Retour Azerbaïdjan: torture, impunité et corruption au cœur des nouvelles publications du comité anti-torture

Le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l'Europe publie aujourd’hui les rapports relatifs à six de ses visites en Azerbaïdjan (celles de 2004, 2012, 2013, 2015, 2016 et 2017), ainsi que les réponses du gouvernement azerbaïdjanais. En d’autres termes, tous les rapports du CPT sur ses visites en Azerbaïdjan sont désormais publics.
Azerbaïdjan: torture, impunité et corruption au cœur des nouvelles publications du comité anti-torture

Les impressions générales du CPT quant à la situation en Azerbaïdjan peuvent se résumer ainsi : le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements physiques par la police et d’autres services appartenant aux forces de l’ordre, la corruption au sein de l’ensemble du système d’application des lois et l’impunité restent systémiques et endémiques. Les rapports du Comité contiennent des recommandations détaillées destinées à remédier à ces problèmes.

Réagissant à la publication des rapports et des réponses, M. Mykola Gnatovskyy, Président du CPT, a déclaré :

« Il est grand temps pour les autorités azerbaïdjanaises d’agir de manière décisive afin d’éradiquer la torture dans le pays et mettre en œuvre dans toute la mesure possible les recommandations du Comité».

Le Comité se félicite néanmoins de la décision des autorités azerbaïdjanaises de publier ces rapports, ce qui pourrait être le signe d’un nouvel engagement à la transparence en s’attaquant à de nombreux problèmes graves mis en exergue par le CPT.

« La décision de l’Azerbaïdjan de publier l’ensemble des rapports jusque-là restés confidentiels représente une avancée majeure et constitue un indice manifeste que les autorités sont prêtes à renforcer le dialogue avec le Comité », a estimé M. Gnatovskyy. « J’espère sincèrement que ces publications laissent présager une nouvelle ère en ce qui concerne la coopération entre le CPT et l’Azerbaïdjan ».

Le Comité a observé à maintes reprises, et plus récemment lors de sa visite ad hoc en octobre 2017, que la torture et d’autres formes de mauvais traitements physiques sévères à l’encontre de personnes détenues par la police, par d’autres services rattachés aux forces de l’ordre et par l’armée restent répandues. En outre, il y a un sérieux problème d’impunité (absence d’enquêtes effectives) et des lacunes en matière d’effectivité des garanties juridiques offertes aux personnes détenues (accès à un avocat, notification de la détention à un tiers, accès à un médecin, information sur les droits). De plus, les constatations faites pendant la visite ad hoc de 2017 laissent penser qu’il existe une culture de la violence généralisée au sein du personnel de divers services rattachés aux forces de l’ordre.

Par ailleurs, malgré les réformes législatives et les efforts en vue de rénover les anciennes prisons et d’en construire de nouvelles, il existe un problème constant de surpopulation carcérale, de conditions matérielles médiocres, de manque d’activités (surtout en ce qui concerne les prévenus et les détenus condamnés à perpétuité), de soins médicaux inappropriés et de personnel pénitentiaire en sous-effectif et mal payé, ce qui rend la lutte contre la corruption et la prévention de la violence entre détenus encore plus compliquées.

Les rapports publiés soulignent également l’existence de problèmes importants dans les hôpitaux psychiatriques et les foyers sociaux, y compris en ce qui concerne les conditions de séjour déplorables dans de nombreux hôpitaux, la violence entre les patients (tout particulièrement à l’hôpital psychiatrique de Ganja) et un manque de garanties juridiques effectives pour les patients involontaires. En dépit des recommandations répétées du CPT, la situation reste insatisfaisante au foyer social neuropsychiatrique n°3 à Qırıqlı, dans le district de Göygöl, où les résidentes étaient exposées à des mauvais traitements par le personnel et à des agressions physiques par d’autres résidentes, les effectifs étaient nettement insuffisants, quasiment aucune activité thérapeutique n’était proposée et la procédure juridique de placement initial ainsi que sa révision périodique n’étaient pas appliquées dans les faits.

Le CPT espère vivement que la publication de ces six rapports de visites (et leurs réponses) marque l’intention des autorités azerbaïdjanaises de répondre aux graves problèmes évoqués dans ses rapports de manière effective. Comme déjà réitéré à maintes reprises par le passé, un premier pas en ce sens serait de réaliser le souhait du CPT de voir les plus hautes autorités politiques du pays faire une déclaration publique, ferme et sans équivoque sur la « tolérance zéro » envers la torture et toute autre forme de mauvais traitements des personnes privées de liberté en Azerbaïdjan.

Dans ce contexte, « le CPT se réjouit à l’idée de pouvoir continuer à coopérer avec les autorités en vue d’aider l’Azerbaïdjan à respecter pleinement ses obligations en vertu de l’Article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme », a conclu le Président du Comité.

Les constatations et les recommandations détaillées du CPT peuvent être trouvées dans les six rapports publiés aujourd’hui.

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Lien vers la vidéo de l'entretien avec M. Mykola Gnatovskyy, Président du CPT (en anglais)

18/07/2018
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