L'objectif principal de la visite était d'examiner les mesures prises par les autorités estoniennes en réponse aux recommandations formulées par le Comité à la suite des visites précédentes. A cet égard, une attention particulière a été accordée au traitement et aux conditions de détention des personnes placées en garde à vue et dans les établissements pénitentiaires, notamment celles placées à l’isolement. La délégation a également examiné la situation des patients hospitalisés en psychiatrie, des ressortissants étrangers retenus en vertu de la législation relative aux étrangers et des militaires placés en détention pour des raisons disciplinaires.
Le rapport signale de manière favorable qu'aucune allégation crédible et récente de mauvais traitements infligés par des agents de la police et des gardes-frontières, hormis quelques cas de violence verbale, n'a été recueillie auprès de personnes se trouvant ou ayant été placées en garde à vue. S’agissant des garanties fondamentales contre les mauvais traitements (notification de la garde à vue, accès à un avocat et à un médecin), les constatations faites par le CPT indiquent que dans l’ensemble la situation s'est améliorée en comparaison de sa précédente visite périodique effectuée en Estonie en 2017. Toutefois, les personnes placées en garde à vue ne bénéficiaient toujours pas, ni officiellement ni dans la pratique, d’un droit d’accès à un médecin dès le début de la privation de liberté (ce qui diffère de l’obligation des policiers et des gardes-frontières de veiller à ce que les personnes détenues bénéficient d'une prise en charge médicale en cas de besoin). La réponse des autorités estoniennes indique que des efforts sont entrepris pour améliorer l’accès aux soins de santé des personnes placées en garde à vue.
Pour ce qui est des ressortissants étrangers retenus en vertu de la législation relative aux étrangers, le centre de rétention de Tallinn offrait de très bonnes conditions matérielles. Néanmoins, certaines améliorations étaient nécessaires en matière d’installations destinées à l’exercice en plein air au niveau de l'unité d'admission et des activités structurées qui devraient être proposées aux ressortissants étrangers retenus dans l'établissement pendant des périodes prolongées. Dans leur réponse, les autorités estoniennes déclarent avoir mis en œuvre ces recommandations.
Concernant la situation dans les prisons, le rapport accorde une attention particulière à la situation des détenus soumis à des conditions équivalentes à l'isolement cellulaire. Malgré des recommandations maintes fois renouvelées, la durée maximale possible de l'isolement disciplinaire fixée par la loi était restée inchangée au moment de la visite. Quant à la mise à l’écart pour des raisons sécuritaires (article 69 de la loi sur l'emprisonnement), le Comité a souligné que cette mesure ne devait pas être utilisée pour remplacer l'isolement disciplinaire et que la mise à l’écart devait faire l'objet d'un réexamen régulier. Par ailleurs, l’ensemble des détenus placés à l'isolement – y compris ceux de l'unité psychiatrique de la prison de Tartu – devraient bénéficier d'un programme individualisé d’activités leur permettant de rejoindre le régime normal dès que possible, et de pouvoir avoir des contacts humains significatifs pendant au moins deux heures par jour, de préférence davantage. Les autorités estoniennes ont indiqué dans leur réponse qu'une récente réforme législative avait remédié à ces lacunes (notamment en réduisant la durée maximale de l'isolement disciplinaire) et que d'autres mesures étaient à l'étude, notamment une réévaluation de l'adéquation de la mise à l’écart pour des raisons de sécurité.
La délégation n'a recueilli pratiquement aucune allégation de mauvais traitements physiques de la part du personnel, bien que quelques allégations aient été entendues concernant un usage excessif de la force et de violences verbales de la part des gardiens de prison. La violence entre détenus, bien qu'elle ne constitue pas un problème majeur, existe, en particulier dans les prisons de Tartu et de Viru. Cela dit, le personnel semblait être généralement proactif en matière de prévention et, lorsque des incidents se produisaient, de traitement approprié de ces cas.
Le Comité se félicite des efforts considérables déployés par les autorités estoniennes pour renouveler complètement le parc pénitentiaire. Tous les établissements pénitentiaires offrent désormais des conditions de détention adéquates dans des cellules modernes, contribuant ainsi à la suppression des hiérarchies informelles entre détenus. Toutefois, des améliorations sont nécessaires pour certaines installations destinées à l’exercice en plein air. Il est en outre inacceptable que les prévenus soient encore enfermés dans leurs cellules 23 heures par jour pendant de longues périodes. Le CPT appelle les autorités estoniennes à intensifier leurs efforts pour élargir l'éventail et augmenter la disponibilité des activités en dehors des cellules pour tous les détenus, y compris les prévenus. Dans leur réponse, les autorités estoniennes développent les mesures prises à cet égard, y compris pour les prévenus.
S’agissant de la situation dans les quatre établissements psychiatriques visités, les patients étaient généralement traités correctement. Toutefois, le rapport fait état de quelques allégations recueillies par la délégation concernant des punitions informelles (telles que l'interdiction de faire de l'exercice en plein air, la confiscation de cigarettes ou l'obligation de prendre une douche froide) infligées à des patients par le personnel du service médico-légal de Viljandi. Les conditions de vie étaient variables mais globalement acceptables dans tous les établissements visités, bien que des efforts supplémentaires semblaient nécessaires pour offrir aux patients un environnement matériel plus propice à la thérapie (plus décoratif et personnalisé) et un accès à un espace fermant à clé pour ranger leurs objets personnels. Le rapport souligne également un certain nombre d'aspects problématiques liés aux patients soumis à une contention mécanique (fixation), notamment l'absence de surveillance directe et permanente par du personnel infirmier, les périodes de contention prolongées et le recours à la contention sur des patients mineurs. Les autorités estoniennes ont déclaré que des discussions étaient en cours avec des experts nationaux et internationaux pour résoudre ces problèmes.
Concernant la détention militaire, le Comité se félicite de la réponse rapide donnée par les autorités aux observations de sa délégation selon lesquelles la cellule de détention du quartier général du bataillon Kuperjanov à Võru ne devrait jamais être utilisée pour des périodes de détention excédant quelques heures, et que les militaires détenus au centre de détention de Tallinn (et, le cas échéant, dans tous les autres centres de détention sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur) devraient avoir un réel accès à de l’exercice en plein air quotidien. Dans leur réponse, les autorités estoniennes acceptent ces deux recommandations.
Le rapport du CPT et la réponse des autorités sont rendus publics à la demande du Gouvernement de l'Estonie.
- Lire le rapport (en anglais)
- Lire le résumé du rapport (en anglais)
- Lire la réponse (en anglais)
- Le CPT et l’Estonie