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Table Ronde « La sécurité des journalistes – Des engagements à l'action »

Strasbourg, 19 Mai 2014

Monsieur le Modérateur,

Mesdames et Messieurs,

Il m’incombe le privilège de formuler quelques observations finales au terme de cette table ronde. Tâche complexe car les débats ont été riches, les débats ont été intenses sur des questions essentielles concernant les moyens effectifs pour mettre en place un environnement libre et sûr pour les activités journalistiques.

Je rappelle également que cette journée ne constitue qu’une étape, une étape certes cruciale, qui s’inscrit parmi d’autres activités du Conseil de l’Europe dans ce domaine. C’est un travail de longue haleine. Nous poursuivrons nos efforts avec vous et avec tous nos partenaires. C’est un début et non un aboutissement. C’est un processus. Nous n’avons pas de réponses définitives, péremptoires, à toutes les questions pertinentes posées.

Quelles seront ces prochaines étapes ?

  • Première étape : le Secrétaire Général soumettra au Comité des Ministres des propositions concrètes et détaillées sur la mise en place d’une plateforme en ligne. Ces propositions s’inspireront largement des débats de la Table Ronde d’aujourd’hui.
  • Deuxième étape : le Comité des Ministres devrait adopter une décision opérationnelle au courant de l’été, qui devrait permettre la mise en place de la plateforme.
  • Enfin, troisième étape : en décembre 2014, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe organisera une conférence sur la liberté des médias qui sera axée tout particulièrement sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes. Cet événement aura pour objectif de promouvoir l’échange de bonnes pratiques entre les Etats membres et de rechercher des moyens, avec d’autres partenaires internationaux, afin de créer une capacité de réaction rapide en cas d’alerte de mise en danger de la sécurité des journalistes.

Nous espérons vivement que le lancement de la plateforme en ligne pourra être effectué lors de cette conférence.

Il est important de souligner que notre ambition à long terme est d’instaurer un véritable mécanisme de suivi, comme le Secrétaire Général l’avait annoncé lors de la Conférence des Ministres responsables des médias qui s’est tenue à Belgrade, en novembre dernier. J’avais moi-même repris cette proposition dans mes conclusions au terme de la Conférence. Il s’agirait d’un mécanisme proactif, dynamique, à but préventif, qui complèterait le mécanisme fondamental - mais ex-post, une fois la violation de l’article 10 intervenue - de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

La mise en place de la future plateforme en ligne s’inscrit parfaitement, comme première étape clé, dans cette ambition à plus long terme.

Quelles devraient être les caractéristiques et les fonctions de la plateforme en ligne ?

  • Voyons tout d’abord le contenu de la plateforme : devraient être collectées des informations et des alertes reçues de la part des ONG, après une vérification permettant d’en assurer l’objectivité. Se posent ici les questions de la confidentialité et de la protection de la vie privée, questions que nous devrons évidemment envisager. Ces informations et alertes pourront concerner aussi bien des situations de menace ou d’actes de violence contre l’intégrité physique des journalistes que d’autres types de violence ou d’intimidation visant à la répression de la fonction journalistique. J’ajoute que l’adoption d’une législation dont l’application serait potentiellement contraire à l’article 10 de la Convention pourrait également faire partie des informations collectées sur la plateforme.
  • Quelles seront ensuite les fonctions principales de la plateforme une fois que les informations et alertes reçues auront été vérifiées ?
    En premier lieu, ces alertes et informations feront l’objet d’une analyse rapide à la lumière des exigences découlant de la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui a force obligatoire pour les Etats membres, ainsi qu’à la lumière d’autres standards tels ceux contenus dans les Recommandations du Comité des Ministres. Aussi, ces données permettront-elles non seulement de déclencher des actions de la part des divers organes du Conseil de l’Europe (le Secrétaire Général, le Commissaire aux Droits de l’Homme, l’Assemblée Parlementaire, les Rapporteurs, le Comité des Ministres) dans un souci de cohérence institutionnelle, mais ces données faciliteront également une étroite collaboration et une coordination renforcée avec les autres acteurs concernés : organisations internationales, et ONG, entre autres.
    En second lieu, en situant les alertes, par une analyse rapide, dans la perspective des obligations des Etats et des normes européennes que je rappelais il y a quelques instants, la plateforme servira de référence pour tous les acteurs concernés qui se sont donné pour tâche de faire pression sur l’opinion publique, de défendre des droits et collecter des preuves, de contrôler au niveau public les réactions des Etats et d’agir dans tout autre domaine qui relèvent de leur champ d’action.
  • Autre question : quelle structure au sein du Conseil de l’Europe prendra en charge la mise en place et le fonctionnement de la plateforme ?
    Nous envisageons une structure rattachée au Secrétaire Général. Il s’agirait d’une équipe spéciale de coordination dédiée à cette tâche. La désignation d’un rapporteur ou d’un coordinateur devra elle-aussi être examinée.
  • Enfin, quels seront les moyens nécessaires pour la mise en place et le fonctionnement de la plateforme en ligne ?
    Les propositions opérationnelles que le Secrétaire Général soumettra prochainement au Comité des Ministres contiendront tous les éléments concernant les ressources financières et humaines. Des ressources extrabudgétaires ne sont pas à exclure.

Je tiens à souligner que les travaux de mise en place de la plateforme en ligne seront menés en parallèle avec d’autres activités du Conseil de l’Europe pertinentes dans le domaine de la liberté des médias et de la sécurité des journalistes :

  • Dans le domaine du travail normatif: le Comité des Ministres a mis en place un comité d’experts, dont l’acronyme est MSI-JO. Certains des experts de ce Comité sont présents aujourd’hui. Le Comité s’est réuni pour la première fois en mars dernier. Il a pour mandat de préparer une Recommandation du Comité des Ministres sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, accompagnée de lignes directrices.
    Ces lignes directrices seront essentiellement basées sur la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elles serviront à établir un cadre législatif, des pratiques et des processus efficaces d’application de la loi au plan national. Elles mettront bien évidemment en évidence les obligations positives des Etats découlant de la CEDH.
    La portée de ces Lignes directrices devrait être large, de manière à couvrir les menaces et attaques très diverses qui visent les médias. Quel en sera le contenu ?
  • On devrait y retrouver les trois « p » de nos instruments récents : la protection des journalistes, la prévention des crimes et les poursuites contre les crimes visant l’intégrité et la sécurité physiques des journalistes, auxquelles s’ajoutera la lutte contre l’impunité ;
  • la sécurité opérationnelle, le contrôle des surveillances illégales, la protection des sources journalistiques devraient eux aussi être traités dans les Lignes directrices ;
  • il en va de même des moyens de parer à l’intimidation ou à la répression des journalistes et l’on sait que ces moyens sont nombreux et divers, notamment par le biais de l’usage abusif des législations sur la diffamation, la lutte contre le terrorisme ou la sécurité nationale, ou encore par le biais du discours de haine.

Enfin, la Recommandation du Comité des Ministres devrait comporter une compilation de bonnes pratiques ainsi qu’une compilation d’instruments internationaux pertinents dans ce domaine. La jurisprudence d’organes internationaux devrait également y figurer.

Le projet de Recommandation devrait être transmis au CM pour adoption au cours de l’année 2015.

  • Après ce travail normatif, la coopération judiciaire. J’attire votre attention sur le fait que la Cour européenne des Droits de l’Homme va accueillir, le 3 novembre 2014, une conférence sur la mise en place d’un dialogue inter-régional visant à faire évoluer et renforcer les standards et les mécanismes internationaux de protection des journalistes et à lutter contre l’impunité. La Cour interaméricaine des droits de l’homme, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples y participeront. Certains des coorganisateurs de cet événement sont également dans cette salle.
  • Dans le domaine de la coopération interinstitutionnelle pour l’élaboration des politiques communes : nous explorons, avec l’UNESCO et d’autres partenaires internationaux, si la situation de la sécurité des journalistes, y compris la question de l’impunité, pourrait servir d’indicateur, ou de baromètre, pour mesurer la « fragilité » ou la « santé » de la démocratie dans un Etat. Nous envisageons une recherche à cet égard.
  • Dernier domaine, la coopération ciblée avec nos Etats membres : avec le soutien de donneurs externes, tels l’Union européenne, nous nous efforçons d’inclure la question de la sécurité des journalistes de plus en plus régulièrement dans nos activités de coopération sur le terrain. Un premier exemple de programme sur-mesure a été réalisé en Ukraine, en avril dernier. Le Conseil de l’Europe intensifiera les actions de sensibilisation aux normes et mécanismes de protection internationaux existants et renforcera la formation des agents des forces de l’ordre responsables des enquêtes et des poursuites relatives aux infractions commises à l’encontre de journalistes.

Mesdames et Messieurs,

Le défi est ardu et les problèmes à résoudre sont complexes. Personne ne le contestera. Aussi devons-nous mettre en œuvre tous les moyens pour le relever, tous ensemble.

Je vous remercie toutes et tous chaleureusement pour votre participation à cette initiative. Votre expertise, vos idées, vos critiques guideront nos travaux futurs. Nous vous en sommes reconnaissants.

Je vous souhaite une excellente fin de journée.


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