Nous savons déjà que les droits de l’homme sont inaliénables et que tout être humain les possède. Mais comment accéder à ces droits ? Où trouver la preuve que ces droits ont été formellement reconnus par les Etats ? Et comment ces droits sont-ils mis en oeuvre ?

Les droits de l’homme au plan national

En fin de compte, la protection des droits de l’homme repose pour l’essentiel sur les mécanismes en place au niveau national.

Il va sans dire que la protection et la perception des droits de l’homme dépendent en fin de compte, et pour l’essentiel, des développements et des mécanismes au niveau national. Dans chaque pays, la jouissance des droits dépend des lois, des politiques, des procédures et des mécanismes en vigueur à l’échelon national. Partant, il est crucial que les droits de l’homme fassent partie des systèmes nationaux constitutionnels et juridiques, que les professionnels de la justice soient formés à l’application des normes en matière de droits de l’homme et que les violations des droits de l’homme soient condamnées et sanctionnées. Les normes nationales ont en effet des répercussions plus directes et les procédures nationales sont plus accessibles que celles en place au niveau régional et international. Comme l’observait Eleanor Roosevelt :

Où commencent les droits universels, après tout ? Ils commencent près de chez soi, en des lieux si proches et si petits qu’on ne peut les voir sur aucune carte du monde. Ils constituent pourtant l’univers personnel de chacun : le quartier où l’on vit ; l’école ou l’université que l’on fréquente ; l’usine, la ferme ou le bureau où l’on travaille. C’est là que chaque homme, chaque femme, chaque enfant aspire à l’équité dans la justice, à l’égalité des opportunités et à la même dignité sans discrimination. Si, dans ces lieux, les droits sont dénués de sens, ils n’en auront guère davantage ailleurs.2

Le devoir de l’Etat de respecter, promouvoir, protéger et réaliser les droits des citoyens prime donc sur celui des tribunaux régionaux ou internationaux en la matière et est essentiel principalement là où l’Etat, délibérément ou régulièrement, bafoue des droits. Nous avons tous à l’esprit des exemples qui illustrent à quel point le recours aux mécanismes régionaux et internationaux est devenu nécessaire pour la reconnaissance des violations commises au plan national. En cas de violation, la prise de conscience ou l’assistance au niveau régional et international peuvent être le déclencheur qui va permettre la garantie des droits au niveau national, mais uniquement lorsque tous les recours nationaux ont été épuisés. C’est la raison pour laquelle nous consacrons le reste de cette section à ce scénario : quels sont les recours possibles lorsque les dispositifs nationaux n’ont pas permis de garantir la protection nécessaire à la jouissance des droits de l’homme ?

Question: Pourquoi pensez-vous que même les Etats présentant de piètres états de service en matière de droits de l’homme sont prêts à signer des conventions internationales en la matière ?

Les droits de l’homme sont reconnus par des conventions

Toute âme est l’otage de ses propres actions.
Le Coran

Au niveau international, les Etats se sont associés pour élaborer un certain nombre de conventions sur la question des droits de l’homme. Ces conventions établissent des normes relatives à la conduite des Etats et leur imposent certaines obligations à l’égard des individus. Ces conventions peuvent être de deux sortes en ce qu’elles peuvent avoir force obligatoire ou pas.
Un document obligatoire - il s’agit généralement d’un traité, d’une convention ou d’un pacte - matérialise l’engagement d’un Etat à appliquer certains droits au niveau  national. De façon individuelle, les Etats manifestent leur volonté d’être liés par ces normes au moyen de la ratification ou de l’adhésion (la simple signature du document ne lui donne pas force exécutoire même si elle témoigne de d’une volonté dans ce sens). Conformément à la Déclaration de Vienne de 1979, les Etats sont autorisés à faire des réserves ou des déclarations qui les exemptent de certaines dispositions prévues par le document, l’idée étant d’amener le plus grand nombre d’Etats à signer le document en question. Car, après tout, mieux vaut un Etat qui s’engage à respecter quelques-unes des dispositions plutôt qu’aucune! Ceci dit, ce mécanisme peut parfois ouvrir la voie à des abus et servir de prétexte au déni de droits de l’homme fondamentaux, par exemple en permettant qu’un Etat “échappe” à la surveillance internationale dans certains domaines.
Les droits de l’homme ont cependant également pénétré le droit contraignant au niveau national. Les conventions internationales en matière de droits de l’homme ont incité les Etats à inscrire les normes qu’elles consacrent dans leurs constitutions et d’autres textes législatifs nationaux. Ces instruments offrent ainsi des voies pour la réparation des violations des droits de l’homme au niveau national.

Par contraste, un instrument qui n’a pas force obligatoire n’est en fait qu’une déclaration ou l’accord politique d’un Etat à déployer tous les efforts possibles pour garantir un certain nombre de droits, sans pour autant être tenu par la moindre obligation juridique. Dans la pratique, cela signifie que, en dépit parfois d’une volonté politique manifestement forte, il n’existe alors aucun mécanisme formel (ou juridique) de mise en oeuvre.

Question: Quelle est la valeur de la simple “promesse” de respect des normes en matière de droits de l’homme, sans mécanismes juridiques à l’appui ? Est-ce mieux que rien ?

« Les lois ne changent pas les coeurs, mais elles les rendent moins durs. »
Martin Luther King             

Les réunions de l’Assemblée générale des Nations Unies ou les conférences tenues sur un thème spécifique débouchent généralement sur une déclaration ou un document sans force obligatoire. Tous les Etats, simplement parce qu’ils sont membres des Nations Unies ou parce qu’ils prennent part à la conférence, sont considérés comme en accord avec la déclaration prononcée. La reconnaissance de droits de l’homme peut aussi, au niveau national, être le résultat d’un pacte entre un Etat et son peuple.
Lorsque des droits de l’homme sont reconnus au niveau national, ils deviennent en premier lieu un engagement de l’Etat vis-à-vis de son peuple.

Les instruments internationaux clés

Les droits de l’homme gagnent en importance tous les jours grâce à leur reconnaissance par des instruments de portée élargie qui leur assurent une protection renforcée. Ce n’est pas une victoire seulement pour les militants des droits de l’homme, mais pour tous les individus en général. En guise de corollaire à ce succès, un ensemble vaste et complexe de textes (instruments) relatifs aux droits de l’homme, ainsi que les procédures de leur mise en oeuvre, se développent.
Les instruments de droits de l’homme sont habituellement classés en trois grandes catégories : selon leur portée géographique (régionale ou universelle), en fonction de la catégorie des droits qu’ils garantissent et, le cas échéant, des personnes ou groupes à qui ils accordent cette protection.
Au seul niveau des Nations Unies, plus d’une centaine de documents sont consacrés aux droits de l’homme et, si l’on y ajoute tous les instruments qui existent aux différents niveaux régionaux, ce chiffre s’accroît encore. Il serait impossible de les examiner tous ici. Par conséquent, cette section n’abordera que les documents les plus pertinents pour l’éducation aux droits de l’homme dans Repères :

  • les documents qui ont été largement acceptés et ont posé les bases du développement d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, en particulier la Charte internationale des droits de l’homme. (Pour des instruments plus spécifiques, comme la Convention sur les réfugiés, la Convention sur le génocide et les instruments relatifs au droit humanitaire international, veuillez vous référer aux sections thématiques du Chapitre 5.)
  • les documents concernant des questions ou des groupes cibles spécifiques, qui sont explorés dans ce manuel ;
  • les principaux documents en vigueur en Europe.

Les instruments des Nations Unies

La Déclaration universelle des droits de l’homme est le plus important de tous les instruments en matière de droits de l’homme.

L’instrument global majeur en matière de droits de l’homme est la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies. La reconnaissance dont jouit la DUDH est aujourd’hui à ce point généralisée qu’elle est considérée comme obligatoire en vertu du droit coutumier international, alors qu’elle ne l’est pas à l’origine. En matière de droits de l’homme, cet instrument est véritablement la pierre angulaire, et une source d’inspiration pour des dizaines d’autres instruments régionaux et internationaux et des centaines de constitutions et législations.
La DUDH est formée d’une préface et de 30 articles qui énoncent les droits de l’homme et les libertés fondamentales auxquels tous les hommes et les femmes, partout dans le monde, peuvent prétendre, sans discrimination. Elle garantit à la fois des droits civils et politiques, et des droits sociaux, économiques et culturels :

  • Droit à l’égalité
  • Droit à ne pas subir de discrimination
  • Droit de toute personne à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne
  • Droit à ne pas être tenu en esclavage
  • Droit à ne pas être soumis à la torture, ni à des traitements dégradants
  • Droit de toute personne à la reconnaissance de sa personnalité juridique
  • Droit à l’égalité devant la loi
  • Droit à un recours effectif devant les juridictions compétentes
  • Droit à ne pas être arbitrairement arrêté ou exilé
  • Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement
  • Droit de toute personne à être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie
  • Droit de toute personne à ne pas être l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance
  • Droit de circuler librement à l’intérieur et à l’extérieur d’un Etat
  • Droit d’asile dans d’autres pays en cas de persécution
  • Droit à une nationalité et liberté d’en changer
  • Droit au mariage et à la famille
  • Droit à la propriété
  • Liberté de pensée et de religion
  • Liberté d’opinion et d’expression
  • Droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques
  • Droit de participer à la direction des affaires publiques de son pays et aux élections libres
  • Droit à la sécurité sociale
  • Droit de toute personne au libre choix de son travail et de s’affilier à des syndicats
  • Droit au repos et aux loisirs
  • Droit à un niveau de vie suffisant
  • Droit à l’éducation
  • Droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté
  • Droit à un ordre social tel que les droits et libertés énoncés dans la DUDH puissent y trouver plein effet

La DUDH contient aussi une référence forte aux obligations de la communauté et des citoyens, qui sont essentielles à un développement plein et entier et au respect des droits et des libertés d’autrui. Dans le même ordre d’idées, les droits de la DUDH ne peuvent être invoqués par les individus ou les Etats pour bafouer des droits de l’homme.

Charte internationale des droits de l’homme

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIRDESC) sont tous deux entrés en vigueur en 1976; ce sont les principaux instruments ayant force obligatoire bénéficiant d’une application mondiale. Les deux Pactes ont été rédigés pour élargir les droits énoncés par la DUDH et leur donner force de loi (dans un traité). Avec la DUDH et leurs protocoles facultatifs respectifs, ils forment la Charte internationale des droits de l’homme. Chacun d’entre eux, comme leurs noms l’indiquent, garantit une catégorie de droits différents même s’ils ont en commun certains sujets de préoccupation, par exemple la non-discrimination. Les deux instruments ont été largement ratifiés ; en novembre 2010, on comptait 166 ratifications pour le PIRDCP et 160 pour le PIRDESC.

En plus de la Charte internationale des droits de l’homme, l’ONU a adopté sept autres traités consacrés à des droits ou des bénéficiaires spécifiques. L’idée de droits ou de bénéficiaires spécifiques a recueilli un soutien important – par exemple, les droits de l’enfant – car, même si l’ensemble des droits humains s’appliquent aux enfants et jeunes, le sentiment est que les enfants ne jouissent pas d’un accès égal à ces droits généraux et qu’en outre, ils ont besoin de protections supplémentaires spécifiques.

La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) reconnaît que les enfants ont aussi des droits humains et que les moins de 18 ans ont besoin d’une protection spéciale afin que soient garantis leur plein développement, leur survie et leur intérêt supérieur.
La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) interdit et condamne la discrimination raciale, et fait obligation aux Etats parties de prendre des mesures pour y mettre un terme par tous les  moyens appropriés, qu’ils soient mis en oeuvre par les autorités publiques ou d’autres acteurs.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, 1979) vise la discrimination qui, de façon systémique et courante, affecte généralement les femmes, et qui consiste en « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes […] des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine » (article 1). Les Etats s’engagent à condamner cette discrimination et à prendre toutes les mesures nécessaires et sans retard pour garantir l’égalité.

La Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) définit le terme « torture » par une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales (article 1.1), intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle des renseignements, de la punir ou de faire pression, pour tout motif fondé sur une forme de discrimination. Ce traité exige que les Etats parties prennent des mesures effectives pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous leur juridiction et leur interdit d’extrader une personne vers son pays s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) s’applique aux personnes qui « vont exercer, exercent ou ont exercé une activité rémunérée dans un Etat dont elles ne sont pas ressortissantes » (article 2.1) et aux membres de leur famille. Outre le fait de définir les droits humains dont ces personnes doivent jouir, le traité précise que, qu’elles soient ou pas dépourvues de documents ou en situation irrégulière ou régulière, ces personnes ne doivent pas faire l’objet de discrimination concernant la jouissance de droits tels la liberté et la sécurité, ou encore la protection contre la violence et la privation de liberté.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées marque un tournant sans précédent non seulement par sa définition des personnes handicapées, mais également par sa reconnaissance de celles-ci sur un pied d’égalité en tant que personnes jouissant de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales. Le traité clarifie l’application de ces droits à ces personnes et fait obligation aux Etats de prévoir un aménagement raisonnable, afin de leur permettre d’exercer leurs droits concrètement, et notamment d’accéder aux services et à la vie culturelle.

La Convention contre les disparitions forcées concerne un phénomène qui s’avère être un problème mondial. Le traité interdit « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté » (article 2) par des agents de l’Etat ou d’autres personnes qui agissent avec l’acquiescement de l’Etat, et n’accepte aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, le déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve. L’objectif de cette Convention est de mettre un terme à ces stratagèmes cyniques et à ces tentatives de graves violations des droits de la personne humaine, pour les éradiquer définitivement.

 

Les instruments de droits de l’homme clés des Nations Unies

Traité Mécanisme de suivi Protocoles facultatifs
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) Comité pour l’élimination de la discrimination raciale  
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) Comité des droits de l’homme Premier protocole facultatif établissant un mécanisme pour donner suite aux plaintes individuelles
Deuxième protocole facultatif visant l’abolition de la peine de mort
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) Comité des droits économiques, sociaux et culturels Protocole facultatif reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications (2008)
Convention relative aux droits de l’enfant (1989) Comité des droits de l’enfant Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (2000)
Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2000)
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979) Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes Protocole facultatif relatif au droit individuel à déposer des plaintes
Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) Comité contre la torture Protocole facultatif établissant un système de visites régulières par des organes indépendants nationaux et internationaux – sous le contrôle du Sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2002)
Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille  
Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) Comité des droits des personnes handicapées Protocole facultatif relatif aux communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers
Convention contre les disparitions forcées (2006) Comité des disparitions forcées  
     

 

La protection de groupes spécifiques au niveau des Nations Unies et de l’Europe

En plus de reconnaître les droits fondamentaux des individus, certains instruments établissent les droits de groupes spécifiques. Ces mécanismes de protection spéciaux trouvent leur raison d’être dans la discrimination subie par certains groupes, mais aussi dans la position défavorisée et vulnérable qu’occupent certains d’entre eux dans la société. Ces mécanismes n’offrent pas de nouveaux droits en tant que tels ; leur objectif est plutôt de garantir que les droits de l’homme prévus par la DUDH soient effectivement accessibles à tout un chacun. Partant, il est inexact de prétendre que les minorités ont plus de droits que les majorités ; s’il existe des droits spéciaux pour les minorités, c’est simplement pour leur 1garantir une égalité des chances d’accès aux droits civils, politiques, sociaux, économiques ou encore culturels. Parmi les groupes bénéficiant d’une protection spéciale, il faut citer :

Les minorités

Les Etats protègent l’existence et l’identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique des minorités, sur leurs territoires respectifs, et favorisent l’instauration des conditions propres à promouvoir cette identité.
Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (ONU)

Les minorités n’ont pas été définies de façon bien arrêtée par les instruments internationaux de droits de l’homme, mais elles sont généralement décrites par les groupes dont les caractéristiques nationales ou ethniques, religieuses ou linguistiques – qu’elles souhaitent préserver – se distinguent de celles de la population majoritaire. Elles sont protégées :

  • au niveau des Nations Unies, par l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et par la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée en 1992 ;
  • au niveau européen, par un instrument ayant force obligatoire, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui a mis en place un organe de surveillance formé d’experts indépendants: le Comité consultatif sur la Convention-cadre. D’autres secteurs du Conseil de l’Europe mènent des activités en relation avec la protection des minorités : la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et le Commissaire aux droits de l’homme, entre autres, y contribuent largement.
  • et, enfin, du fait de la place spéciale qui leur est réservée au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), par le Haut-commissaire aux minorités et les documents afférents de l’OSCE.

Les enfants

Un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable.
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant

L’essentiel de leur protection est assuré au niveau des Nations Unies par la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC) de 1990, la plus largement ratifiée (exception faite des Etats-Unis et de la Somalie). Les quatre principes fondamentaux de la Convention sont les suivants : la non-discrimination ; l’engagement à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant ; le droit à la vie, à la survie et au développement ; et le respect de l’opinion de l’enfant.
Sur le continent africain, la Charte africaine relative aux droits et au bien-être de l’enfant garantit les droits fondamentaux des enfants en tenant compte des spécificités liées au continent. Elle est entrée en vigueur en 1999. La Convention des droits de l’enfant en Islam a été adoptée par l’Organisation de la Conférence islamique en 2004. La Commission de l’ANASE sur la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants a été inaugurée en avril 2010.
La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels est entrée en vigueur le 1er juillet 2010. Cette Convention est le premier traité international qui érige en infraction pénale les diverses formes d’abus sexuels sur les enfants, dont les abus commis sous le toit familial ou par les  proches.

Les réfugiés

Les droits des réfugiés sont spécifiquement protégés par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). La seule région dotée d’un instrument spécifique pour la protection des réfugiées est l’Afrique qui, en 1969, a adopté la Convention régissant les aspects spécifiques des réfugiés. En Europe, la CEDH offre également des protections supplémentaires.

Les femmes

Dans une tentative pour promouvoir au plan mondial l’égalité entre les femmes et les hommes, les droits des femmes sont spécifiquement protégés par la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) de 1979.
Au Conseil de l’Europe, l’année 2009 a vu l’adoption de la Déclaration: Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits. Cette Déclaration a été adoptée 20 ans après une autre Déclaration sur l’égalité entre les femmes et les hommes. L’objectif de la Déclaration de 2009 est de combler le fossé entre l’égalité en fait et en droit. Elle demande aux Etats membres d’éliminer les causes structurelles de déséquilibre de pouvoir entre les femmes et les hommes, d’assurer l’indépendance économique et l’autonomisation des femmes, d’éliminer les stéréotypes ancrés dans les mentalités, d’éliminer les atteintes à la dignité et les violations des droits humains des femmes en intensifiant leur action pour combattre et prévenir la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, et d’intégrer une perspective de genre dans la gouvernance.

Les autres groupes vulnérables

Des groupes tels que les personnes handicapées bénéficient également d’une protection spécifique du fait de leur position vulnérable, véritable porte ouverte aux abus de toutes sortes. Cette protection est prévue par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, qui sera examinée plus en profondeur au  chapitre 5.

D’autres groupes, tels que les peuples autochtones, se sont également vu accorder une protection spécifique au niveau international au moyen de la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies, adoptée en 2007, même si celle-ci n’est pas encore juridiquement contraignante.

Question: D’autres groupes, dans votre société, ont-ils besoin d’une protection spéciale ?

Instruments régionaux

Comme nous l’avons vu précédemment, les instruments de droits de l’homme, qu’ils soient régionaux ou internationaux, défendent les mêmes normes minimales ; en revanche, ils se distinguent par leur orientation ou la priorité qu’ils donnent à des thèmes de préoccupation régionaux ou internationaux. Par exemple, la question des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays a d’abord été une source d’inquiétude dans la région d’africaine avant d’être considérée comme un problème par les Nations Unies ; de la même façon, le dispositif permettant de visiter des lieux de détention aux fins de prévenir la torture a été mis en place dans un premier temps au niveau européen avant qu’un Protocole facultatif établisse le même mécanisme en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture. Ces exemples montrent en quoi les normes et mécanismes régionaux et internationaux peuvent être des moteurs de la promotion et de la protection des droits de l’homme.

D’un point de vue pratique, les normes et systèmes régionaux pour la protection des droits de l’homme présentent l’avantage d’avoir été élaborés à la lumière de données géographiques, historiques, politiques, culturelles et sociales de proximité. De ce fait, ces normes et systèmes sont plus proches de la réalité sur le terrain et donc plus susceptibles de bénéficier d’un soutien conséquent. Ils sont aussi plus accessibles aux décideurs, aux responsables politiques et aux victimes. On peut donc y voir la deuxième « ligne » de défense des droits de l’homme, la première étant nationale et la troisième internationale.

Quatre des cinq régions du monde ont développé des systèmes pour la protection des droits de l’homme. L’objectif des instruments régionaux est de donner expression  aux normes et mécanismes de droits de l’homme au niveau régional, sans porter atteinte à l’universalité des droits de l’homme. Tandis que des systèmes régionaux se développaient, du fait d’une impulsion économique ou pour des raisons d’ordre davantage historique ou politique, s’est fait ressentir le besoin d’articuler un engagement régional envers les droits de l’homme, souvent en renforçant les mécanismes et garanties du système onusien. De fait, nombreux sont les exemples où les normes régionales dépassent les normes acceptées au niveau international, comme en témoigne le système africain, avec sa reconnaissance sans précédent du besoin de protection des réfugiés mais également des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.

En matière de droits de l’homme, il n’est pas rare que les normes régionales dépassent celles des Nations Unies, voire les renforcent.

Dans les Amériques, il existe l’Organisation des Etats américains. Le principal instrument ayant force de loi est la Convention américaine des droits de l’homme de 1969.
En Afrique, il y a la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée en 1986 au sein de l’Union africaine (aujourd’hui connue sous le nom d’Organisation de l’Unité Africaine).
Sur le continent asiatique, aucun système n’a encore réellement été mis en place et le seul instrument régional en matière de droits de l’homme est une déclaration non-obligatoire : la Déclaration asiatique des droits de l’homme.

Les instruments européens

L’Europe dispose d’un système solide pour la protection des droits de l’homme, sur l’initiative du Conseil de l’Europe, dont la pierre angulaire est la Convention européenne des droits de l’homme, avec sa Cour européenne des droits de l’homme sise à Strasbourg.

Question: Selon vous, pourquoi les différentes régions ont-elles jugé nécessaire de mettre en place leur propre système en matière de droits de l’homme ?

Le Conseil de l’Europe, avec ses 47 Etats membres, joue un rôle clé dans la promotion des droits de l’homme en Europe. Son principal instrument relatif aux droits de l’homme est la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (également appelée Convention européenne des droits de l’homme – CEDH). Ce texte a été accepté par l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe en tant que condition à l’adhésion à l’Organisation. Il a été adopté en 1950 mais n’est entré en vigueur que trois ans plus tard. Il définit les droits civils et politiques, et sa force majeure réside dans le mécanisme de mise en oeuvre qui lui est associé – la Cour européenne des droits de l’homme. Cette Cour et sa jurisprudence suscitent l’admiration du monde entier ; les Nations Unies et les tribunaux constitutionnels dans de nombreux pays et d’autres systèmes régionaux y font souvent référence.

Tout comme au niveau des Nations Unies, les droits économiques et sociaux en Europe sont prévus dans un document séparé. La Charte sociale européenne (révisée), qui a force obligatoire, énonce des droits visant à préserver le niveau de vie des citoyens en Europe. La Charte a été signée par 45 Etats membres et ratifiée par 30 d’entre eux.

Outre ces deux instruments majeurs, l’action du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme s’appuie sur d’autres instruments et conventions spécifiques
qui élargissent les garanties et dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme en couvrant des situations spécifiques ou le cas de groupes vulnérables. Les systèmes de suivi des conventions sont complétés par d’autres organes indépendants, comme la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance et le Commissaire aux droits de l’homme. Dans son ensemble, l’action du Conseil de l’Europe en faveur des droits de l’homme devrait être en mesure de prendre en compte les progrès technologiques, scientifiques et sociaux ainsi que les éventuels défis qu’ils constituent pour les droits de l’homme.

L’évolution des droits de l’homme

Les instruments de droits de l’homme témoignent de notre compréhension la plus moderne de ce qu’exige la dignité humaine. Mais ces instruments auront toujours un temps de retard, dans la mesure où les problématiques qu’ils couvrent sont celles qui ont été reconnues plutôt que celles que, du fait de leur caractère systématique et de leur profond enracinement dans la société, nous ne parvenons pas à reconnaître en tant que droits ou violations de droits.
Le travail normatif du Conseil de l’Europe consiste à proposer au Comité des Ministres de nouvelles règles de droit en réponse aux mesures sociales engagées pour résoudre des problèmes auxquels les Etats membres doivent faire face dans leur domaine de compétence. Cela peut notamment consister à proposer de nouvelles normes juridiques ou à adapter les normes en vigueur. C’est ainsi qu’évoluent les procédures de la Cour européenne des droits de l’homme pour lui conserver son efficacité. Et c’est de cette façon qu’ont été adoptées des dispositions visant l’abolition de la peine de mort, et que de nouveaux instruments basés sur la Convention, comme la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée en 2005, ont vu le jour.
De cette façon, les instruments de droits de l’homme seront révisés et promus pendant encore longtemps. Notre compréhension, la jurisprudence et, surtout, notre combat, continueront de promouvoir, de faire progresser et d’élargir sans cesse les droits de l’homme. Le fait que les dispositions des conventions et traités déçoivent nos attentes faute d’être suffisamment ambitieuses ne devrait pas être une raison pour remettre en question l’espoir qu’incarnent les droits de l’homme pour l’humanité. Le droit international des droits de l’homme restera souvent en retrait de ce que les défenseurs des droits de l’homme espèrent, mais il reste aussi leur soutien le plus fiable.

Les principaux instruments de droits de l’homme du Conseil de l’Europe et leurs mécanismes de mise en oeuvre

Lutter contre le racisme et l’intolérance

Tous les instruments de droits de l’homme – des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, de l’UE ou encore de l’OSCE – contiennent des garanties en matière de non-discrimination et d’égalité. Au niveau des Nations Unies, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est entrée en vigueur en 1969 ; son suivi est assuré par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui reçoit et examine les rapports des Etats sur les mesures prises pour se mettre en conformité avec la Convention. Le Comité peut par ailleurs activer une procédure d’alerte rapide en cas de situations d’intolérance, pour empêcher qu’elles ne se transforment en conflit et en graves violations de la Convention. Il est enfin doté d’un mécanisme pour l’examen de communications émanant de particuliers, lorsque l’Etat a reconnu la compétence du Comité en la matière. La Directive contre le racisme de l’Union européenne s’applique dans les domaines de l’emploi et de la fourniture de biens et de services par l’Etat et le secteur privé.
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) est un mécanisme du Conseil de l’Europe. Créée en 1993, l’ECRI a pour mission de combattre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance au niveau de l’Europe dans son ensemble et dans la perspective de la protection des droits de l’homme. L’action de l’ECRI englobe toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la violence, la discrimination et les préjugés rencontrés par des personnes ou des groupes, notamment pour des motifs de « race », de couleur, de langue, de religion, de nationalité et d’origine ethnique ou nationale.
Les membres de l’ECRI sont désignés par leur gouvernement sur la base de leurs connaissances approfondies dans le domaine de la lutte contre l’intolérance. Ils sont nommés en leur capacité personnelle et siègent à titre indépendant.
Le programme d’activités de l’ECRI est composé de trois volets :

  • Approche pays par pays: l’ECRI examine de près la situation dans chacun des Etats membres du Conseil de l’Europe et formule, suite à ses analyses, des suggestions et propositions pour le traitement des problèmes identifiés.
  • Travaux sur des thèmes généraux: collecte et diffusion de “bonnes pratiques” sur des sujets spécifiques afin d’illustrer les recommandations de l’ECRI, et adoption de recommandations de politique générale.
  • Relations avec la société civile: organisation de sessions d’information et de sensibilisation dans les Etats membres, coordination des ONG nationales et locales, communication au grand public du message antiraciste de l’ECRI et production de supports pédagogiques.

Protocole 12 de la Convention européenne des Droits de l’Homme

La CEDH a fait l’objet d’un nouveau Protocole adopté en 2000 et entré en vigueur en 2005; il s’agit du Protocole 12. Début 2011, il était déjà signé par 19 Etats et ratifié par 18. Il est principalement axé sur l’interdiction de la discrimination.
La CEDH garantissait déjà le droit à ne pas subir de discrimination (article 14), mais cette protection semblait insuffisante comparée aux dispositions contenues par d’autres instruments internationaux, comme la DUDH et le PIDCP. La raison en est que l’article 14, à la différence de ces autres dispositions, ne contient pas d’interdiction « indépendante » de la discrimination ; autrement dit, il n’interdit la discrimination qu’eu égard à la jouissance des droits et des libertés énoncées par la CEDH.
Avec l’entrée en vigueur de ce protocole, l’interdiction de la discrimination est devenue une disposition indépendante des autres dispositions de la CEDH.
La Cour a jugé qu’il y avait eu une violation de cette disposition pour la première fois en 2009, dans les affaires Sejdić et Finci, respectivement, c. Bosnie-Herzégovine (GC, n° 27996/06 et 34836/06, 22 décembre 2009).

L’application des droits de l’homme

Comment garantir que ces mécanismes de protection fonctionnent? Qui – ou quoi - garantit que les Etats respectent leurs obligations?

Au plan national, ce sont les tribunaux qui s’en chargent – lorsque des instruments de droits de l’homme ont été ratifiés ou intégrés dans le droit interne. Mais, selon le pays, il peut aussi s’agir, entre autres, des bureaux des médiateurs, des comités ou conseils de droits de l’homme, ou encore des commissions parlementaires.
Les principales instances de supervision sont les commissions ou comités et les tribunaux, tous étant composés d’experts indépendants – experts ou juges –, et aucun d’entre eux ne représentant un unique Etat.
Les principaux mécanismes employés par ces instances sont les suivants:

  • les plaintes (introduites par des individus, des groupes ou des Etats);
  • les procédures judiciaires;
  • les procédures de rapport.

« Dans la mesure où tous les systèmes ou instruments régionaux n’utilisent pas les mêmes procédures pour faire appliquer les droits de l’homme, les exemples ci-après fournissent quelques précieux éclairages ».

Les plaintes

Les plaintes à l’encontre d’un Etat sont introduites devant une commission ou un comité; il s’agit d’une procédure quasi-judiciaire. L’instance de surveillance va alors prendre une décision à laquelle les Etats vont devoir se plier, malgré l’absence de procédure judiciaire de mise en application. Souvent, l’Etat doit fournir une déclaration ou la ratification supplémentaire d’un protocole facultatif de manière à signifier son acceptation du système de plainte. Le Comité des droits de l’homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (au sein du système des Nations Unies), ainsi que la Commission interaméricaine des droits de l’homme (dans le cadre de l’Organisation des Etats Américains) sont des exemples d’instances chargées d’administrer ces plaintes.

Question: Quelles sanctions pourraient être prévues si nous établissions une Cour internationale des droits de l’homme ?

Les procédures judiciaires

les cours régionales de droits de l’homme

la Cour interaméricaine des droits de l’homme

la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

A ce jour, il existe trois cours permanentes agissant en tant qu’instances de surveillance spécifiques relativement à la mise en oeuvre des droits de l’homme : la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CAfDHP). La Cour interaméricaine des droits de l’homme a été établie par l’Organisation des Etats américains en 1979 pour interpréter et appliquer la Convention américaine relative aux droits de l’homme. La Cour africaine est la cour régionale la plus récente, créée en 2004. Elle statue sur les affaires conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et concernant les Etats membres de l’Union africaine. Basée à Arusha, en Tanzanie, ses juges ont été élus en 2006. Elle a rendu son premier jugement en 2009, déclarant qu’elle n’était pas compétente pour se prononcer sur l’affaire Yogogombaye c. Sénégal.

La Cour pénale internationale

Après la ratification du Statut de Rome par 60 pays, la première Cour pénale internationale (CPI) a vu le jour en 2002 pour juger les affaires de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocides. La CPI juge les personnes accusées de tels crimes dans les cas seulement où les juridictions nationales n’ont pas la volonté ou la compétence pour enquêter et juger ces affaires. A ce jour, la CPI a ouvert  une procédure d’enquête dans cinq cas, dans le nord de l’Ouganda, en République démocratique du Congo, en République de Centrafrique, au Darfour (Soudan) et au Kenya. Sa jurisprudence d’avant-garde a contribué à la promotion de la compréhension des droits de l’homme, par exemple concernant l’incitation au génocide et le droit à des élections libres et équitables.

La Cour internationale de justice (CIJ)

La Cour internationale de justice (CIJ) est le principal organe judiciaire des Nations Unies. Son rôle est double: régler les différends qui lui sont soumis par les Etats conformément au droit international et formuler des avis sur des questions juridiques. Seuls les Etats sont habilités à présenter une requête contre un autre Etat et, généralement, ces requêtes concernent les traités régissant les relations de base entre Etats (commerciales ou territoriales, par exemple) ou les droits de l’homme. La CIJ n’autorise pas les particuliers à lui soumettre des requêtes concernant les droits de l’homme ou d’autres questions. Elle a toutefois contribué à la promotion des droits de l’homme en interprétant et en développant des règles et principes de droits de l’homme dans des affaires portées devant elle par des Etats ou des entités internationales. Elle a traité de droits comme l’autodétermination, la non-discrimination, la liberté de circulation et l’interdiction de la torture.

Il règne une grande confusion au sujet des différences entre la Cour européenne des droits de l’homme (CDH), la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et la Cour internationale de justice (CIJ). A la lecture du nom de ces différentes instances, la distinction n’est pas évidente. Pourtant, elles sont très différentes du point de vue de leur juridiction géographique et des types d’affaires qu’elles examinent. La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies ; son rôle a été examiné précédemment.

La Cour européenne des droits de l’homme

La Cour a rendu 1625 arrêts en 2009, soit plus de 4 par jour (y compris les week-ends et les jours fériés !).

La Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg est célèbre pour de multiples raisons, mais surtout parce qu’elle a donné vie et sens à la CEDH. L’un de ses principaux atouts est son système de juridiction obligatoire - qui signifie que dès qu’un Etat ratifie ou accède à la CEDH, il se place automatiquement sous la juridiction de la Cour. De cette façon, en cas de violation d’un droit de l’homme, une requête contre un Etat partie peut être introduite devant la Cour dès ratification.
Une autre raison du succès de la Cour européenne des droits de l’homme réside dans la force des j jugements prononcés: les Etats ont l’obligation de se conformer au jugement final. La supervision est assurée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
Pour toute requête introduite devant la cour, la procédure prévoit également la possibilité d’un règlement à l’amiable à l’issu d’une médiation entre les parties.
La cour s’est en outre développée avec le temps. Au moment de sa création, en 1959, elle ne fonctionnait qu’à temps partiel en coopération avec la Commission européenne des droits de l’homme. Compte tenu de l’augmentation des requêtes, une cour à temps plein s’est avérée nécessaire et a été constituée en novembre 1998.
Cette augmentation du nombre de requêtes est la preuve indubitable du succès de la Cour européenne des droits de l’homme, mais la charge de travail que cela implique met en péril la qualité et l’efficacité du système. Les citoyens connaissent son existence et savent qu’ils peuvent y avoir recours en cas de violation de leurs droits fondamentaux ; pour autant, il convient de garantir l’autorité et l’efficacité de la Cour au niveau national, conformément au « principe de subsidiarité » qui prévoit que la responsabilité première de prévenir les violations de droits de l’homme, et d’y remédier le cas échéant, incombe aux Etats.

Supervision de l’exécution des arrêts de la Cour par le Comité des Ministres

Affaires emblématiques jugées par la Cour européenne des droits de l’homme

  • • Soering v. le RU (juin 1989): Cette affaire concernait un homme devant être extradé pour répondre à des accusations de meurtre aux US, où il risquait la peine capitale. La cour a jugé que le renvoyer aux Etats-Unis serait contraire à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (article 3, CEDH). Il découlait de cette décision que la protection des individus dans un Etat membre du Conseil de l’Europe s’étendait au-delà des frontières européennes. Depuis, ce principe a déjà été appliqué trois fois dans d’autres affaires, telles Jabari v. Turquie (juillet 2000), et a permis de protéger des demandeurs d’asile d’un renvoi dans un pays où leur vie était menacée.
  • Tyrer v. le RU (mars 1978): Dans cette affaire, la cour a jugé que les punitions corporelles infligées en guise de peine à des jeunes délinquants étaient contraires à la CEDH, dans la mesure où elles constituaient une violation du droit à ne pas subir de tortures, de peines ou traitements inhumains ou dégradants, ainsi que le garantit l’article 3. Selon les mots de la cour, la punition - qui consistait à être traité comme un objet sous le pouvoir des autorités - constituait une violation de l’un des principaux objectifs de l’article 3 (art. 3), à savoir « protéger la dignité et l’intégrité physique d’une personne » . Cette affaire a mis en évidence le fait que la CEDH est un texte « vivant » et que la cour a à coeur de marcher au rythme des valeurs changeantes de notre société.
  • Kokkinakis v. Grèce (avril 1993): Cette affaire intéressante, au sujet du conflit entre les droits de personnes différentes, abordait la question du prosélytisme. Elle posait la question de savoir si l’enseignement d’une religion est une violation de la liberté de religion (garantie par l’article 9 de la CEDH). La cour a jugé nécessaire d’établir une distinction claire entre les pratiques distinctes qui consistent à enseigner, à prêcher et à tenter de convertir une personne par des moyens immoraux et mensongers (par exemple, en échange de gages matériels ou sociaux, en ayant recours à la violence ou à l’endoctrinement).
  • • D.H. et autres c. République tchèque (novembre 2007): 18 enfants roms ont saisi la Cour au motif que les Roms étaient scolarisés dans des écoles spéciales pour élèves présentant des difficultés d’apprentissage, indépendamment de leurs capacités, avec pour conséquence de moindres opportunités d’accès à l’enseignement supérieur et au marché du travail. Dans son arrêt, la Cour a conclu qu’il y avait eu en l’espèce et pour la première fois violation de l’article 14 (interdiction de discrimination) en liaison avec une forme de discrimination raciale dans une sphère spécifique de la vie publique, dans ce cas l’école. La Cour a décidé que cette caractéristique systémique de ségrégation raciale dans la scolarisation violait les protections contre la discrimination prévues par la CEDH (article 14). Elle a également admis qu’une politique ou une mesure, bien que formulée de manière neutre, pouvait avoir un effet discriminatoire sur un groupe.

Question: Avez-vous connaissance d’affaires importantes contre votre pays portées devant la Cour européenne des droits de l’homme ?

Les procédures de rapport

La majorité des instruments en matière de droits de l’homme exigent des Etats qu’ils soumettent des rapports. Ces rapports sont compilés par les Etats selon les directives données par l’instance de supervision. L’objectif de ces rapports, et de l’examen dont ils font ensuite l’objet, est un échange ouvert sur les problèmes rencontrés dans la tentative de réalisation des droits concernés. Les rapports font l’objet d’un examen public dans le cadre de ce qu’il convenu d’appeler un « dialogue avec l’Etat » ; ils sont également « confrontés » aux contre-rapports établis par des ONG à la lumière de leurs propres sources et analyses. Après un échange entre les représentants de l’Etat et les experts indépendants membres de l’instance de supervision, cette dernière formule ses observations quant à la conformité de l’Etat avec les normes défendues dans l’instrument contraignant concerné. Ces observations couvrent les points tant positifs que négatifs du bilan de l’Etat. Le PIRDCP, le PIRDESC et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) sont des exemples d’instruments qui requièrent la soumission de
rapports périodiques.
En plus de la procédure de dialogue avec les Etats, les instances de supervision peuvent être habilitées à effectuer des visites sur place, ou sur le terrain, pour observer directement la situation en matière de droits de l’homme. La plupart des visites requiert l’autorisation explicite des Etats, au cas par cas. Toutefois, des efforts sont déployés pour que les Etats puissent lancer publiquement des invitations de visite ouvertes et permanentes aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’ONU.

Des procédures plus musclées ont également été élaborées dans le cadre de plusieurs instruments afin de permettre des visites d’enquête et de suivi destinées non seulement à réagir aux violations de droits de l’homme, mais aussi à les prévenir.

Le CPT prévient les mauvais traitements des personnes privées de liberté en Europe.

La Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (1987) en est un exemple. La surveillance exercée repose sur des visites effectuées par les membres du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans des centres de détention - par exemple, des prisons et des centres de détention des mineurs, des postes de police, des casernes et des hôpitaux psychiatriques. Les membres de ce Comité sont chargés d’observer les conditions de détention et, le cas échéant, de faire des recommandations d’amélioration relativement au droit de chacun à ne pas subir de tortures ou de traitements inhumains. Ce mécanisme a depuis inspiré la création d’un mécanisme onusien similaire. Les délégations du CPT effectuent périodiquement des visites dans les Etats parties à la Convention, mais peuvent aussi organiser des visites supplémentaires ou ad hoc lorsque cela s’avère nécessaire. Au 31 mars 2010, le CPT avait effectué 283 visites, et notamment au Royaume-Uni, en Géorgie, en Irlande et en Turquie. Le protocole facultatif de la Convention des Nations Unies contre la torture permet la même procédure depuis 2007.

Les rapports du CPT sont généralement publics: http://www.cpt.coe.int

Une des fonctions essentielles du CPT est apparue au moment des grèves de la faim dans les prisons turques. Alors que le gouvernement élaborait des réformes du système pénitentiaire, plusieurs prisonniers ont entamé des grèves de la faim en signe de protestation. Leur action a rapidement pris un tour violent. Le CPT a alors pris une part active aux négociations entre le gouvernement et les détenus, enquêtant sur les événements entourant les grèves de la faim et sur les réformes prévues par le projet de loi. Le CPT effectue des visites en Turquie depuis 1999 (sauf en 2008). Des visites plus récentes ont été notamment organisées en Serbie, Albanie et Grèce.

Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

Le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme a été créé en 1997. L’objectif de cette institution indépendante est à la fois de promouvoir le concept des droits de l’homme et d’assurer leur respect effectif et la pleine jouissance de ces droits dans l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe. Le Commissaire aux droits de l’homme est élu par l’Assemblée parlementaire pour un mandat non renouvelable de six ans.
Le Commissaire est une institution non judiciaire dont l’action est considérée comme complémentaire aux autres institutions du Conseil de l’Europe mobilisées en faveur de la promotion des droits de l’homme. Il exerce ses fonctions en toute indépendance et impartialité, tout en respectant les compétences des différents organes de contrôle mis en place dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’homme ou d’autres instruments du Conseil de l’Europe relatifs aux droits de l’homme.

Conformément à son mandat, le Commissaire aux droits de l’homme a pour mission :

  • de promouvoir le respect effectif des droits de l’homme et d’aider les Etats membres à mettre en oeuvre les normes du Conseil de l’Europe en la matière ;
  • de promouvoir l’éducation et la sensibilisation aux droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe ;
  • de déceler d’éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique en matière de droits de l’homme ;
  • de faciliter les activités des bureaux nationaux de médiateurs et d’autres structures chargées des droits de l’homme ; et
  • d’apporter conseils et informations concernant la protection des droits de l’homme dans toute la région.

Aux termes de son statut, le Commissaire peut se saisir ex officio d’une question relevant de sa compétence. Même s’il ne peut être saisi de plaintes individuelles, il peut agir sur la base de toute information fiable relative à des aspects généraux de la protection des droits de l’homme, comme le prévoient les instruments du Conseil de l’Europe.
Ces informations peuvent émaner d’un gouvernement, d’un Parlement national, d’un médiateur national ou d’une autre institution similaire, mais aussi d’une organisation  ou d’un particulier. Le travail thématique du Commissaire englobe la production de rapports, de recommandations, d’avis et de points de vue sur les droits de l’homme des demandeurs d’asile, des migrants et des Roms.

Ne pas confondre : le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies.

Le Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies

 De nombreuses ONG ont fait pression pour la création du poste de Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies. La décision de sa création a été prise lors de la Conférence mondiale des Nations Unies sur les droits de l’homme à Vienne en 1993, qui a recommandé que l’Assemblée générale envisage en priorité la création d’un Haut-commissaire pour la promotion et la protection de l’ensemble des droits de l’homme ; ce qui fut fait cette même année.
Le Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies est nommé par le Secrétaire général de l’ONU. L’Assemblée générale accepte la nomination d’une personne qui, outre un grand prestige moral, est dotée de compétences en matière de droits de l’homme et à qui incombera la responsabilité majeure des activités en matière de droits de l’homme au sein de l’ONU ; son rôle concerne la promotion, la protection et la jouissance effective de l’ensemble des droits ; l’engagement et le dialogue avec les gouvernements en vue de garantir les droits de l’homme ; et le renforcement de la coopération internationale et la coordination des activités déployées par les organisations des Nations Unies en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme. En tant que responsable principal des droits de l’homme de l’ONU, le Haut-commissaire a aussi pour mission la direction du Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et de ses bureaux régionaux et nationaux. Le HCDH soutient les activités de l’ONU en faveur des droits de l’homme et oeuvre à la promotion et à la protection des droits de l’homme, au respect des normes universelles en matière de droits de l’homme, y compris le Programme mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme.

Est-ce suffisant ?

Beaucoup estiment que les médiocres résultats en matière de droits de l’homme sont dus au manque de mécanismes de mise en oeuvre adaptés. Il appartient généralement à l’Etat de décider d’appliquer ou pas les recommandations. Dans de nombreux cas, le fait qu’un droit individuel ou de groupe soit garanti va dépendre de la pression exercée par la communauté internationale et, dans une large mesure, du travail des ONG. Cet état de chose est loin d’être satisfaisant dans la mesure où il peut falloir beaucoup de temps avant qu’un cas de violation de droits de l’homme ne parvienne jusqu’aux oreilles des Nations Unies ou du Conseil de l’Europe.
Alors, que faire pour changer cette situation? Tout d’abord, il est essentiel d’assurer que les Etats garantissent les droits de l’homme au plan national et qu’ils instituent des mécanismes aptes à remédier à toute violation. Au même moment, il convient de faire pression sur les Etats afin qu’ils s’engagent à doter ces mécanismes de procédures d’application.

Notes

2 http://www.ohchr.org/Documents/Publications/ABCChapter1fr.pdf