Un traité historique en Europe pour éradiquer la violence à l’égard des femmes

La Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est un instrument majeur des droits humains établissant des normes juridiques complètes garantissant le droit des femmes à ne pas subir de violence. Fruit des efforts continus du Conseil de l’Europe depuis les années 1990 pour prévenir la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, cet instrument juridique européen a été négocié par ses 47 Etats membres et adopté le 7 avril 2011 par son Comité des Ministres. Elle est aussi appelée la Convention d'Istanbul du nom de la ville où elle a été ouverte à la signature le 11 mai 2011. Trois ans plus tard, le 1er août 2014, elle est entrée en vigueur après sa 10e ratification. Depuis lors, tous les gouvernements qui ont ratifié ce traité sont liés par ses obligations.

À ce jour, 34 Etats membres du Conseil de l'Europe ont ratifié la Convention d'Istanbul et doivent adopter des mesures pour honorer leur engagement de prévenir et de lutter contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. En outre, 12 États membres l'ont signé – y compris l'Union européenne. L'un de ses premiers États parties, la Turquie, a notifié son retrait de la convention en mars 2021, qui prendra effet le 1er juillet 2021. D'autres États membres du Conseil de l'Europe travaillent activement à sa ratification et des pays hors du Conseil de l'Europe ont exprimé leur intérêt à adhérer à la Convention, ce qui est une possibilité énoncée dans cette dernière.


Rendre visible les actes de violence fondée sur le genre subis par les femmes

La Convention d'Istanbul reconnaît la violence à l'égard des femmes comme une violation des droits humains et une forme de discrimination à l'égard des femmes. Elle couvre diverses formes de violence fondée sur le genre à l'égard des femmes, qui se réfère à la violence dirigée contre les femmes parce qu'elles sont des femmes ou à la violence qui les affecte de manière disproportionnée. La violence fondée sur le genre à l'égard des femmes diffère des autres types de violence car dans ce cas, le fait qu'elle soit perpétrée contre les femmes est à la fois la cause et le résultat de relations de pouvoir inégales entre les femmes et les hommes qui relèguent les femmes à un statut inférieur dans les sphères publique et privée, et qui contribuent à rendre acceptable la violence à leur égard.

En vertu de la convention, l'utilisation du terme « genre » vise à reconnaître comment les attitudes et les perceptions néfastes des rôles et des comportements attribués aux femmes dans la société jouent un rôle dans la perpétuation de la violence à l'égard des femmes. Cette terminologie ne remplace pas la définition biologique du « sexe », ni celle des «femmes» et des «hommes», mais vise à souligner combien les inégalités, les stéréotypes et la violence ne proviennent pas de différences biologiques, mais d’idées préconçues et néfastes sur la manière dont les femmes doivent être ou se comporter, lesquels ont pour effet de limiter la capacité des femmes à agir librement. Par conséquent, la convention place l’élimination de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique dans le contexte plus large de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Plus d'informations sur le champ d'application et les objectifs de la Convention d'Istanbul sont disponibles dans la brochure suivante:

 La Convention d'Istanbul : questions et réponses

 


Une réponse aux multiples formes de violence à l'égard des femmes

La Convention d'Istanbul spécifie les différentes formes de violence à l'égard des femmes qui doivent être criminalisées (ou, le cas échéant, sanctionnées d'une autre manière). Celles-ci sont::

  • la violence psychologique
  • le harcèlement
  • la violence physique
  • la violence sexuelle ( y compris le viol )
  • le mariage forcé
  • les mutilations génitales féminines
  • l’avortement forcé
  • l’avortement forcé
  • le harcèlement sexuel

La Convention d'Istanbul énonce également l'obligation de veiller à ce que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu «honneur » ne soient pas considérés comme justifiant des actes de violence couverts par son champ d'application.

La Convention d'Istanbul couvre également la violence domestique, c'est-à-dire tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l'auteur de l'infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime . En raison de la gravité d'une telle violence, il convient d'assurer que les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise à l'encontre d'un ancien ou actuel conjoint ou partenaire, par un membre de la famille, par une personne cohabitant avec la victime ou par une personne ayant abusé de son autorité, peut entraîner une peine plus sévère soit en tant que circonstance aggravante, soit en tant qu'élément constitutif de l'infraction. La convention oblige les gouvernements à assurer la sécurité et le soutien des victimes de violence domestique perpétrée par des membres de la famille, des conjoints ou des partenaires intimes, quel que soit leur statut marital ou leur absence de statut marital. La convention peut et doit être appliquée dans tous les États, indépendamment de leurs définitions juridiques de la «famille» ou du «mariage» et de leur reconnaissance, ou non, des unions homosexuelles. Ces questions dépendent du domaine de compétence de chaque État, en effet, la reconnaissance légale des unions homosexuelles ou de l'adoption par des couples homosexuels ne sont pas couverts par le champ d'application de la Convention d'Istanbul.


Quatre objectifs: prévention, protection, poursuites et politiques coordonnées

La Convention d'Istanbul représente une avancée majeure dans la mise en place d’une réponse globale et harmonisée visant à mettre toutes les femmes et filles à l'abri des violences en Europe et au-delà du continent. Ses obligations couvrent quatre domaines d'action, souvent appelés les quatre «P». Il s'agit de la prévention de la violence à l'égard des femmes, de la protection des victimes, de la poursuite des auteurs, ainsi que de la mise en œuvre de politiques globales et coordonnées dans ce domaine. Ces quatre objectifs principaux englobent diverses dispositions, y compris des mesures juridiques et pratiques visant à changer de façon concrète les réponses nationales à la violence à l'égard des femmes et à la violence domestique.

Pour plus d’information, consultez les infographies et la brochure sur les quatre piliers de la Convention d'Istanbul: prévention, protection, poursuites et politiques intégrées.

 


Sécurité et autonomisation des femmes et filles dans toute leur diversité

La Convention d'Istanbul est basée sur une approche centrée sur les victimes. Elle promeut le respect et l'égalité pour toutes les femmes et filles susceptibles d'être victimes de violence en offrant des outils pratiques pour assurer leur sécurité et leur autonomisation. Le principe de non-discrimination s'appuie sur des obligations juridiques découlant d'autres instruments juridiques, en particulier la Convention européenne des droits de l'homme (Article 14 et Protocole n ° 12) et sa jurisprudence. Par conséquent, la protection et le soutien fournis en vertu de la Convention d'Istanbul doivent être accessibles à toutes les femmes sans discrimination, y compris en ce qui concerne leur âge, leur handicap, leur statut marital, leur association avec une minorité nationale, leur statut de migrant ou de réfugié, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. A titre d’exemple, l’accès d’une victime aux services de soutien, aux refuges, à la protection et à la justice ne doit pas être remis en cause en raison de son type de handicap, de son statut de résidence, du fait qu’elle soit née femme ou de la personne qu’elle aime.

La mise en œuvre non discriminatoire de la Convention d'Istanbul est essentielle pour mettre fin à la violence à l'égard de toutes les femmes, car certains groupes de femmes sont confrontés à des obstacles spécifiques et subissent des discriminations multiples dans leur accès à la protection et au soutien. Ces groupes de femmes incluent, par exemple, les femmes en situation de handicap, les femmes issues de minorités nationales, les femmes LBTI (lesbiennes, bisexuelles, transgenres, intersexes), les femmes vivant dans des zones rurales, les femmes migrantes, les femmes demandeuses d'asile et réfugiées, les femmes sans permis de séjour, les filles, les femmes âgées, les femmes sans abri, les femmes en situation de prostitution et les femmes utilisant des substances psychoactives. Il est essentiel de veiller à ce que les mesures visant à mettre fin à la violence fondée sur le genre s'étendent systématiquement à ces groupes de femmes, tout en leur étant accessibles et adaptées à leurs besoins spécifiques.

 


Un mécanisme de suivi pour identifier les tendances et les défis

Une fois qu'un gouvernement a ratifié la Convention d'Istanbul, il doit prendre des mesures pour mettre en œuvre ses dispositions visant à prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes. Un mécanisme de suivi existe pour évaluer la manière dont ces dispositions sont mises en pratique et pour fournir des orientations aux autorités nationales. Il se compose de deux entités:

Le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO):

Le GREVIO est un organe indépendant spécialisé chargé de suivre la mise en œuvre de la convention par les pays qui l'ont ratifiée (parties à la convention), composé de 15 experts indépendants. Il mène des procédures nationales d'évaluation qui impliquent des visites sur place et publie des rapports évaluant les mesures législatives et autres prises pour se conformer aux exigences de la convention. À ce jour, le GREVIO a publié des rapports d'évaluation de référence concernant 17 pays, offrant des orientations sur mesure pour augmenter le niveau de mise en œuvre. En outre, le GREVIO peut ouvrir des enquêtes dans des circonstances spécifiques. Le GREVIO peut également adopter des recommandations générales sur les thèmes et concepts de la convention, ce qu'il fait actuellement pour la première fois. Les travaux d'élaboration de sa recommandation générale consacrée à la dimension numérique de la violence à l'égard des femmes sont en cours et devraient s'achever d'ici fin 2021. Un aperçu des activités du GREVIO est disponible dans ses rapports généraux sur ses activités.

Le Comité des Parties:

Cet organe est composé des représentants des gouvernements nationaux qui ont adhéré à la convention. Depuis 2018, le Comité adopte - sur la base des rapports d'évaluation de référence du GREVIO - des recommandations concernant les mesures à prendre pour mettre en œuvre les conclusions, suggestions et propositions du GREVIO relatives à un pays spécifique. Ces pays disposent d'un délai de trois ans pour mettre en œuvre ces recommandations et faire rapport au Comité. Sur cette base, le Comité adoptera des conclusions sur la mise en œuvre de ses recommandations. Le Comité peut également examiner les conclusions de toute enquête menée par les membres du GREVIO et peut envisager toutes les mesures nécessaires conformément à ces conclusions. À ce jour, le Comité des Parties a adopté des recommandations concernant 17 pays.

 


La Convention d'Istanbul en pratique : insuffler une dynamique de changement

Les nombreuses procédures d'évaluation conclues à ce jour par le GREVIO ont mis en évidence l'impact tangible que la convention a eu au cours de la dernière décennie. Une mesure clé prise dans de nombreux pays a été l'introduction de nouvelles infractions pénales, en adaptant leur droit pénal aux exigences de la convention. Ces efforts portent en particulier sur la criminalisation du harcèlement, du mariage forcé et des mutilations génitales féminines. De plus, certains ont amendé leur législation pour fonder leur définition juridique de la violence sexuelle sur l’absence de consentement librement donné par la victime, conformément à la Convention d'Istanbul.

En outre, de nombreux gouvernements locaux, régionaux et nationaux ont élargi l'éventail des services de soutien mis à la disposition des femmes victimes, par exemple en créant des lignes d'assistance téléphoniques nationales, en augmentant le nombre de refuges ou en introduisant des services spécialisés pour les victimes de violence sexuelle. Beaucoup ont également intensifié leurs efforts de sensibilisation aux différentes formes de violence à l'égard des femmes, et des bonnes pratiques ont été identifiées quant à la manière de soutenir les femmes en situation de handicap ou les femmes et les filles exposées au risque de mutilation génitale féminine. Bien que des problèmes demeurent, il est fortement reconnu qu'il est nécessaire de s'attaquer, de manière globale et holistique, à toutes les formes de violence à l'égard des femmes - au-delà de la violence domestique. Les conclusions du GREVIO soulignent également systématiquement la nécessité de garantir que les objectifs de la convention bénéficient à toutes les femmes et les filles, et cette demande trouve une certaine résonance. La Convention d'Istanbul crée ainsi une dynamique pour l'expansion non seulement de la législation et des services de soutien pour atteindre plus de femmes et de filles exposées au risque de violence fondée sur le genre, mais établit aussi fermement l'idée que les Etats ont une obligation de répondre à toutes les formes de violence à l’égard de toutes les femmes et les femmes dans toute leur diversité.

Mettant en lumière les avancées et les problèmes dans sa mise en œuvre, la Convention d'Istanbul et son mécanisme de suivi se révèlent être essentiels pour guider les gouvernements dans l'élaboration de mesures pour répondre efficacement à la violence à l'égard des femmes. Il est essentiel que les engagements pris dans le cadre de cette convention soient respectés pour qu’elle atteigne son plein potentiel.

 


La Convention d'Istanbul et la pandémie

À l'échelle mondiale, les politiques d'isolement et de confinement pour lutter contre la pandémie du Covid-19 ont conduit à une augmentation du nombre d’actes de violence domestique, violence sexuelle et violence fondée sur le genre - et donc à un besoin accru de prévention et de protection contre cela. Il convient également de considérer les effets à plus long terme de la pandémie sur l'équilibre entre la vie professionnelle et personnelle ainsi que sur la charge mentale et l'indépendance économique des femmes, car elle peut contraindre nombre d'entre elles, y compris les victimes de violence fondée sur le genre, à faire des choix difficiles tels que quitter temporairement ou définitivement le marché du travail pour se consacrer à un travail domestique non rémunéré. Le Comité des Parties à la Convention d'Istanbul et la Présidente du GREVIO ont appelé les États parties à appliquer la Convention en tout temps, y compris pendant la pandémie du Covid-19. Un site internet dédié aux droits des femmes et le COVID 19, lancé par le Conseil de l’Europe, offre des informations sur l’action des Etats membres ainsi que les initiatives du Conseil de l’Europe, des autres organisations internationales et de la société civile. Des informations sur les mesures nationales ont été collectées après un appel à contributions lancé conjointement par la Commission pour l'Egalité de Genre et le Comité des Parties à la Convention d'Istanbul.