Recommandation CM/Rec(2010)7 adoptée par le Comité des Ministres

CHAPITRE I – DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Champ d’application

La présente Charte concerne l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme telles que définies au paragraphe 2. Elle ne traite pas explicitement de domaines apparentés tels que l’éducation interculturelle, l’éducation à l’égalité, l’éducation au développement durable et l’éducation à la paix, sauf dans la mesure ou ces domaines se chevauchent et interagissent avec l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme.

Définitions

Aux fins de la présente Charte :

a. « L’éducation à la citoyenneté démocratique » couvre l’éducation, la formation, la sensibilisation, l’information, les pratiques et les activités qui visent, en apportant aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, et en développant leurs attitudes et leurs comportements, à leur donner les moyens d’exercer et de défendre leurs droits et leurs responsabilités démocratiques dans la société, d’apprécier la diversité de jouer un rôle actif dans la vie démocratique, afin de promouvoir et de protéger la démocratie et la primauté du droit.

b. « L’éducation aux droits de l’homme » couvre l’éducation, la formation, la sensibilisation, l’information, les pratiques et les activités qui visent, en apportant aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, et en développant leurs attitudes et leurs comportements, à leur donner les moyens de
participer à la construction et à la défense d’une culture universelle des droits de l’homme dans la société, afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

c. « L’éducation formelle » concerne le système structuré d’éducation et de formation qui commence à l’école préélémentaire et primaire et se poursuit dans l’enseignement secondaire et universitaire. Elle est en principe dispensée dans des établissements d’enseignement général ou professionnel et sanctionnée par des
diplômes.

d. « L’éducation non formelle » couvre tout programme éducatif planifié destiné à améliorer un ensemble d’aptitudes et de compétences en dehors d’un cadre d’enseignement formel.

e. « L’éducation informelle » qualifie le processus selon lequel chaque individu acquiert, tout au long de la vie, des attitudes, des valeurs, des compétences et des connaissances grâce aux influences et aux ressources éducatives de son environnement et à son expérience quotidienne (famille, pairs, voisins, rencontres, bibliothèque, médias, travail, loisirs, etc.).

Liens entre l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme

L’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme sont étroitement liées et se confortent mutuellement. Elles diffèrent davantage par le sujet et la portée que par les objectifs et les pratiques. L’éducation à la citoyenneté démocratique met essentiellement l’accent sur les droits et les responsabilités  démocratiques et sur la participation active, en relation avec les aspects civiques, politiques, sociaux, économiques, juridiques et culturels de la société, alors que l’éducation aux droits de l’homme s’intéresse à l’éventail plus large des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie.

Structures constitutionnelles et priorités des Etats membres

Les objectifs, principes et politiques indiqués ci-après seront mis en oeuvre :

a. dans le respect des structures constitutionnelles de chaque Etat membre, et en employant des moyens appropriés à ces structures ;

b. en tenant compte des priorités et des besoins de chaque Etat membre

CHAPITRE II – OBJECTIFS ET PRINCIPES

Objectifs et principes

Les objectifs et principes suivants devraient guider les Etats membres dans l’élaboration de leurs politiques, législations et pratiques.

a. Chaque personne vivant sur leur territoire devrait avoir acces à une éducation à la citoyenneté démocratique et à une éducation aux droits de l’homme.

b. L’apprentissage en matière d’éducation à la citoyenneté démocratique et d’éducation aux droits de l’homme est un processus qui dure toute la vie. L’efficacité de cet apprentissage passe par la mobilisation de très nombreux acteurs, parmi lesquels les responsables de l’élaboration des politiques, les professionnels de l’éducation, les apprenants, les parents, les établissements pédagogiques, les autorités éducatives, les fonctionnaires, les organisations non gouvernementales, les organisations de jeunesse, les médias et le public.

c. Tous les moyens d’éducation et de formation, qu’ils soient formels, non formels ou informels, ont un rôle à jouer dans ce processus d’apprentissage et sont utiles pour la promotion de ses principes et la réalisation de ses objectifs.

d. Les organisations non gouvernementales et les organisations de jeunesse peuvent contribuer très utilement à l’éducation à la citoyenneté démocratique et à l’éducation aux droits de l’homme, notamment dans le cadre de l’éducation non formelle et informelle, et il convient par conséquent de leur donner la possibilité de remplir ce rôle et de leur apporter un soutien à cet égard.

e. Les pratiques et les activités d’enseignement et d’apprentissage devraient respecter et promouvoir les valeurs et les principes concernant la démocratie et les droits de l’homme ; en particulier, la gouvernance des établissements d’enseignement, y compris les écoles, devrait refléter et promouvoir les valeurs des droits de l’homme et encourager la responsabilisation et la participation active des apprenants, des personnels de l’éducation et des autres parties prenantes, y compris les parents.

f. Un élément essentiel de toute éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme est la promotion de la cohésion sociale et du dialogue interculturel et la conscience de la valeur de la diversité et de l’égalité, y compris l’égalité entre les sexes ; pour cela il est essentiel d’acquérir les connaissances, les aptitudes personnelles et sociales et la compréhension permettant de réduire les conflits, de mieux apprécier et comprendre les différences entre les confessions et les groupes ethniques, d’instaurer un respect mutuel pour la dignité humaine et les valeurs partagées, d’encourager le dialogue et de promouvoir la non-violence pour la résolution des problèmes et des conflits.

g. L’un des objectifs fondamentaux de toute éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme n’est pas seulement d’apporter aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, mais aussi de renforcer leur capacité d’action au sein de la société pour défendre et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit.

h. La formation et le perfectionnement permanents des professionnels de l’éducation, des responsables de jeunesse et des formateurs en ce qui concerne les principes et les pratiques de l’éducation à la citoyenneté démocratique et de l’éducation aux droits de l’homme sont essentiels pour la mise en oeuvre pérenne d’une éducation
efficace dans ce domaine. Ils devraient donc être correctement planifiés et des ressources suffisantes leur être consacrées.

i. Afin de tirer le meilleur parti de la contribution de chacun, il convient d’encourager les partenariats et la collaboration entre toute la diversité des acteurs concernés par l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme aux niveaux local, régional et de l’Etat, et notamment entre les responsables de l’élaboration des politiques, les professionnels de l’éducation, les apprenants, les parents, les établissements pédagogiques, les organisations non gouvernementales, les organisations de jeunesse, les médias et le grand public.

j. Etant donné la nature internationale des valeurs et des obligations en matière de droits de l’homme et les principes communs qui fondent la démocratie et l’Etat de droit, il est important que les Etats membres poursuivent et encouragent une coopération internationale et régionale pour les activités couvertes par la présente Charte ainsi que pour le recensement et l’échange de bonnes pratiques.

CHAPITRE III – POLITIQUES

Education formelle générale et professionnelle

Les Etats membres devraient inclure l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme dans les programmes de l’éducation formelle aux niveaux préélémentaire, primaire et secondaire, et dans l’enseignement et la formation généraux et professionnels. Les Etats membres devraient également continuer à soutenir, réviser et actualiser l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme dans ces programmes afin de garantir leur pertinence et de favoriser la pérennité de cette matière.

Enseignement supérieur

Les Etats membres devraient promouvoir, tout en respectant le principe de la liberté universitaire, l’inclusion de l’éducation à la citoyenneté démocratique et de l’éducation aux droits de l’homme dans les établissements d’enseignement supérieur, en particulier pour les futurs professionnels de l’éducation.

Gouvernance démocratique

Les Etats membres devraient promouvoir la gouvernance démocratique dans tous les établissements pédagogiques, à la fois comme une méthode à part entière de gouvernance souhaitable et bénéfique et comme un moyen pratique d’apprendre et d’expérimenter la démocratie et le respect des droits de l’homme. Ils devraient encourager et faciliter, par des moyens appropriés, une participation active à la gouvernance des établissements pédagogiques des apprenants, des personnels de l’éducation et des parties prenantes, y compris les parents.

Formation

Les Etats membres devraient offrir aux enseignants, aux autres personnels de l’éducation, aux responsables de jeunesse et aux formateurs, la formation initiale et continue, et le perfectionnement nécessaires en matière d’éducation à la citoyenneté démocratique et d’éducation aux droits de l’homme, ce qui garantirait leur connaissance et leur compréhension approfondies des objectifs et des principes de ce domaine et des méthodes appropriées d’enseignement et d’apprentissage, ainsi que d’autres compétences essentielles pour leurs activités éducatives.

Rôle des organisations non gouvernementales, des organisations de jeunesse et d’autres parties prenantes

Les Etats membres devraient encourager le rôle des organisations non gouvernementales et des organisations de jeunesse concernant l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme, notamment dans le cadre de l’éducation non formelle. Ils devraient reconnaître ces organisations et leurs activités comme un élément de valeur du système d’enseignement, leur offrir partout où cela est possible le soutien dont elles ont besoin et utiliser pleinement l’expertise qu’elles peuvent apporter à toutes les formes d’éducation. Les Etats membres devraient également promouvoir et faire connaître l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme auprès d’autres parties prenantes, notamment les médias et le grand public, afin de tirer le plus grand profit possible de la contribution
qu’ils peuvent apporter dans ce domaine.

Critères d’évaluation

Les Etats membres devraient mettre au point des critères permettant d’évaluer l’efficacité des programmes d’éducation à la citoyenneté démocratique et d’éducation aux droits de l’homme. Les informations en retour des apprenants devraient faire partie intégrante de toute évaluation de ce type.

Recherches

Les Etats membres devraient lancer et encourager des recherches sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme pour faire le point de la situation dans ce domaine et pour offrir aux parties prenantes, y compris les responsables de l’élaboration des politiques, les établissements d’enseignement, les chefs d’établissement, les enseignants, les apprenants, les organisations non gouvernementales et les organisations de jeunesse, des données comparatives destinées à les aider à mesurer et accroître leur efficacité et à améliorer leurs pratiques. Ces recherches peuvent notamment porter sur les programmes, les pratiques innovantes, les méthodes d’enseignement et la mise au point de systèmes d’évaluation, y compris les critères d’évaluation et les indicateurs. Les Etats membres devraient, s’il y a lieu, partager les résultats de leurs recherches avec d’autres Etats membres et parties prenantes.

Aptitudes à promouvoir la cohésion sociale, apprécier la diversité et gérer les différences et les conflits

Dans tous les domaines de l’éducation, les Etats membres devraient promouvoir des approches pédagogiques et des méthodes d’enseignement visant à apprendre a vivre ensemble dans une société démocratique et multiculturelle, et à permettre aux apprenants d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour promouvoir la cohésion sociale, estimer la diversité et l’égalité, apprécier les différences – notamment entre les divers groupes confessionnels et ethniques – et régler les désaccords et les conflits de manière non violente dans le respect des droits de chacun et combattre toutes les formes de discrimination et de violence, en particulier l’intimidation et le harcèlement.

CHAPITRE IV – EVALUATION ET COOPERATION

Evaluation et révision

Les Etats membres devraient évaluer régulièrement les stratégies et politiques qu’ils ont entreprises conformément à la présente Charte et les adapter en fonction des besoins. Ils peuvent le faire en coopération avec d’autres Etats membres, par exemple à l’échelon régional. Tout Etat membre peut également demander l’aide du Conseil de l’Europe.

Coopération concernant les activités de suivi

Les Etats membres devraient, le cas échéant, coopérer entre eux et par l’intermédiaire du Conseil de l’Europe à la mise en oeuvre des objectifs et des principes de la présente Charte :

a. en poursuivant des activités d’intéret commun, correspondant aux priorités identifiées ;

b. en encourageant les activités multilatérales et transfrontalières, y compris le réseau existant des coordonnateurs de l’éducation à la citoyenneté démocratique et de l’éducation aux droits de l’homme ;

c. en échangeant, développant et codifiant les bonnes pratiques et en assurant leur diffusion ;

d. en informant tous les parties prenantes, y compris le public, des buts et de la mise en oeuvre de la Charte ;

e. en soutenant les réseaux européens d’organisations non gouvernementales, d’organisations de jeunesse et de professionnels de l’éducation, et en favorisant leur coopération.

Coopération internationale

Les Etats membres devraient partager les résultats de leurs activités en matière d’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme dans le cadre du Conseil de l’Europe avec d’autres organisations internationales.