La discrimination est une violation des droits de l'homme qui peut avoir un effet néfaste sur tous les apprenants, en particulier ceux qui sont ciblés.


Les écoles peuvent lutter contre la discrimination en promouvant la démocratie, le respect des droits de l'homme et la citoyenneté.

Pour s'assurer que les besoins de tous les élèves sont satisfaits de la même manière, les écoles doivent donner la priorité aux compétences linguistiques et culturelles, à la multiperspectivité dans l'histoire et à l'égalité des sexes. De cette façon, les étudiants peuvent acquérir des compétences pour une culture de la démocratie, pour réaliser leur potentiel tant à l'école que dans la société.

 


Faits et chiffres

En Europe, le taux de décrochage scolaire des élèves handicapés est supérieur à celui de leurs camarades du même âge [1].

Les élèves noirs d’origine caribéenne ont trois fois plus de chances que les élèves blancs d’être exclus des écoles anglaises [2].

Une enquête réalisée dans neuf pays de l’Union européenne a fait ressortir que 33 % des élèves roms étaient scolarisés dans des écoles où la plupart des élèves étaient des Roms, dont 13 % dans des écoles n’accueillant que des Roms.[3]


Qu’entend-on par discrimination ?

La discrimination désigne le traitement inégal ou défavorable appliqué à une personne en raison de caractéristiques personnelles, comme l’origine nationale, ethnique ou sociale, le sexe, la langue, la religion, le handicap ou l’orientation sexuelle.

On distingue deux grandes formes de discrimination :

  • La discrimination directe – situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est ou ne le serait dans une situation comparable ; par exemple le fait pour une école de refuser de scolariser un élève parce qu’il est rom ;
  • La discrimination indirecte – situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique est appliqué de la même manière à l’ensemble d’un groupe, mais entraîne un désavantage particulier pour certaines personnes du groupe qui partagent une caractéristique particulière ; par exemple le règlement d’une école sur la tenue interdisant le port de couvre-chefs pour les filles et les garçons pourrait désavantager injustement les filles musulmanes et les garçons juifs.

La discrimination peut se produire dans quasiment tous les aspects de la vie scolaire, que ce soient les attitudes et les attentes des enseignants vis-à-vis du règlement et du code de conduite de l’école, les pratiques de sélection et de catégorisation, les programmes d’enseignement, les méthodes et les supports pédagogiques, les vestiaires, l’orientation, la nourriture à la cantine et l’environnement physique de l’école.

Quelle que soit la forme qu’elle revêt – qu’il s’agisse de systèmes scolaires parallèles pour différents groupes ethniques, de la concentration dans une même école d’enfants défavorisés ou appartenant à des minorités ou d’un accès différencié à l’offre pédagogique – la discrimination se traduit par une expérience éducative de moindre qualité pour les élèves qui en sont victimes.


Pourquoi est-ce important de lutter contre la discrimination à l’école ?

La discrimination est une violation des droits de l’homme. L’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit une interdiction de la discrimination dans la jouissance de tous les droits et libertés garantis par la Convention. L’article 2 du Protocole n°1 exige des États qu’ils veillent à ce que tous les individus aient accès à l’éducation formelle qu’ils offrent.

« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction[4] ».
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation[5] ».

La lutte contre la discrimination n’est pas seulement une obligation que la Convention européenne des droits de l’homme fait aux écoles, elle est également importante pour le bien-être des élèves et leur réussite scolaire. Les enfants et les jeunes qui sont traités injustement ou qui sont victimes de discrimination sont plus susceptibles :

  • de développer une attitude négative à l’égard de l’école
  • de voir leur motivation et leurs résultats scolaires baisser
  • de présenter un risque plus élevé de quitter prématurément le système scolaire formel
  • d’être victimes de harcèlement
  • de développer des problèmes psychologiques.

Une personne qui a le sentiment d’être différente des autres ou de valoir « moins » que les autres peut se sentir seule. Et ce sentiment peut petit à petit miner sa capacité à participer à la vie de la société, en affectant par exemple son sentiment d’efficacité personnelle, son ouverture aux autres cultures et croyances, sa largeur d’esprit, sa souplesse et son adaptabilité – compétences qui sont toutes au cœur du Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie du Conseil de l’Europe[1].

L’inégalité des chances qu’engendre la discrimination à l’école a également des répercussions sur la société. Elle exacerbe les divisions sociales, alimente la xénophobie, l’intolérance et met à mal la cohésion sociale.
 

« Les États devraient combiner des mesures fortes de lutte contre la discrimination avec des politiques encourageant des systèmes éducatifs plus inclusifs permettant à tous les enfants d’apprendre ensemble. L’éducation inclusive ne devrait pas être perçue comme un projet utopique. Elle constitue au contraire un objectif atteignable, qui offre un énorme potentiel pour améliorer la cohésion sociale[6] ».


Quelles sont les difficultés qui se posent ?

L’une des difficultés à laquelle se heurtent les écoles dans la lutte contre la discrimination est le manque de données. Il existe peu de statistiques à l’échelle européenne sur la discrimination à l’école. Les enfants handicapés, par exemple, n’apparaissent pas toujours dans les statistiques nationales et sont parfois « invisibles » aux yeux des décideurs, des prestataires de services et du grand public. Ces enfants sont pourtant particulièrement exposés à la discrimination et subissent souvent une ségrégation en termes de possibilités éducatives.

Ces enfants ne sont pas les seules minorités « invisibles » à l’école. Les élèves LGBTI par exemple se sentent souvent obligés de cacher leur orientation sexuelle à l’école pour ne pas être victimes de discrimination.

Un autre problème majeur qui se pose est l’existence, chez les enseignants, les élèves et d’autres acteurs de l’école, de stéréotypes négatifs à l’égard des groupes minoritaires. Ces stéréotypes sont souvent profondément ancrés dans la vie et le quotidien de l’école, si bien qu’ils sont souvent considérés comme « normaux », à l’instar des récits et des images dans les manuels scolaires qui véhiculent une représentation stéréotypée des rôles des femmes et des hommes, des filles et des garçons. Les stéréotypes contribuent à alimenter les préjugés et l’agressivité entre élèves, font que les enseignants attendent moins de ces élèves et favorisent les attitudes négatives chez les parents, qui refusent par exemple que leur enfant soit dans la même classe que des enfants réfugiés ou migrants.

Il est difficile d’éradiquer les stéréotypes à l’école dans la mesure où ils émanent de la société. À cela s’ajoute la prédominance actuelle du discours de haine, des fausses nouvelles et des théories conspirationnistes dans les médias numériques, notamment les médias sociaux.

Le problème est accentué lorsque les groupes minoritaires sont sous-représentés dans le personnel de l’école. Les élèves n’ont pas de modèle auquel s’identifier et les enseignants ne connaissent pas ou ne sont pas familiers des autres cultures et modes de vie du fait du manque de diversité de la profession. Ils n’ont pas les compétences interculturelles nécessaires pour créer des environnements d’apprentissage inclusifs et de qualité, telles que l’ouverture aux autres cultures, la largeur d’esprit, des compétences plurilingues, la connaissance et la compréhension critique des autres cultures, religions et histoires.

Il est d’autant plus difficile de lutter contre la discrimination en l’absence de dialogue entre l’école et les parents. S’il s’agit souvent d’un problème de langue, se pose aussi celui des parents qui travaillent à l’étranger et qui confient leurs enfants à des parents âgés ou à d’autres personnes.


Que peuvent faire les écoles ?

Une approche globale de l’école est nécessaire pour que tous les apprenants, quel que soit leur âge, bénéficient de possibilités d’éducation véritables et de qualité aux côtés de leurs semblables.

Pour cela, les écoles doivent tout d’abord identifier les élèves susceptibles de faire l’objet de discrimination, les mesures qu’elles peuvent prendre pour atténuer ce phénomène et l’aide qu’elles peuvent apporter aux élèves concernés. Un bon point de départ est de faire le bilan de la situation actuelle, en recensant les points forts de l’école, mais aussi ses besoins et ses priorités. Il est essentiel de consulter les différents acteurs scolaires, notamment les élèves, et dans la mesure du possible, les parents – par exemple, par le biais d’enquêtes, de questionnaires, de groupes de réflexion, etc. Étant donné leur caractère sensible, il serait judicieux que les informations sur les expériences personnelles de discrimination soient recueillies de manière anonyme.

Ce bilan permettra d’identifier les priorités immédiates pour l’élaboration des politiques. Ces priorités varieront selon les établissements, mais pourront par exemple porter sur :

  • la maîtrise de la langue
  • l’égalité entre les sexes
  • l’accessibilité de l’environnement physique
  • les compétences interculturelles.

La définition des priorités initiales va de pair avec le développement professionnel des équipes de direction et du personnel enseignant. La lutte contre la discrimination à l’école exige une part de réflexion personnelle et professionnelle. Il importe notamment que le personnel de l’école soit capable de composer avec ses propres convictions et valeurs à l’égard de la discrimination, y compris avec ses propres préjugés inconscients.

Les écoles pourront alors ambitionner de créer une culture de non-discrimination à plus long terme. Cette démarche repose sur la remise en question des stéréotypes négatifs, que ce soit en classe ou en dehors. Plusieurs moyens permettent d’y parvenir, notamment :

  • en combattant les stéréotypes que l’on entend
  • en débattant des stéréotypes avec les élèves
  • en identifiant les stéréotypes dans le programme
  • en mettant en évidence les images et les rôles stéréotypés dans les manuels scolaires
  • en attribuant les postes à responsabilité de manière équitable
  • en utilisant d’autres méthodes de répartition des élèves
  • en proposant divers modèles auxquels s’identifier
  • en mettant en place des mécanismes de suivi des cas de discrimination.
     

La remise en cause des stéréotypes va de pair avec la promotion de l’inclusion et la valorisation des atouts de la diversité à l’école. Il existe pour cela plusieurs possibilités :

  • utiliser un langage inclusif
  • inclure les droits de l’homme, la citoyenneté démocratique et l’éducation interculturelle dans le programme d’enseignement
  • encourager le débat sur les questions controversées
  • faire entendre la voix des élèves
  • impliquer les élèves dans l’éducation par les pairs et les activités de médiation par les pairs
  • accueillir les parents et les associer aux décisions prises par l’école
  • établir des partenariats avec différents organismes et groupes dans la communauté.

 

[1] Education section of the The European Disability Forum

[2] Article: UK: Racial discrimination is a reality in schools and classrooms. Education International

[3] EU Fundamental Rights Agency, “Second European Union Minorities and Discrimination Survey (EU-MIDIS II) Roma – Selected findings” (2017).

[4] ECHR, Article 2, Protocol No.1

[5] ECHR, Article 14

[6] Position paper: Fighting school segregation in Europe through inclusive education by the Council of Europe Commissioner for Human Rights

Ressources pour lutter contre la discrimination

Multimédia

Textes officiels

Documents politiques

Sujets d’études

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Project: Student Council President Elections
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Projets des écoles sur ce thème

Retour Collège Charles Péguy de Palaiseau

Adresse : 37 avenue du général Leclerc, 91120 Palaiseau

Pays : France

Site web de l'école


Projet : Sur les traces de Jankiel Fensterszab, la vie juive avant la Shoah, en quête d’Histoire…

Langue de travail durant votre projet :

  • Français
     

Thèmes de la Campagne du Conseil de l'Europe "S’exprimer en toute liberté, apprendre en toute sécurité - Des écoles démocratiques pour tous" couverts par votre projet :

  • Traiter des questions controversées
  • Faire face à la propagande, à la désinformation et aux fausses nouvelles
  • Lutter contre les discriminations
     

Compétences du Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie (CCD) abordées durant votre projet et façons dont elles ont été intégrées :

  • Connaissance et compréhension critique du monde

    Notre projet consistait à mener une enquête historique sur Jankiel Fensterszab, déporté dans le dernier grand convoi parti de France vers Auschwitz (projet européen Convoi 77)
    A travers cette enquête menée avec les élèves, nous voulions montrer aux élèves l’importance de vérifier les sources, de les croiser afin de rédiger une biographie au plus près de la vérité. Nous avons travaillé avec une journaliste, Louise Gamichon, qui a montré aux élèves le travail du journaliste, sa déontologie, ses recherches (proches de celles de l’historien) avant de rédiger un article. Elle a travaillé sur les Fake news avec les élèves.
    L’autre finalité était de réfléchir avec les élèves à l’antisémitisme replacé dans une histoire longue (antijudaïsme devenu antisémitisme). Ce projet, mené sur un an, a permis aux élèves de poser toutes les questions et d’y répondre de façon argumentée en donnant un ancrage historique. Les élèves ont compris que les préjugés sont souvent liés à une méconnaissance voire une ignorance de l’Histoire.

  • Valoriser la dignité humaine et les droits de l'homme
    Ce projet sur la Shoah nous a permis d’étudier les Droits universels de l’Homme : l’Égalité et la Dignité, mais aussi la Fraternité. Nous avons montré la richesse de l’altérité dans notre société multiculturelle. “Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis” (Antoine de Saint Exupéry)
    Mais surtout nous avons réfléchi avec les élèves à la nécessité de faire vivre ces valeurs, de les défendre. Leur simple connaissance ne suffit pas.
  • L'esprit civique

    La dimension civique de ce projet est essentielle. Une des finalités était de questionner la société actuelle et toutes les formes de racisme et de discrimination. Nous avons réfléchi avec les élèves à l’engagement que chacun peut avoir pour lutter contre. Dans la classe se trouvaient deux élèves récemment arrivés en France (un élève venu de Syrie et une élève venue de Côte d’Ivoire). Ils ont pu expliquer leurs parcours migratoires, les difficultés à s’intégrer dans un pays nouveau dont on ne maitrise pas encore la langue ni les “codes”.
    Comment s’engager dans notre société pour lutter contre les discriminations et le racisme était un des axes de notre projet.

  • Compétences en matière de coopération
    A travers ce projet de classe mené tout au long de l’année scolaire, nous voulions tisser des liens entre les élèves de la classe. Nous voulions qu’ils apprennent à travailler ensemble dans le but de créer une œuvre commune qui serait la somme de leur participation. Les élèves sont venus 2 heures par semaine toute l’année pour participer à un atelier théâtre animé par un comédien professionnel. Ils ont écrit avec le comédien une pièce de théâtre et ont ensuite choisi d’être acteur, éclairagiste, costumier, photographe… Le spectacle de fin d’année est le résultat de l’engagement de chacun dans ce travail artistique (mise en scène artistique de notre enquête historique).
     

Tranche d’âge du groupe cible :

  • 11 - 15
     

Niveau d’études :

  • Enseignement secondaire (collège)

Courte description du projet :

Le but de ce projet interdisciplinaire était de rédiger la biographie de Jankiel Fensterszab, juif polonais résidant en France et déporté à Auschwitz par le convoi 77, le 31 juillet 1944 en travaillant avec une classe de 3ème sur des archives et des témoignages. Ce travail de recherche s’inscrit dans le projet européen Convoi 77.
 

Buts/Objectifs

Un des objectifs était d’initier - très modestement - au travail (outils et méthodes) de l’historien. Le travail d’enquête nous a conduit dans les archives mais aussi sur les lieux où avait vécu Jankiel Fensterszab. Nous avons ainsi pu aborder la vie juive avant la Shoah (et notamment l’antisémitisme et l’immigration d’une partie de la population juive d’Europe de l’Est). Cette thématique n’est pas abordée dans les programmes d’histoire et pourtant elle nous paraît essentielle pour comprendre ce qu’a été la réalité de la Shoah, dont une des conséquences est la disparition presque totale de la culture juive d’Europe centrale

Une journaliste est venue dans la classe pour expliquer son travail, préparer les rencontres avec les témoins mais aussi plus largement travailler avec les élèves sur les Fake news.

L’autre objectif était de faire participer toute la classe à un travail artistique afin que chacun puisse s’exprimer en fonction de ses compétences, de ses appétences ou de ses envies. Dans cette classe se trouvaient des enfants allophones, un enfant autiste. Tout au long de l’année scolaire les élèves sont venus deux heures par semaine pour participer à un atelier théâtre animé par un comédien professionnel (la pièce écrite par les élèves et le comédien retraçait la vie de Jankiel Fensterszab et notre enquête historique). Ils ont également participé à un atelier animé par un artiste plasticien d’une durée de deux jours. En fin d’année les élèves ont joué la pièce de théâtre et exposé les œuvres réalisées.

Le troisième objectif était de réfléchir avec les élèves à l’antisémitisme et à toutes les formes de racisme encore présents dans notre société. Et pour cela dépasser la simple transmission de connaissances historiques pour amener les élèves à comprendre que l’histoire n’est pas une simple succession d’événements, mais qu’elle résulte de choix antérieurs décidés par des hommes qui les ont soutenus et que les choix actuels déterminent notre avenir collectif. La paix reste fragile et les Droits de l’Homme inscrits dans la Déclaration Universelle de 1948 doivent être portés et défendus par les citoyens de demain si l’on veut vivre dans un monde libre, tolérant et ouvert sur l’altérité.
 

Réalisations/résultats attendus

En participant à ce projet nous voulions mener avec les élèves un véritable travail d’enquête historique en les initiant très modestement aux méthodes de l’historien : chercher des sources, les questionner, émettre des hypothèses, les mettre à distance, mais également aux exigences d’un texte littéraire puisqu’il s’agit de rédiger une biographie. Interviewer Ida, la fille de Jankiel Fensterszab, aller chercher des documents dans les archives (Mairie de Paris - registre de l’état civil, Bad Arolsen, Caen, Pierrefitte, archives de la police du Pré Saint Gervais) mais aussi nous rendre sur les lieux où avait vécu Jankiel. Tels furent les trois principaux axes de notre démarche pour mener cette enquête. Le résultat est à la hauteur nos attentes ! Les élèves ont produit un texte riche de toutes ces exigences, qu’ils ont ensuite traduit avec leur professeur d’anglais. Nous, enseignants, avons également rédigé une biographie de Jankiel afin de laisser aux futurs historiens qui travailleront sur le Convoi 77 des sources, des archives, des documents que notre enquête nous a permis de réunir. (voir la biographie en ligne sur le site Convoi 77)

Les ateliers de théâtre et de pratiques plasticiennes ont permis à chacun de s’investir en fonction de ses appétences, de sa sensibilité, de sa personnalité. Si toute la classe a participé au club théâtre, chacun a choisi sa place : certains élèves sont devenus acteurs, d’autres costumiers, d’autres encore techniciens du son et des lumières, une élève a fait un reportage photographique. Quant à l’atelier de pratiques plasticiennes, la diversité des productions artistiques témoigne de la grande liberté laissée à chacun de s’exprimer en créant une œuvre, fut-elle la plus minimaliste possible. La richesse de toutes ces productions, notamment les créations artistiques montrent que ce projet est bien davantage qu’une simple réflexion sur la Shoah.

Mais ce projet, ce sont aussi et peut-être surtout de belles rencontres qui nous ont permis d’avancer, de progresser dans notre enquête, d’ouvrir de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités. Georges Mayer (initiateur du projet Convoi 77) bien sûr mais aussi Ida Grinspan, Louise Gamichon, journaliste, Jean-Yves Potel historien et tant d’autres... Tous ces liens que nous avons tissés ensemble ont permis de faire de ce projet un véritable projet collectif, où les différences de chacun sont d’abord une richesse, un projet dans lequel chacun a grandi un peu au contact des autres. Ce sont de belles leçons d’humanité qui dépassent le cadre scolaire. Car c’est aussi et grâce à l’implication, à l’engagement de chacun que ce projet a pu se réaliser collectivement du début à la fin. Nous voulions un projet de classe afin de réaliser une performance artistique qui soit la somme de tous les investissements de chacun. Les 29 et 30 mai, les deux soirées consacrées à la restitution de ce projet furent des moments intenses, émouvants, où l’implication de chacun a été nécessaire à la réalisation de l’ensemble. Un seul élève est resté très en retrait de ce projet bien qu’il soit venu toutes les semaines au club théâtre.

Les projets de classe sont une véritable école de la vie où les valeurs de partage et d’entraide ne sont pas seulement de belles paroles prononcées lors d’une leçon d’Enseignement Moral Civique. Ce sont aussi des tensions et des désaccords qu’il faut gérer ensemble si l’on veut créer une œuvre commune dans laquelle chacun a pu s’impliquer.
 

Changements

Si les élèves ont mené les interviews d’Ida, il ne nous a pas été possible de les amener aux archives, mais nous les avons associés à chacune des découvertes. Nos premières recherches aux archives (mairie de Paris, Fonds Bad Arolsen/Mémorial de la Shoah) ont vite montré leurs limites. Les quelques documents qui nous étaient envoyés ou que nous trouvions étaient ceux que nous possédions déjà. Ce sont les rencontres avec Ida - fille de Jankiel Fensterszab - qui ont permis dans un premier temps de donner corps à ce projet. Pour répondre aux nombreuses questions qui surgissaient nous avons demandé à un historien, Jean-Yves Potel, de venir dans la classe.

Aux archives nationales de Pierrefitte notre enquête a rebondi. Un dossier individuel avait été créé par le service du contrôle général des étrangers au nom de Jankiel Fensterszab. Des documents nous ont fait penser que Jankiel et sa femme avaient peut-être initialement prévu de se rendre au Portugal, pour rejoindre l’Amérique du Sud. Ils se seraient arrêtés à Paris car Chaja était enceinte du grand-frère d’Ida, et ne seraient plus repartis. Mais tout ceci n’est qu’hypothèse. Nous avons également appris que Chaja était veuve et divorcée avant de se marier. Mais comment annoncer à Ida la découverte d’archives qu’elle ne connaissait pas ? Didier Lesour, le comédien qui travaillait à l’écriture de la pièce de théâtre pouvait-il les inclure ? Nous avons partagé avec les élèves ces interrogations, et toutes celles qui ont surgi au fur et à mesure des progrès de notre enquête pour tenter d’y répondre ensemble.

Nous avions au départ de la démarche un projet de voyage avec la classe : Pologne, Koprzywnica (lieu de naissance de Jankiel Fensterszab), Berlin, la ville où il s’est marié, Paris (la ville où il a fondé une famille). Nous voulions faire le voyage inverse de Jankiel : Paris, Berlin, Koprzywnica, pour y déposer symboliquement sa biographie. Mais cela n’a pas été possible pour des raisons financières car il était évident que toute la classe devait participer à ce voyage. Nous avons donc restreint notre « voyage mémoriel » à Belleville où s’est déroulé un premier atelier artistique et Berlin où les élèves ont créé des œuvres dans un jardin, en face du lieu. La biographie et les photographies des oeuvres partiront via internet à Koprzywnica où Mr Kepa, professeur d’histoire qui a travaillé sur la vie juive avant la Shoah avec ses élèves les déposera dans un lieu de son choix.
 

Défis auxquels vous faites (avez dû faire) face

Le premier défi a été de faire partir toute la classe au voyage à Berlin. Il était évident et essentiel que l’ensemble des élèves de la classe puisse partir. Cependant deux élèves étaient sans papiers, et il a fallu entreprendre de longues démarches administratives pour obtenir un visa collectif. Les élèves de la classe ont réalisé que, s’il est facile de voyager pour un ressortissant de l’Union européenne, ce n’est pas le cas pour de nombreuses autres personnes. Jankiel Fensterszab sur lequel nous travaillions avait lui aussi connu les mêmes limites au droit de circulation, puisqu’il était entré en France avec un visa du Portugal et avait été menacé d’expulsion. Il avait dû justifier le fait qu’il soit resté en France illégalement.

Le deuxième défi a été de faire accepter aux élèves que nous ne pourrions pas écrire sur la jeunesse de Jankiel en Pologne, que de nombreuses questions resteraient sans réponses.

Grâce à ce projet, les élèves ont réalisé que de nombreuses questions resteraient sans réponse et qu’il faudrait en rendre compte dans la biographie de Jankiel : ce vide, ces blancs que nous ne comblerons pas, car il n’y a plus de traces. Les élèves ont pris conscience que c’est cela aussi la Shoah : la disparition de personnes, de familles mais également de tous les objets, photos, documents qui pourraient nous permettre de reconstituer ce que fut leur vie.

Pour ce travail les élèves ont reçu la médaille de la ville de Palaiseau.
 

Calendrier (estimé) du projet :

Année scolaire 2016-2017

  • Septembre 2016 : présentation du projet et début des recherches dans les archives. Cours sur la seconde Guerre mondiale et le génocide des Juifs et des Tsiganes.
  • Octobre : Début de l’atelier théâtre. Deux rencontres avec Ida Grinspan. Préparation des rencontres avec Louise Gamichon, journaliste.
  • Novembre : 3ème rencontre avec Ida Grinspan. Poursuite atelier théâtre
  • Décembre : 4ème rencontre avec Ida Grinspan à Belleville (visite du quartier de son enfance). Rencontre avec Jean-Yves Potel, historien. Finalisation de l’écriture de la pièce de théâtre.
  • Janvier/février/mars : travail atelier théâtre
  • Avril : voyage à Berlin. Atelier artistique
  • Mai : 29 et 30 représentation théâtrale et exposition des œuvres réalisées à Berlin.

Année scolaire suivante : (2017-2018)

  • Février : exposition des œuvres des élèves à la médiathèque de la ville
  • Décembre : remise de la médaille de la ville
     

 Matériels produits par le Conseil de l'Europe matériels sur l'Education à la citoyenneté et aux droits de l'homme utilisés lors de la préparation ou la mise en oeuvre de votre projet :

Je ne connaissais pas ce matériel européen que j’ai découvert depuis. Ce sont les formations du Mémorial de la Shoah à Paris qui m’ont conduit vers ce type de projet.