Protection de l'environnement et droits de l'homme

Conférence de haut niveau organisée par la Présidence géorgienne
du Comité des Ministres

Strasbourg, le 27 février 2020


 

Un environnement sain est une condition préalable à la conservation de la vie sur notre planète et, par conséquent, à la jouissance même, par chaque être humain, de ses droits et libertés inhérents en vertu de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le changement climatique, l'extinction des espèces, la perte de biodiversité, la pollution et la dégradation globale des écosystèmes de la terre ont un impact mondial profond sur la jouissance des droits de l'homme et nécessitent la plus large coopération possible entre tous les États membres du Conseil de l'Europe.

La protection de l'environnement et la protection des droits de l'homme sont interdépendantes : l'une ne peut être réalisée sans l'autre, ni aux dépens de l'autre. La vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits de l’homme et un environnement sain pour les générations à venir.

Un avenir durable exige une action immédiate dans le présent.

En tant que garant de notre espace juridique paneuropéen commun, le Conseil de l'Europe a un rôle clé à jouer pour intégrer la dimension environnementale dans les droits de l'homme et poursuivre une approche de la protection de l'environnement fondée sur le droit. Ses instruments juridiques uniques fournissent une base solide pour une action sur le continent et au-delà.

La Conférence souligne, entre autres, les mesures suivantes qui doivent être davantage examinées et mises en œuvre.

 

La Convention européenne des droits de l'homme et la Charte sociale européenne

La Convention européenne des droits de l'homme a déjà servi à protéger les individus et la société dans son ensemble dans de nombreuses affaires concernant les dommages environnementaux. La Charte sociale européenne revêt également une grande importance pour les questions environnementales par sa protection des droits sociaux.

L'interprétation de ces instruments fondamentaux des droits de l'homme, qui fait écho à la Déclaration universelle des droits de l'homme, a déjà établi un lien solide entre les droits de l'homme et la protection de l'environnement, soulignant l'obligation des États parties de prendre des mesures positives pour protéger l'environnement. La Cour européenne des droits de l'homme et le Comité européen des droits sociaux sont encouragés à étayer davantage leur jurisprudence et à accorder la priorité aux requêtes concernant des questions de protection de l'environnement.

Lorsque de telles questions sont portées à l'attention du Comité des Ministres au titre de la Convention et de la Charte, les mesures de mise en œuvre à prendre par les États membres devraient être considérées comme une question prioritaire. L'évolution de la jurisprudence au niveau européen devrait ainsi inciter les gouvernements et les juridictions nationales à protéger l'environnement par le biais de la protection des droits de l'homme, y compris le droit à la vie, à la santé et au logement, ainsi que le droit à la vie privée et le droit de recevoir et diffuser des informations.

 

Modernisation des normes juridiques paneuropéennes

Au-delà de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (Berne, 1979) et de la Convention européenne du paysage (Florence, 2000), le Conseil de l'Europe a élaboré de d’autres normes juridiques qui doivent être mises en œuvre et améliorées à la lumière des urgences environnementales et des défis climatiques actuels.

La Convention de 1998 sur la protection de l'environnement par le droit pénal devrait être révisée et mise à jour afin de présenter des obligations juridiques plus claires et des sanctions plus sévères pour les infractions environnementales. Le nouveau texte devrait également prévoir une coopération internationale plus efficace, en particulier en cas de criminalité organisée.

La Convention de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement devrait également être révisée afin d’assurer une protection plus efficace.

Un projet de Recommandation du Comité des Ministres sur les droits de l'homme et l'environnement sera élaboré par le Comité directeur pour les droits de l'homme en 2020-2021, afin d'ancrer des approches communes entre les États membres et d'explorer des voies viables pour de nouveaux développements juridiques, aux niveaux national et européen.

Les États qui ne l'ont pas encore fait devraient envisager de signer et de ratifier, entre autres, la Convention d'Aarhus des Nations Unies de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ainsi que la Convention de Tromsø de 2010 du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics, instruments qui garantissent un contrôle public du processus décisionnel sur les questions environnementales.

 

Agir pour aider les États membres à respecter leurs obligations

Le Conseil de l'Europe, en tant qu'Organisation visant à assurer une plus grande unité entre ses États membres, pourrait envisager de lancer une Stratégie du Conseil de l'Europe sur l'environnement et les droits de l'homme, dans le but d'aider les États membres à s'acquitter de leurs obligations sur le terrain, y compris en ce qui concerne la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques. Cette stratégie devrait fixer des objectifs clairs et applicables et concevoir des outils pour l'échange de bonnes pratiques, des défis et des enseignements tirés.

Dans le cadre de cette Stratégie, les actions suivantes devraient être envisagées :

 

Sensibilisation et formation professionnelle

Le Conseil de l'Europe devrait utiliser pleinement ses ressources pour sensibiliser et concevoir une action efficace parmi les décideurs et le grand public sur l'interaction critique entre la protection de l'environnement et les droits de l'homme. Cela devrait être poursuivi dans tous les domaines pertinents de ses activités intergouvernementales, de surveillance et de coopération.

L’actuelle préparation d'un cours de formation en ligne dans le cadre du programme HELP du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et l'environnement constitue une première étape qui est la bienvenue, mais une action concertée supplémentaire sur différents fronts s'impose. D'autres initiatives visant à promouvoir une action efficace dans ce domaine sont encouragées au niveau institutionnel dans l'ensemble du Conseil de l'Europe, y compris au sein de l'Assemblée parlementaire, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et de la Conférence des OING du Conseil de l'Europe.

Des synergies devraient être développées avec d'autres organisations internationales, en particulier les Nations Unies, l'Union européenne et l'OCDE. Les partenariats avec les ONG et le secteur privé devraient également être explorés.

 

Programmes de coopération ciblés

Le Conseil de l'Europe pourrait concevoir des programmes de coopération ciblés pour soutenir une approche fondée sur le droit dans la définition et la mise en œuvre des politiques de durabilité. D’ores et déjà, les questions environnementales pourraient être utilement abordées dans les activités actuelles de coopération technique et d'assistance, qui couvrent notamment les droits de l'homme, les enfants et les jeunes, les questions de genre, la migration, les déplacements internes et l'éducation et les médias, ainsi que dans le cadre de toute action faisant suite à la Recommandation CM/Rec(2016)3 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les droits de l'homme et les entreprises.

La Banque de développement du Conseil de l'Europe peut souhaiter étudier les moyens d'apporter un soutien financier et technique aux projets qui traitent des questions environnementales, en tenant compte de leur dimension droits de l'homme.

 

Développement de politiques et d'actions nationales

La responsabilité première de la protection de l'environnement et des droits de l'homme incombe aux États membres.

En développant leurs législations, politiques, stratégies et actions, les États membres pourraient s'appuyer sur les instruments juridiques et les activités susmentionnés du Conseil de l'Europe et les mettre en œuvre.

La réalisation d'un avenir durable est impossible sans des relations de travail collaboratives et inclusives de divers acteurs, notamment des entreprises, de la société civile, des défenseurs des droits de l'homme et des organismes indépendants de protection des droits de l'homme. Les États devraient explorer tous les partenariats possibles en vue d'intégrer la dimension environnementale dans les activités nationales de promotion et de protection des droits de l'homme. En particulier, les plans d'action nationaux au titre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme pourraient mettre en place des structures, des mécanismes et des processus appropriés pour garantir une conduite responsable des entreprises en matière de droits de l'homme et d'environnement.

 

Coordination politique entre les États membres

Une coordination efficace devrait être développée afin que les États membres du Conseil de l'Europe aient un impact collectif plus important dans les enceintes internationales où les questions environnementales sont abordées, en s'appuyant sur l'approche et la valeur ajoutée du Conseil de l'Europe.

Dans un premier temps, l'Organisation pourrait envisager une approche commune pour contribuer au Programme de développement durable des Nations Unies à l'horizon 2030, en commençant par la bonne santé et le bien-être (objectif 3). Une plus grande action collective au niveau européen créerait un précédent mondial et réduirait le risque prévisible d'atteinte irréparable aux droits de l'homme des générations futures.

 

Rendre les activités du Conseil de l'Europe plus respectueuses de l'environnement

En coopération avec d'autres institutions internationales, le Conseil de l'Europe devrait donner l'exemple en révisant ses propres méthodes de travail, afin de mesurer et de minimiser l'impact environnemental négatif de ses activités.