Retour Le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe (CPT) publie le rapport sur sa visite périodique en Hongrie de 2023

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) publie aujourd'hui le rapport relatif à sa visite périodique en Hongrie, effectuée du 16 au 26 mai 2023, ainsi que la réponse des autorités hongroises.
Le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe (CPT) publie le rapport sur sa visite périodique en Hongrie de 2023

Au cours de la visite, la délégation du CPT s'est concentrée sur le traitement des personnes détenues en garde à vue, dans plusieurs prisons, à l'Institut d'observation judiciaire et de psychiatrie (IMEI) et des patients de deux établissements psychiatriques civils.

La visite a également été l'occasion de discuter avec les autorités hongroises de plusieurs questions liées à la migration. A cet égard, il est regrettable qu'il n'y ait toujours pas de procédure légale offrant une protection efficace contre les renvois forcés informels de ressortissants étrangers (pushbacks) et les refoulements à la frontière, y compris les refoulements en chaîne.

En ce qui concerne la police, la majorité des personnes interrogées par la délégation ne se sont pas plaintes de la manière dont elles ont été traitées par la police. Néanmoins, un certain nombre d'allégations crédibles de mauvais traitements physiques sur des personnes détenues ont été formulées. Le CPT a également recueilli plusieurs allégations de menottes trop serrées, de harcèlement sexuel à l’égard de femmes détenues par des policiers de sexe masculin, d'insultes, y compris à caractère raciste, envers des personnes détenues par des agents de police, et de remarques humiliantes à l'égard de personnes transgenres et de personnes soumises à une fouille à nu.

En général, les conditions matérielles dans les locaux de détention de la police étaient adéquates pour de courtes périodes de garde à vue (jusqu'à 72 heures). Toutefois, conformément à la législation applicable, les personnes placées en garde à vue peuvent toujours être détenues dans ces locaux pour des périodes plus longues, jusqu'à 60 jours. Bien qu'il semble que cela se produise rarement dans la pratique, les conditions de détention dans les locaux de garde à vue restent inadaptées à des séjours prolongés.

En ce qui concerne la situation dans les prisons, le CPT n'a reçu aucune allégation de mauvais traitements physiques de la part du personnel de la prison de Székesfehérvár et a reçu quelques allégations isolées de mauvais traitements physiques de la part du personnel de la prison de Nyíregyháza. En revanche, à la prison de Tiszalök, de nombreuses allégations crédibles de mauvais traitements physiques par le personnel ont été reçues, y compris des gifles, des coups de poing, des coups de pied et des coups de matraque à la tête et au corps. Dans certains cas, ces traitements ont été infligés alors que la personne détenue avait les mains et les chevilles menottées. Les mauvais traitements allégués avaient eu lieu dans des zones non couvertes par des caméras de vidéosurveillance, notamment dans la remise de l’unité disciplinaire/sécurité, le cabinet médical, les douches communes et les cellules.

Bien que la direction de la prison de Tiszalök ait rapidement signalé au bureau du Procureur les allégations de mauvais traitements portées à sa connaissance, les enquêtes qui ont suivi n'ont pas semblé être rapides et efficaces. En outre, l'enregistrement des blessures par le service de santé de la prison, qui est essentiel pour lutter contre les mauvais traitements, était déficient.

La violence entre personnes détenues semblait être particulièrement problématique à la prison de Tiszalök. Non seulement les conclusions de la visite suggèrent que le personnel n'intervenait pas toujours rapidement, mais la délégation a également reçu des allégations crédibles selon lesquelles certaines personnes détenues étaient autorisées à maltraiter leurs compagnons de cellule, voire recevaient des instructions de la part du personnel.

La surpopulation et les ressources limitées ont continué à affecter négativement le régime pénitentiaire, la plupart des prisonniers, en particulier les prévenus et les détenus de haute sécurité, n'ayant pas ou peu d'accès au travail, à l'éducation ou à d'autres activités en dehors de la cellule.

Les personnes détenues à l'IMEI rencontrées n'ont fait aucune allégation de mauvais traitements physiques récents de la part du personnel.

Les conditions matérielles dans l'établissement étaient adéquates à bien des égards. Cependant, la plupart des locaux restaient austères et impersonnels. Les dortoirs continuaient d'accueillir jusqu'à 16 personnes. En outre, le CPT considère que l'IMEI n'est pas adapté à la détention de patients mineurs et que des mesures urgentes devraient être prises par les autorités hongroises pour mettre fin à la politique de placement des patients de cette catégorie d'âge dans l'établissement.

Le traitement des patients était assuré par des équipes multidisciplinaires et, outre la pharmacothérapie, un éventail de séances et d'activités thérapeutiques individuelles et collectives était proposé. Cependant, un certain nombre de patients ne participaient à aucune activité organisée. De plus, il n'y avait pas de personnel pour proposer des activités psychosociales adaptées aux besoins spécifiques des patients atteints de déficience intellectuelle.

En ce qui concerne le recours à la contention, des patients étaient attachés à leur lit à la vue des autres patients, sans supervision continue du personnel. De plus, les patients sous contention étaient dotés de couches pour adultes afin de satisfaire leurs besoins naturels. Le CPT considère que le fait de mettre des couches à des patients ou de leur faire utiliser un bassin à la vue des autres patients peut constituer un traitement dégradant.

Les garanties juridiques entourant la mesure de traitement psychiatrique obligatoire imposée par le tribunal et son réexamen ont été généralement respectées dans la pratique. Toutefois, il est particulièrement préoccupant que les patients placés à l'IMEI en vertu de cette mesure et qui ne nécessitent plus de traitement psychiatrique ne puissent pas être libérés car ils sont incapables de subvenir à leurs besoins et il n'y a pas de place pour eux dans les établissements de protection sociale.

Dans les deux établissements psychiatriques civils visités, à savoir les services psychiatriques de l'hôpital Flór Ferenc à Kistarcsa et de l'hôpital Gróf Tisza István à Berettyóújfalu, la délégation n'a reçu aucune allégation de mauvais traitements physiques infligés aux patients par le personnel.

Les conditions matérielles dans les deux établissements étaient adéquates dans l’ensemble. Cependant, les locaux étaient généralement austères, impersonnels et peu accueillants, sans couleur ni décoration. En outre, les chambres de l'hôpital Gróf Tisza István de Berettyóújfalu pouvaient accueillir jusqu'à neuf patients, ce qui compromettait leur intimité et empêchait la création d'un environnement thérapeutique et bienveillant. Dans les deux établissements, les patients hébergés dans des services fermés n'avaient en pratique pratiquement aucun accès aux espaces extérieurs, ce qui est inacceptable. Le CPT souligne que l'objectif devrait être que tous les patients bénéficient d'un accès illimité à l'exercice en plein air pendant la journée, à moins que des activités programmées n'exigent leur présence dans le service.

Les patients hébergés dans le service ouvert de l'hôpital Flór Ferenc bénéficiaient, en plus de la pharmacothérapie, d'un large éventail d'activités thérapeutiques et de réadaptation psychosociale. Cependant, malgré les efforts du personnel, la majorité des patients des services ouverts de l'hôpital Gróf Tisza István ne participaient à aucune activité organisée. La situation était encore plus problématique dans les services fermés des deux établissements, où le traitement était largement limité à la pharmacothérapie et où les patients passaient leurs journées dans l'oisiveté, leur seule activité étant de regarder la télévision et de se promener dans les couloirs. Le CPT considère que le traitement des patients psychiatriques devrait comporter, outre une médication et des soins médicaux appropriés, un large éventail d'activités thérapeutiques, de réadaptation et de loisirs. Il devrait également être basé sur une approche individualisée, ce qui implique l'élaboration d'un plan de traitement pour chaque patient.

Le nombre de personnel infirmier était faible dans les deux établissements, ce qui avait un impact négatif sur plusieurs aspects de leur fonctionnement, notamment l'incapacité du personnel à intervenir dans tous les épisodes de violence entre patients, le manque d'accès à l'exercice en plein air, l'implication des patients dans la fourniture de soins à d'autres patients et l'utilisation fréquente de moyens de contention.

En ce qui concerne les garanties, le placement involontaire des patients à l'hôpital Flór Ferenc était, en principe, conforme aux dispositions légales pertinentes. Cependant, à l'hôpital Gróf Tisza István, des patients officiellement volontaires étaient systématiquement placés dans des services fermés, qu'ils ne pouvaient quitter de leur plein gré si le personnel considérait que leur état nécessitait une hospitalisation. Le CPT considère que ces patients étaient de facto privés de leur liberté, sans bénéficier des garanties légales qui accompagnent le placement d'office dans un établissement psychiatrique et son réexamen régulier.

Les autorités hongroises devraient prendre des mesures pour garantir que, si la fourniture de soins en hospitalisation à un patient volontaire qui souhaite quitter l’établissement psychiatrique est jugée nécessaire, la procédure appropriée de placement involontaire prévue par la législation pertinente soit pleinement appliquée.

Dans leur réponse, les autorités hongroises fournissent des clarifications et exposent certaines mesures prises en réponse aux recommandations formulées par le CPT.

Le rapport du CPT et la réponse des autorités sont rendus publics à la demande des autorités hongroises.

03/12/2024
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