Vie privée et sécurité

Ce thème englobe les notions de vie privée, de gestion de l’identité et de cybersécurité

Pour préserver sa vie privée, il faut avant tout protéger ses informations et celles des autres. Gérer son identité consiste à garder le contrôle de son profil en ligne ; rester dans les limites de la sécurité, à avoir conscience des risques que peuvent engendrer nos actions et nos comportements en ligne. Le thème de la vie privée et de la sécurité couvre des compétences comme la bonne gestion des informations partagées en ligne et le recours à des outils (filtres de navigation, mots de passe, antivirus et pare-feu) pour éviter les situations dangereuses ou déplaisantes, ou conserver un certain anonymat.
 

Vie privée et protection – deux aspects indissociables

La vie privée, la protection des données et la sécurité sont intrinsèquement liées aux droits, aux libertés et à un usage responsable, et doivent être présentées aux enfants dès leurs premiers pas sur internet. Les utilisateurs conscients de leurs responsabilités et des écueils possibles savent mieux repérer et éviter les risques en ligne, protéger leurs données et leur identité numérique, et appliquer des mesures qui assurent durablement la sécurité de leurs activités en ligne, pour eux-mêmes et pour les autres. En ligne, chacun a droit à la sécurité, au respect des idées qu’il exprime et à un juste traitement des ressources qu’il crée et qu’il diffuse. Le droit d’accès s’accompagne inévitablement d’attentes et de responsabilités. L’école et la famille ont un rôle essentiel à jouer pour préparer les jeunes à les assumer.

À l’heure où les technologies investissent les derniers recoins de notre vie quotidienne, le respect de la vie privée et la protection de nos données personnelles sont indissociables. Aujourd’hui, garantir sa sécurité sur internet ne demande plus seulement de gérer ses propres risques, mais aussi de veiller à ce que nos actions ne mettent pas autrui en danger. De ce fait, être un citoyen numérique suppose donc d’apprendre à protéger l’accès à ses équipements mais aussi à manier avec précaution tout ce qui peut menacer la vie privée et la sécurité (les nôtres et celles d’autrui). Si nous voulons qu’internet devienne un espace de confiance, marqué par l’esprit civique et par le respect des droits, priorité doit être donnée à l’éducation des enfants en tant qu’acteurs responsables de la société et de l’économie numériques.
 

Ma vie privée... Et la vôtre

Protéger sa vie privée en ligne mobilise un large éventail de compétences. La définition même de ce qui relève de la vie privée passe par un certain recul sur soi-même et sur les autres, et par la valorisation de la dignité humaine et des droits de l’homme. Ce n’est possible qu’avec une solide connaissance du fonctionnement des outils de communication particulièrement puissants d’aujourd’hui, qui offrent de multiples moyens d’utiliser des informations à notre encontre, notamment en agrégeant des photos et des bribes de renseignements pour livrer une image beaucoup plus intime et détaillée que nous l’aurions souhaité. La vie privée est un concept sensible qui exige de bien comprendre la diversité culturelle, de respecter les croyances, les pratiques et les visions du monde d’autrui, et d’avoir la volonté de protéger les données personnelles contre une diffusion large sur internet.

Nous vivons à l’ère des mégadonnées (big data): les informations privées se monnayent en tant que telles. Tous les citoyens (pas seulement les enfants et les jeunes) doivent en permanence garder à l’esprit qu’en ligne, en particulier sur les réseaux sociaux mais aussi lorsqu’ils utilisent un moteur de recherche, ils sont à la fois le consommateur et le produit. Les sites commerciaux et non commerciaux ajustent le contenu qu’ils nous présentent sur la base d’un profil constitué à partir des traces que nous avons laissées en ligne. Même des référendums et des élections nationales auraient été orientés par le profilage des électeurs et par une utilisation sans scrupule des mégadonnées.

Bien que, dans le monde d’aujourd’hui, garder la totale maîtrise de ses données personnelles relève de l’exploit, l’éducation peut fortement contribuer à développer les aptitudes nécessaires. Il est essentiel, par exemple, de comprendre les conditions générales d’utilisation des prestataires de services et les usages des cookies avant de les accepter. Les citoyens numériques doivent aussi pouvoir décider quand fournir ou non les données demandées, vérifier la finalité et l’utilisation finale de la collecte des données, et s’informer de la manière dont les informations collectées seront traitées. Ils doivent savoir comment, quand et où accepter l’accès à leurs données personnelles, refuser la collecte de leurs données sans leur consentement éclairé et pouvoir les faire rectifier, déréférencer ou les faire supprimer. Les citoyens doivent savoir comment contacter les prestataires de services et s’adresser, en cas d’atteinte à leurs droits, à leur autorité de protection des données, à un juge (si la législation nationale le permet) ou à un groupe de soutien.

Gérer son identité numérique

Il est important que les enfants, dès leurs premiers pas dans le cyberespace, s’habituent à savoir gérer leur identité numérique et comprennent avec quelle facilité on peut livrer plus d’informations qu’on ne le voudrait. Ils doivent être capables de dire quels aspects de leurs données sont privés, quelles données peuvent être partagées en toute sécurité et comment ces limites varient selon les contextes, par exemple avec les membres de leur famille, en tant qu’élèves ou membres d’un club sportif, ou lorsqu’ils se rendent à l’hôpital ou chez le médecin. À partir du moment où un enfant accède seul à des services en ligne, il doit être capable de décider s’il est plus sûr, et légal, d’utiliser un pseudonyme ou des comptes, profils et adresses électroniques différents pour protéger son identité. Une autre mesure indispensable, qui peut devenir amusante même pour les jeunes enfants, est d’apprendre à créer, à modifier et à gérer ses mots de passe. Tout cela participe de la « gestion de l’identité numérique », aptitude fondamentale de la citoyenneté numérique qui repose sur un large éventail de connaissances, de valeurs et d’attitudes.

L’usurpation d’identité, qui devient possible lorsque la victime divulgue involontairement des données confidentielles ou fournit volontairement des données personnelles lors d’une tentative d’escroquerie ou d’hameçonnage, peut s’aggraver rapidement. S’il est assez facile de remédier à une perte de contrôle d’un compte en ligne relativement peu important, tel que l’accès à un forum en ligne, le piratage d’un profil de réseau social, d’un compte de messagerie principale ou d’une identité bancaire peut, lui, avoir des conséquences très graves. Outre le coût économique et social pour la victime, ses données personnelles et les données relatives à ses connexions en ligne peuvent être compromises. Imaginez seulement que quelqu’un se serve de votre compte ou de votre carte de crédit pour effectuer des achats en ligne ou pour se faire passer pour vous, à travers votre profil ou votre e-mail !
 

Cybersécurité et montée des menaces

Tous les citoyens numériques ont aujourd’hui une responsabilité partagée de contribuer à garantir un environnement sécurisé en ligne. Le piratage est une menace croissante ; en 2017, les systèmes d’hôpitaux, de banques et de sociétés de transport en ont été largement victimes. Par comparaison, peu de mesures sont prises pour sensibiliser les jeunes scolarisés à la gravité d’un tel comportement antisocial, qui serait certainement vivement critiqué dans un contexte hors ligne.

Les pourriels, l’hameçonnage, les virus, les logiciels malveillants (malwares) et les « bots » (robots internet) ont aussi de lourdes conséquences. Les citoyens ne peuvent éviter ces menaces que s’ils savent où se procurer les bons outils de protection et comment les utiliser. Comprendre et prendre soin de son environnement numérique est aussi important que prendre soin de sa maison ou de son cadre de vie, d’autant plus que l’internet des objets et les jouets connectés sont en train de devenir une réalité. La pérennité des activités en ligne comme hors ligne repose sur la connaissance, l’esprit critique et les valeurs attachées aux droits de l’homme et à la dignité humaine ; la négligence d’une personne peut faire courir des risques à toute la famille, à l’école ou à tout un réseau. Nous apprenons aux jeunes enfants à éviter les risques à la maison, dehors ou en ville ; ne devraient-ils pas aussi apprendre à naviguer en toute sécurité sur le Net, pour leur propre bien et celui des autres ?

La vie privée et la sécurité constituent une part importante de l’éducation à la citoyenneté numérique, à laquelle doivent veiller les gouvernements, les autorités éducatives, les familles et les enfants eux-mêmes. Si la société met en place, en associant de multiples acteurs, une solide politique de protection de la vie privée et de la sécurité relayée dans les programmes scolaires, les enfants et les jeunes pourront acquérir une compétence et une autonomie numériques suffisantes pour exercer leurs droits et leurs responsabilités en tant que citoyens à l’ère d’internet. La technologie de la blockchain pourrait aussi être ajoutée aux apprentissages, car elle a le potentiel de résoudre beaucoup des défis et des dilemmes déjà abordés : vie privée, protection des données, gestion de l’identité numérique et cybersécurité.
 

Comment ça marche ?

Le concept de vie privée étant très variable selon les familles et les cultures, il devrait être un sujet de discussion dans le cercle familial. C’est en observant leurs parents que les enfants apprennent ce qu’ils peuvent dire et quand ; par ailleurs ils doivent savoir, pour développer une vision critique du monde, pourquoi certaines informations sont privées et pourquoi il est important de respecter les données des autres.

Malheureusement, il est difficile d’échapper aux publicités et informations ciblées ainsi qu’à la propagande, qui peuvent particulièrement marquer les jeunes esprits. Les enfants et les jeunes doivent connaître le fonctionnement du traçage et du profilage, et savoir qu’ils laissent des traces chaque fois qu’ils utilisent un moteur de recherche, consultent un site, font des achats en ligne ou « likent » sur les réseaux sociaux. Oui, même leurs likes sont surveillés et aident à affiner leur profil pour leur adresser des publicités ciblées. Les cookies aussi peuvent servir à pister et à profiler, mais, dans la mesure où ils jouent aussi un rôle « positif » en facilitant l’accès aux sites que nous fréquentons le plus, il n’est pas toujours facile de les refuser. Leurs avantages réels ne sont cependant pas évidents, et il est vivement recommandé de refuser les cookies de tiers pour échapper au traçage non sollicité. L’une des manières de limiter le traçage et les publicités ciblées consiste à effacer régulièrement son historique de navigation.

Pour ne pas devenir la proie de pratiques commerciales douteuses et perdre leur temps à traiter une surcharge d’informations et de propagande, les citoyens numériques doivent acquérir de solides aptitudes d’analyse et de réflexion critique. Il existe des outils de filtrage et de blocage des annonces, mais peu d’entre eux sont totalement fiables, et les jeunes gagneront à créer leur propre liste de mesures à adopter pour éviter les contenus indésirables ou les supprimer rapidement. Cette activité les aidera à affûter leur sens critique.

Pour les citoyens numériques, c’est une responsabilité civique de veiller à la cybersécurité sur l’ensemble de leurs outils connectés à internet, en appliquant les paramètres de vie privée et de sécurité disponibles, et en installant des antivirus/pourriels/logiciels malveillants et autres logiciels offrant une sécurité optimale. Une sécurité insuffisante facilite la circulation des pourriels, qui sont l’un des premiers moyens de diffusion d’informations fausses ou frauduleuses, ou d’abus de confiance visant à obtenir des informations ou de l’argent. Des centaines de nouveaux virus et logiciels malveillants apparaissent quotidiennement ; il faut donc se montrer réactif et mettre à jour son niveau de sécurité dès que de nouvelles versions ou actualisations sont proposées. Il convient de désactiver la géolocalisation et le Bluetooth lorsqu’on ne s’en sert pas, car ils ouvrent la porte aux intrusions et peuvent livrer sur nous beaucoup plus d’informations que nous le souhaiterions.
 

Dimensions éducatives et citoyennes

Pour les enfants, l’apprentissage en matière de sécurité, de vie privée et de gestion de l’identité est une bonne façon de commencer à comprendre comment la société fonctionne. Parler aux enfants de leur vie privée, étroitement liée à leurs premières expériences du monde en dehors de chez eux, est l’occasion idéale de leur enseigner le partage, l’empathie, la prudence et le fait que ce qui est donné ne peut être repris. En définissant leur propre profil et ceux des autres, les enfants appréhendent les notions de diversité et d’inclusion, affûtent leur capacité d’écoute et d’observation, s’ouvrent à la diversité culturelle et peuvent même, sous réserve d’une bonne approche pédagogique, consolider leur estime de soi.

Figure 17 : Vie privée et sécurité – Compétences clés de la citoyenneté numérique

Les enfants plus âgés en apprendront beaucoup sur la vie privée si leurs parents, ou leurs enseignants, les invitent de temps en temps à imprimer leurs pages de profil sur les réseaux sociaux et à les afficher dans un lieu public. Ils comprendront rapidement l’écart entre vie privée en ligne et hors ligne.

Conscients des dangers, parents et enseignants apprennent aux enfants à « regarder avant de traverser la rue », etc., et les accompagnent jusqu’à ce qu’ils deviennent autonomes. Pourtant, on voit souvent de très jeunes enfants « lâchés » tout seuls dans l’espace en ligne, bien plus vaste que toutes les rues et villes de la planète. La protection de soi, la vie privée et la sécurité peuvent et doivent être enseignées, à travers des activités ludiques adaptées à l’âge des enfants dès que ces derniers ont accès à des appareils connectés à internet. Ils progresseront pas à pas hors ligne jusqu’à être prêts, sur le plan cognitif, à entrer dans l’espace numérique.

La sécurité consiste aussi à se soucier des autres et à favoriser activement des changements positifs dans notre environnement. Il est important que les enfants et les jeunes apprennent le côté positif de la sécurité, qui permet aux internautes de se respecter, de se faire mutuellement confiance et de prendre des mesures actives pour assurer le bien-être des autres.

Figure 17 : Vie privée et sécurité – Compétences clés de la citoyenneté numérique

La sécurité en ligne constitue en outre un secteur d’activité en plein essor, quoique longtemps négligé. Les maisons, les jouets et – très bientôt – les voitures et les transports publics connectés font de la sécurité une facette fondamentale de nos vies, qui offre déjà d’intéressantes possibilités d’études et d’insertion professionnelle. La sécurité se prête aussi très bien à l’apprentissage à l’école comme à la maison.