Médias et maîtrise de l’information

Qu’est-ce que l’éducation aux médias et à l’information aujourd’hui ?

Comme la citoyenneté numérique, l’éducation aux médias et à l’information a fait l’objet de différentes définitions et terminologies. Qu’on parle de littératie numérique, de compétence médiatique ou d’éducation aux médias, ce qui est visé, c’est le fait de savoir correctement manier les médias et les sources d’information.

L’omniprésence d’internet, avec ses médias et ses fils d’information en continu, peut donner l’impression que l’ère du numérique nous a tous transformés en utilisateurs des médias et que le numérique est partout, même à l’école. Ce n’est pas le cas, et les établissements scolaires constituent même une exception notable. Or, il est absolument crucial qu’ils forment les futurs citoyens à la compréhension, à la critique et à la création d’informations. C’est à l’école que les citoyens doivent développer, et conserver, un esprit critique leur permettant de participer réellement à leur communauté.

Compte tenu de l’éventail extrêmement large de médias disponibles, l’éducation aux médias et à l’information au XXIe siècle est un objectif ambitieux. Il faut apprendre à maîtriser non seulement les médias traditionnels et les images qu’ils véhiculent, mais aussi le foisonnement de technologies et d’applications nouvelles qui bouleversent le mode de transmission des informations.

Nos enfants ne pourront agir en citoyens responsables en ligne et hors ligne sans une éducation aux médias et à l’information couvrant les différents types de supports, et la question de savoir qui va la leur enseigner est encore ouverte.

Si l’école constitue le lieu par excellence de formation de l’esprit critique, de l’analyse et du jugement, n’est-il pas logique que l’éducation aux médias et à l’information devienne une pierre angulaire des programmes scolaires ?
 

Que recouvre l’éducation aux médias et à l’information ?

L’éducation aux médias et à l’information (EMI) est un terme général recouvrant trois aspects, souvent clairement délimités : maîtrise de l’information, éducation aux médias et aux TIC/du numérique. Comme le souligne l’Unesco, l’EMI rassemble différents acteurs, dont les individus, les collectivités et les pays, pour bâtir la société de l’information.

Elle recouvre non seulement différents aspects, mais aussi un large éventail de compétences qui doivent être correctement exercées pour porter un regard critique sur chacun de ces aspects.
 

Qu’apporte l’éducation aux médias et à l’information à nos enfants ?

Les enfants et les jeunes d’aujourd’hui savent très bien trouver et utiliser des médias pour se divertir et passer le temps. Mais combien d’entre eux sont capables, sur les mêmes appareils, de chercher des réponses, de mener des recherches fondées sur des preuves, de lancer un débat ou de suivre l’actualité ?

Les enfants et les jeunes sont confrontés à tous types de contenus et devraient – doivent, même – savoir distinguer le vrai du faux, dire ce qui est de qualité et ce qui ne l’est pas. Ce discernement va au-delà des fake news : il englobe l’aptitude à traiter et à interpréter toutes les informations.

Des recherches sont en cours pour estimer le potentiel pédagogique des technologies de la communication existantes et émergentes pour les 0-8 ans. Le projet DigiLitEY part de l’idée que « les premières années fournissent une base cruciale à l’apprentissage tout au long de la vie ; il faut donc veiller à ce que (tous) les pays développent des politiques et pratiques éducatives visant à transmettre à nos plus jeunes citoyens les savoirs et aptitudes nécessaires à notre époque de médias numériques ». Des initiatives comme DigiLitEY (action COST – coopération scientifique et technique européenne) ou le projet du Centre commun de recherche consacré aux technologies numériques chez les enfants de 0 à 8 ans (JRC – Commission européenne) devraient bientôt livrer des conclusions et directives intéressantes sur l’éducation aux médias et à l’information.

Qu’ils se plongent dans des jeux en ligne ou regardent une vidéo après l’autre, nos enfants gagneraient à comprendre les intérêts en jeu et leurs implications potentielles. Il est crucial qu’ils soient capables de traiter et d’analyser ce qui se passe et de prendre eux-mêmes les bonnes décisions. L’éducation aux médias et à l’information les aide à développer ces compétences.
 

Différence avec la citoyenneté numérique

Figure 9 – Éducation aux médias et à l’information – Compétences clés de la citoyenneté numérique

On confond souvent citoyenneté numérique et éducation aux médias et à l’information. De fait, l’une des facettes de la citoyenneté numérique consiste à porter un regard critique sur les médias et sur les technologies, les outils et les informations en ligne. L’éducation aux médias et à l’information (EMI) consiste à réfléchir, avec un esprit critique, à tous les médias qui nous entourent ; la citoyenneté numérique consiste à vivre avec toutes les technologies qui nous entourent et à les utiliser activement. Les médias, comme les technologies, peuvent revêtir des formes très diverses, qui parfois même fusionnent.

Plutôt que de s’en tenir seulement aux compétences cognitives, émotionnelles et sociales, il est utile de fonder aussi l’EMI sur d’autres compétences liées aux médias, tirées du modèle de compétences du Conseil de l’Europe (figure 9 ci-dessous).

Figure 9 – Éducation aux médias et à l’information – Compétences clés de la citoyenneté numérique

Comment ça marche ?

L’éducation aux médias et à l’information est à la racine de la compréhension des médias et de leur rôle dans la société. L’EMI apporte aussi certaines des aptitudes qui rendent possibles la réflexion critique, l’analyse, l’expression de soi et la créativité – des compétences toutes nécessaires aux citoyens d’une démocratie.

Les citoyens peuvent consulter, analyser, créer et consommer les médias et l’information sous divers formats, de la presse à la radio, de la vidéo à internet. Apprendre à se servir correctement d’un moteur de recherche est important pour les citoyens numériques, et une fois les informations trouvées, des aptitudes transversales comme la réflexion critique sont nécessaires pour explorer et comparer les diverses sources en ligne. La capacité d’analyser, puis de classer les informations et de retenir les plus pertinentes peut aider à acquérir des connaissances dans un grand nombre de domaines.

Valeur éducative et citoyenne

L’esprit critique est extrêmement précieux pour les citoyens et en particulier pour les jeunes apprenants qui doivent eux aussi savoir résoudre des problèmes, trouver des informations, se faire une opinion, apprécier les sources, etc. Compte tenu du volume de données et d’informations vraies et fausses disponibles en ligne, l’EMI est tout à fait cruciale.

Un message peut devenir viral en moins d’une heure, une affirmation fausse être répétée jusqu’à avoir l’air vrai. Devant une telle vitesse de propagation, les personnes dotées de compétences adéquates en EMI sauront mieux distinguer le vrai du faux, se poser des questions et chercher des réponses au milieu de tout ce qui est déversé en ligne.

Les moteurs de recherche ont révolutionné notre façon de chercher du contenu en ligne, et les citoyens numériques doivent aussi savoir que les algorithmes ne sont pas toujours neutres. Les moteurs de recherche peuvent être – et ont déjà été – manipulés à des fins politiques ou autres ; par conséquent, les internautes ne devraient pas négliger les résultats qui n’arrivent pas en tête de classement. S’agissant des informations, et surtout de l’actualité internationale, le maître mot est « diversité ». Les algorithmes devraient être configurés de manière à toujours livrer des points de vue différents sur les mêmes événements.

Enfin, les enfants et plus largement les citoyens risquent de croire à tort que si certaines nouvelles sont « fausses », alors d’autres doivent être «la vérité ». Même les informations factuellement correctes ont subi un filtre éditorial qui sélectionne un événement parmi la masse de ce qui se produit dans le monde. Pour attirer le public, les médias s’efforcent de rendre l’actualité « sexy », simple et « à sensation » et tombent peu à peu dans l’information-spectacle. Ils préfèrent couvrir les accidents graves, les morts et les violences plutôt que les exemples de solidarité et de fraternité. Au-delà de l’ « exactitude des faits», il faut plutôt se demander pourquoi les médias aiment tant les catastrophes. Y a-t-il quelque chose à gagner à entretenir chez le public une crainte perpétuelle ? Quelle influence ce choix a-t-il sur les opinions politiques ? Quels messages idéologiques sous-tendent un article ou un reportage par ailleurs fidèle aux faits ?

     J’entends parfois dire que nous serions “entrés dans l’ère de l’information“ , comme si l’information n’existait pas avant. Je crois que toutes les époques ont été des ères de l’information, chacune à sa manière et avec les médias qui existaient.

Robert Darnton