty International statistiques sur la peine capitale.s
14 La couverture ne fait pas le livre ! – le Guide de l’Organisateur de la Bibliothèque vivante, Abergel R. et al, Les éditions du Conseil de l’Europe, 2005.

Image2: Theme 'Peace and Violence' by Pancho

 
Activités associées
Date clé
  • 12 févrierRed Hand Day (Journée d’action mondiale contre l’enrôlement des enfants dans les conflits armés)
  • 21 marsJournée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale
  • 15 maiJournée internationale de l’objection de conscience
  • 29 maiJournée internationale des Casques bleus de l’ONU
  • 4 juinJournée internationale des enfants victimes innocentes de l’agression
  • 26 juinJournée internationale pour le soutien aux victimes de la torture
  • 6 aoûtJournée d’Hiroshima
  • 21 septembreJournée internationale de la paix
  • 2 octobreJournée internationale de la non-violence
  • 10 octobreJournée mondiale contre la peine de mort
  • 24-30 octobreSemaine du désarmement
  • 9 novembreJournée internationale contre le fascisme et l’antisémitisme
  • 11 novembreJournée internationale de la science et de la paix
  • 25 novembreJournée internationale pour l’élimination de la violence à l’encontre des femmes
  • 2 décembreJournée internationale pour l’abolition de l’esclavage