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Les noms donnés aux catégories de langues sont toujours problématiques. L’emploi même du mot langue pour désigner une variété linguistique ne va pas de soi, puisqu’on en identifie certaines par des termes comme patois ou dialecte, signifiant par-là qu’elles n’ont pas la même légitimité que les « vraies » langues.

Une définition externe

S’agissant des personnes migrantes, on utilise souvent la dénomination langue d’origine définie dans le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe comme « langue, souvent première, de personnes ou de groupes amenés à s’installer dans d’autres états. Ces locuteurs doivent s’adapter linguistiquement à ce nouvel environnement et apprendre, au moins partiellement, la langue (une des langues) du pays d’accueil ».

Cette dénomination est pourtant extérieure : pour les locuteurs concernés, c’est leur langue maternelle. Elle ne peut être nommée « d’origine » par eux-mêmes, que s’ils ne l’emploient plus ou peu : c’est alors la variété linguistique des parents et des grands-parents ou de ceux qui sont restés au pays. C’est la langue « de là-bas » que l’on souhaite

  • soit occulter, car elle est une marque tangible de la différence et que des parlers étrangers ne sont pas aisément acceptés dans la société d’accueil ;
  • soit utiliser entre personnes de mêmes origines, pour des raisons fonctionnelles, mais aussi pour manifester son appartenance. Dans ces contextes la langue d’origine peut recevoir le rôle de langue identitaire.

On ne saurait la caractériser isolément, mais bien en fonction de sa place dans le répertoire individuel.

Cette dénomination est, en fait réservée, à certaines langues premières qui ne sont pas utilisées ou qui ne sont pas autochtones dans la société d’accueil. On ne dirait sans doute pas spontanément que l’anglais est la langue d’origine d’un fonctionnaire anglophone en poste à Bruxelles. Ainsi, ont tendance à être catégorisées comme « d’origine » les langues considérées comme très extérieures, de peu de prestige international ou utilisées par des migrants en provenance de régions pauvres et eux-mêmes déshérités.

Langue d’hier, langue de demain

Pour les migrants, ce n’est pas la langue de l’ailleurs, mais celle « de l’avant », d’avant le départ. Elle est source de « nostalgie linguistique » pour les enfants, par exemple, et pour les adultes eux-mêmes, qui peuvent tendre à l’oublier par manque de pratique, et qui ressurgit, savoureuse et vivace, au détour d’un mot ou d’une expression.

La langue d’origine est donc le plus souvent la langue première des personnes migrantes, celle qui dans leur répertoire est utilisée dans le cercle familial, des proches ou des co-nationaux. Du fait de l’intolérance linguistique diffuse qui peut s’attacher à certaines langues mal aimées, on peut tendre à ne pas la transmettre. Les formations linguistiques dans la langue de la société d’accueil ont à tenir compte de ces langues, en leur faisant une place même symbolique, et en invitant les apprenants à la transmettre, car ces connaissances sont des atouts pour le devenir de leurs enfants. Et cet apport des migrants est une richesse pour la société qui les reçoit, qu’il est anti-économique de laisser se perdre.

JCB

Ressources complémentaires

  • Adapter l’offre et les exigences en langues aux besoins et capacités des migrants adultes, 2008, Hans-Jürgen Krumm, Verena Plutzar
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  • Éducation: sur mesure ou taille unique ? Un projet commandité par l’Union de la langue néerlandaise (Nederlandse Taalunie), 2008, ITTA/Elwine Halewijn, CTO/Annelies Houben, Heidi De Niel
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