Dans de nombreuses cultures, il existe des proverbes ou des expressions pour signifier que les mots sont inoffensifs, et une longue tradition nous enseigne à ignorer les attaques verbales.


Mais, lorsque ces attaques deviennent régulières, systématiques et portées sur nos points sensibles7, il est juste de les considérer comme des violences verbales. La violence verbale est une atteinte personnelle, comme les critiques (en privé ou en public), la moquerie, les insultes particulièrement blessantes, les reproches au sujet de personnes aimées, la menace d’autres formes de violence contre la victime ou une personne qui lui est chère. Parfois aussi, les violences verbales peuvent viser les antécédents de la victime, et notamment sa religion, sa culture, sa langue, l’orientation sexuelle (qu’on lui attribue), ou encore ses traditions. Conscient.e.s des points les plus sensibles de leur victime sur le plan émotionnel, les agresseur.euse.s s’en servent souvent de cible pour lui faire mal, l’humilier et la menacer.

Pour l’essentiel, la violence verbale subie par les femmes parce qu’elles sont des femmes est dite « sexiste » et fait partie des violences sexuelles. La violence verbale fondée sur le genre dans la sphère publique est largement liée aux rôles de genre : elle inclut les commentaires et les plaisanteries sur les femmes, ou présentant les femmes comme des objets sexuels (plaisanteries sur la disponibilité sexuelle, la prostitution, le viol, etc.). Beaucoup de brimades sont aussi basées sur la sexualité (perçue) des jeunes, et notamment des garçons. L’utilisation régulière et négative de mots tels « queer » et « pédé » est souvent traumatisante pour les personnes perçues comme gays et lesbiennes. C’est très probablement l’une des raisons pour lesquels beaucoup attendent la fin de leurs études secondaires pour révéler leur orientation sexuelle (faire leur « coming out »).

La violence verbale peut être classée dans la catégorie du discours de haine. Elle peut prendre diverses formes, mots, vidéos, mèmes ou images affichés sur les réseaux sociaux, ou véhiculer un message violent menaçant une personne ou un groupe de personnes à cause de certaines caractéristiques. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance définit le discours de haine comme suit :

 (…) le fait de prôner, de promouvoir ou d’encourager, sous quelque forme que ce soit, le dénigrement, la haine ou la diffamation d’une personne ou d’un groupe de personnes, ainsi que le harcèlement, l’injure, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation et la menace envers une personne ou un groupe de personnes et la justification de tous les types précédents d’expression au motif de la « race »8, de la couleur, de l’origine familiale, nationale ou ethnique, de l’âge, du handicap, de la langue, de la religion ou des convictions, du sexe, du genre, de l’identité de genre, de l’orientation sexuelle et d’autres caractéristiques personnelles ou de statut9.

Le discours de haine fondée sur le genre – et notamment le sexe, le genre, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre – vise principalement les femmes (dans ce cas, on parle souvent de discours de haine sexiste10) et les personnes LGBT+, et sévit dans la sphère tant privée que publique. Cela inclut l’internet, qui relève de la sphère publique. Cependant, ce type de violence peut aussi être véhiculé par les courriels privés ou les messages envoyés à l’aide d’un logiciel de messagerie en ligne.

Le discours de haine fondée sur le genre peut prendre de nombreuses formes : blagues, propagation de rumeurs, menaces, calomnies, incitation à la violence ou à la haine. Il vise à humilier, déshumaniser et effrayer une personne ou un groupe de personnes. Comme n’importe quel autre type de violence, le discours de haine fondé sur le genre est généralement très destructeur : les personnes qui en sont victimes se sentent souvent impuissantes et démunies. Elles se sentent mal à l’aise, effrayées, perdent confiance en elles et, parfois, elles tentent même de se suicider.

Il arrive que le discours de haine amène à des crimes de haine, autrement dit des crimes motivés par des préjugés visant une personne dont l’identité est différente de celle de l’auteur.e des violences. Les crimes motivés par la haine peuvent être de diverses natures : violence physique, destruction de biens, incendie criminel ou meurtre. Les victimes sont délibérément choisies en raison de certaines caractéristiques que, du point de vue de l’auteur.e des violences, elles sont censées posséder.
 

7 Nos « points sensibles » sont constitués de tout ce qui nous touche particulièrement. Il peut s’agir d’une personne qui compte à nos yeux, de notre religion ou de notre identité ethnique. Il peut aussi s’agir de quelque chose dont on a honte (que cela soit justifié ou non, que cela soit le produit d’une oppression intériorisée ou d’une conviction personnelle).

8 Tous les êtres humains appartenant à la même espèce, l’ECRI rejette les théories fondées sur l’existence de « races » différentes. Cependant, afin d’éviter de priver de la protection prévue par la recommandation les personnes qui sont généralement et de manière erronée perçues comme appartenant à une « autre race », elle utilise ce terme dans la présente recommandation.

9 Recommandation de politique générale n° 15 de l’ECRI intitulée « Combattre le discours de haine », adoptée le 8 décembre 2015, Conseil de l’Europe

10 Fiche d’information : Combattre le discours de haine sexiste et Rapport du séminaire « Combattre le discours de haine sexiste », 10-12 février 2016.