A propos de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
La Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (Convention-cadre) est le traité européen le plus complet protégeant les droits des personnes appartenant à des minorités nationales.
Il s'agit du premier instrument multilatéral juridiquement contraignant consacré à la protection des minorités nationales dans le monde, et sa mise en œuvre fait l’objet d’un suivi par le seul comité international consacré exclusivement aux droits des minorités : son Comité consultatif. La Convention-cadre a été adoptée le 10 novembre 1994 par le Comité des Ministres et est entrée en vigueur le 1er février 1998. Elle est maintenant en vigueur dans 38 États.
Pourquoi est-ce appelé une convention "cadre" ?
Bien que la convention-cadre soit un instrument juridiquement contraignant en vertu du droit international, le mot "cadre" met en évidence la possibilité pour les États membres de traduire les dispositions de la convention dans la situation spécifique de leur pays par le biais d'une législation nationale et de politiques gouvernementales appropriées.
Qu'est-ce qu'une minorité nationale ?
La Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ne contient pas de définition de "minorité nationale" car il n'existe pas de définition générale acceptée par tous les États membres du Conseil de l'Europe. Il existe donc une certaine flexibilité, ou marge d'appréciation, accordée aux Etats pour décider qui relève de la protection de la Convention-cadre. Cette décision doit être prise de bonne foi, dans le respect des principes généraux du droit international, y compris la libre auto-identification.
Le principe de libre auto-identification est la pierre angulaire des droits des minorités. Il signifie que les individus ont le droit de décider eux-mêmes s'ils souhaitent être identifiés comme appartenant à une minorité nationale, et laquelle (ou lesquelles). Toutefois, leur décision doit être fondée sur des critères objectifs liés à leur identité, tels que leur religion, leur langue, leurs traditions et leur patrimoine culturel.
Les États ont des approches variées en ce qui concerne la définition d'une minorité nationale au titre de la convention-cadre : d'une approche restrictive avec, par exemple, une liste fixe de groupes traditionnels qui doivent bénéficier de la protection de la convention-cadre ; à une approche plus ouverte, appliquant les articles de la convention avec souplesse à un large éventail de groupes.
Pour plus d'informations, veuillez-vous référer au commentaire thématique n° 4 : Le champ d'application de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, adoptée le 27 mai 2016.
Combien de personnes dans les États européens appartiennent à des minorités nationales ?
Il est difficile d'obtenir des statistiques précises sur la taille des populations minoritaires dans les États européens. Cela est dû en partie au fait que de nombreux États ne ventilent pas les données sur les motifs ethniques, culturels, religieux et linguistiques pour diverses raisons historiques et politiques et en partie au fait que les États ne disposent pas de chiffres de recensement fiables ou actualisés. Pratiquement tous les États européens ont une certaine population appartenant à des minorités nationales.
Quelles sont les obligations des États ?
La convention-cadre énonce les droits dont jouissent les personnes appartenant à des minorités nationales et les obligations complémentaires que doivent respecter les États :
Parmi les droits dont jouissent les individus appartenant à des minorités nationales figurent :
- La libre expression des identités ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses
- Ne pas faire l'objet de discriminations
- Jouir de la liberté de réunion, d'association, d'expression, de pensée, de conscience et de religion
- Utiliser des langues minoritaires dans les contacts avec les autorités dans les zones habitées traditionnellement ou en nombre substantiel par des minorités nationales
- Être en mesure d'influencer la prise de décision publique pour les questions touchant les personnes appartenant à des minorités nationales
- Participer à la vie culturelle, sociale et économique
Parmi les obligations complémentaires à respecter par les États figurent :
- Promouvoir l'égalité effective
- Préserver et développer les cultures, les religions et les langues minoritaires
- Promouvoir le dialogue interculturel et protéger les personnes appartenant à des minorités contre l'hostilité ou la violence
- Promouvoir un espace médiatique diversifié avec des diffusions dans les langues minoritaires et soutenir les médias minoritaires
- Ecrire les noms de personnes, noms de lieux et autres indications topographiques dans les langues minoritaires
- Rendre l'éducation accessible à tous et favoriser la connaissance interculturelle
- Enseigner de et dans les langues minoritaires, dans les écoles privées et publiques
- S'abstenir de faire du découpage électoral partisan pour restreindre les droits des minorités
- Promouvoir les droits des minorités par la coopération bilatérale, multilatérale et transfrontalière
Comment la convention-cadre protège-t-elle les droits linguistiques ?
Les dispositions de la convention-cadre couvrent l'utilisation de la langue minoritaire en privé et en public ainsi que, sous certaines conditions, dans les contacts avec les autorités administratives. Elles comprennent également l'utilisation du nom personnel, l'affichage d'informations à caractère privé et de noms topographiques dans la langue minoritaire, sous certaines conditions également.
Les États sont en outre tenus de promouvoir les conditions nécessaires pour que les personnes appartenant à des minorités nationales puissent maintenir et développer leurs langues, traditions et cultures. Cela peut nécessiter une action positive sous forme de financement ou d'autres formes de soutien de la part de l'État, notamment pour soutenir les langues peu parlées.
Pour plus d'informations, veuillez-vous référer au commentaire thématique n° 3 : Les droits linguistiques des personnes appartenant à des minorités nationales en vertu de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, adoptée le 24 mai 2012.
Quels sont les droits à l'éducation offerts par la Convention-cadre ?
Les dispositions de la Convention-cadre couvrent à la fois l'enseignement des langues minoritaires et l'enseignement de celles-ci, tant dans les écoles publiques que privées, et à tous les niveaux. Ces obligations sont complémentaires à celles de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Les États sont également tenus de poursuivre l'éducation interculturelle dans les programmes scolaires, en incluant des matières telles que l'éducation civique et l'enseignement de la contribution historique et continue des minorités nationales à la société dans son ensemble. Cela devrait accroître les connaissances, la tolérance et montrer que la société est un espace partagé par tous les groupes, et favoriser le dialogue interculturel.
L'égalité d'accès à l'éducation est une préoccupation particulière du Comité consultatif, surtout lorsqu'elle concerne les groupes les plus défavorisés de la société. Les États ont toujours été invités à assurer l'égalité d'accès à l'éducation, notamment en prenant des mesures positives.
Pour plus d'informations, veuillez-vous référer au Commentaire thématique n°1 : Commentaire sur l'éducation au titre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, adopté le 2 mars 2006.
Quels sont les droits de participation offerts par la Convention-cadre ?
Les Etats doivent promouvoir la participation des personnes appartenant à des minorités nationales à la vie culturelle, sociale et économique, ainsi qu'aux affaires publiques.
En pratique, cela signifie qu'il faut offrir aux personnes appartenant à des minorités nationales la possibilité de participer aux consultations et aux décisions qui les concernent dans ces domaines. Pour être efficace, cela peut nécessiter des mesures positives, telles que des sièges réservés au sein des parlements, ou encore des structures de participation telles que des conseils ou des forums conjoints entre le gouvernement et la société civile. Les mesures de participation seront adaptées aux contextes nationaux et locaux.
Pour de plus amples informations, veuillez vous référer au commentaire thématique n° 2 : La participation effective des personnes appartenant à des minorités nationales à la vie culturelle, sociale et économique et aux affaires publiques, adopté le 27 février 2008.
Voir également le 12e rapport d'activité du Comité consultatif, couvrant la période 2018-2020, avec une section substantielle sur la participation démocratique.
Comment la Convention-cadre fait-elle l'objet d'un suivi ?
1. Les États sont tenus de présenter tous les cinq ans un rapport contenant des informations sur les mesures législatives et autres prises pour se conformer aux principes de la convention-cadre. Ce rapport est examiné par le Comité consultatif. Si les États ne présentent pas leurs rapports, le Comité des Ministres peut néanmoins autoriser le Comité consultatif à entamer le processus de suivi.
2. Le Comité consultatif effectue des visites dans les pays afin de rencontrer les organisations de minorités, d'autres représentants de la société civile et les autorités locales et nationales.
3. Le Comité consultatif adopte ensuite un avis contenant des recommandations concrètes pour l'action de l'Etat. Dans ce processus, le Comité consultatif tient un dialogue confidentiel qui donne aux États la possibilité de proposer d'éventuelles corrections factuelles. Le Comité consultatif est libre d'accepter ou de refuser les modifications proposées.
4. Une fois l'avis adopté, les Etats ont la possibilité de soumettre des commentaires sur cet avis dans un délai de 4 mois, après quoi les commentaires et l'avis sont publiés.
5. Sur la base de l'avis du Comité consultatif, le Comité des Ministres adopte une Résolution avec des conclusions et des recommandations à l'égard de l'Etat concerné.
La mise en œuvre des recommandations est encouragée par des activités de suivi dans l'État concerné. Ces activités permettent au Comité consultatif d'expliquer ses conclusions plus en détail, d'échanger des exemples de bonnes pratiques et de contribuer à un dialogue entre les minorités et l'État.
Pour plus d'informations : suivi spécifique par pays et brochure de la FCNM.
Quelles sont les principales réalisations de la Convention-cadre ?
La Convention-cadre et son système de suivi ont contribué à améliorer le dialogue entre les organismes gouvernementaux et les minorités nationales. Elle a également suscité l'adoption de nouvelles lois consacrées à la protection des minorités nationales et a encouragé les États à améliorer leur législation et leur pratique en matière de non-discrimination.
Le Comité consultatif est un organe reconnu et très respecté dans la sphère internationale de la protection des minorités. Les avis du Comité consultatif sont devenus une référence centrale dans les travaux d'autres organismes internationaux, tels que le Haut-Commissaire de l'OSCE pour les minorités nationales et l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA).
Comment le Conseil de l'Europe protège-t-il autrement les minorités nationales ?
L'action du Conseil de l'Europe dans ce domaine repose sur le principe selon lequel la protection des minorités fait partie de la protection universelle des droits de l'homme. Son action comprend l'établissement de normes, la coopération intergouvernementale, des activités pour le développement et la consolidation de la stabilité démocratique et des mesures de confiance dans la société civile. Elle s'étend à de nombreux domaines politiques connexes et implique une coopération avec de nombreux organismes différents au sein et en dehors du Conseil de l'Europe.
Les autres normes et organes de suivi importants du Conseil de l'Europe dans ce domaine sont les suivants
- La Convention européenne des droits de l'homme, car ses droits individuels universellement applicables peuvent également être revendiqués par les personnes appartenant à des minorités nationales ;
- La Charte sociale européenne, qui protège les minorités dans les domaines social et économique ;
- La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui met l'accent sur la protection et la promotion des langues minoritaires ; et
- La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) apporte une contribution importante à la lutte contre la discrimination des personnes appartenant à des minorités.
- Le Comité directeur pour la lutte contre la discrimination, la diversité et l'inclusion (CDADI) est un organe intergouvernemental qui conseille le Comité des Ministres sur la promotion de l'égalité et la construction de sociétés plus inclusives qui offrent une protection efficace contre la discrimination et la haine et où la diversité est respectée. En 2021, le CDADI a adopté une étude sur la participation politique active des jeunes des minorités nationales, qui recueille les meilleures pratiques et formule des recommandations aux États.
- L'équipe Roms et Gens du voyage du Conseil de l'Europe, dont le travail contribue à promouvoir et à protéger les droits des Roms et des Gens du voyage dans les États membres du Conseil de l'Europe et à favoriser l'égalité des chances, la diversité et l'inclusion sociale en luttant contre la discrimination et l'antitsiganisme.
Où puis-je trouver les rapports de suivi et les recommandations ?
Les rapports périodiques des États, les avis du Comité consultatif et les résolutions du Comité des ministres (y compris les recommandations) sur chaque État peuvent être trouvés sur la page dédiée au suivi spécifique par pays.
Une base de données consultable (HUDOC) permet aux utilisateurs de rechercher et de lire tous les avis publiés du Comité consultatif, les commentaires des Etats ainsi que les résolutions du Comité des ministres.
Comment les minorités et leurs représentants peuvent-ils s'impliquer ?
Le suivi de la Convention-cadre repose également sur l'engagement de la société civile, notamment lors des réunions organisées dans le cadre des visites de pays.
Pour plus d'informations sur la manière de s'impliquer, voir notre page sur le rôle des ONG. Une page web dédiée est également disponible pour les ONG de jeunesse.
Vous pouvez également nous contacter.
Secrétariat de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
Conseil de l'Europe
Bâtiment Agora
F - 67075 STRASBOURG CEDEX
France
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