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Conférence paneuropéenne organisée en coopération avec École Nationale de la Magistrature (Bordeaux)

Conclusions, sommaire établi par le Secrétariat

La Conférence a pleinement soutenu le projet de Recommandation sur le rôle du Ministère Public dans le système de justice pénale. 
Néanmoins, elle a retenu deux propositions d'amendement, comme suit :

  • l'article 5 para. d du projet de Recommandation doit préciser que la rémunération, l'âge de la retraite et le droit à pension soient identiques pour les juges et pour les procureurs ;
  • aux articles 5 (a) et 24 concernant respectivement le recrutement, la promotion et la mutation des membres du Ministère Public d'une part, l'abstention de toute discrimination dans l'exercice de leurs fonctions, d'autre part, l'on doit ajouter, au nombre des discriminations prohibées, celles fondées sur la santé et les handicaps .

La Conférence a exprimé le sentiment que le champ strictement pénal, auquel s'est volontairement limité le projet, était trop limité et de ce fait elle a estimé qu'il faudrait dans un deuxième temps prendre en compte le rôle que pourraient jouer les Parquets dans les domaines civil, commercial et social. De plus, pour rendre plus efficace la réponse à la criminalité il faudrait examiner la possibilité pour le Ministère Public d'agir, selon des modalités à définir, dans les domaines administratif, fiscal, douanier, financier, etc.

Le vœu a été également formulé que le Conseil de l'Europe entreprenne en outre de nouveaux travaux sur le rôle du Ministère Public en dehors du domaine pénal traditionnel, par exemple, en matière de prévention de la délinquance, ou de ce qu'il est convenu d'appeler la " politique de la ville ".

De même, la "politique pénale " - les mots sont employés notamment à l'art. 3, premier tiret, et à l'article 21 (a) du projet de Recommandation - constitue toujours et encore une notion insuffisamment précise - surtout lorsqu'elle s'applique au niveau local - qui mériterait d'être approfondie.

Il ne serait pas non plus inintéressant d'examiner la situation des Parquets des Cours de Cassation auxquels la Cour de Strasbourg s'intéresse tout particulièrement : il faudrait pour cela un groupe d'experts spécialisés.

Enfin, plusieurs intervenants ont indiqué qu'ils disposaient dans leur pays d'un code d'éthique. Le principe est intéressant et l'étude des contenus de ces codes le serait plus encore et pourrait donner lieu à des recommandations du Conseil de l'Europe.

S'agissant des points consacrés à la formation allusion a été faite au réseau de Lisbonne que plusieurs intervenants souhaitent qu'il soit davantage appuyé par le Conseil de l'Europe.

D'une façon générale, la Conférence a estimé qu'il y aurait un intérêt majeur à promouvoir un rapprochement plus approfondi entre les Ministères publics de nos différents pays et favoriser une meilleure coopération entre eux. A cette fin, des réunions régulières de la nature de celles de cette conférence devraient être organisées. L'objet le plus immédiat du renouvellement de ces rencontres devrait être d'examiner le suivi de la Recommandation, après son adoption, ce qui n'empêcherait pas, comme il est proposé dans le projet, qu'entre ces rencontres un organisme soit mandaté spécifiquement à cette fin et s'assure des tâches énumérées au commentaire faisant suite à l'exposé des motifs du projet de Recommandation.

La Conférence a rappelé que le Ministère public est une institution souvent hybride, parfois qualifiée d'interface entre l'Exécutif et le Judiciaire et qui a été en tout cas un instrument d'oppression lorsque nos pays ont connu des régimes totalitaires - et peu de pays d'Europe (de l'Ouest comme de l'Est) y ont échappé au cours du XXè siècle. Aujourd'hui, ces régimes ayant heureusement disparu, les équilibres restent fragiles et il convient de mettre en exergue un des rôles essentiels du Ministère public, pourtant trop mal connu, parce que peut être insuffisamment exercé, qui consiste à devoir garantir les droits et libertés individuelles sous le contrôle du juge.

Enfin, la Conférence a également rappelé que ce qui unissait les procureurs y participant, au-delà d'idéaux communs liés à la nature de leurs fonctions, c'était l'adhésion de leurs Etats à la Convention européenne des Droits de l'Homme, que tous ont le devoir d'appliquer, telle qu'elle est interprétée par leurs juridictions et par la Cour de Strasbourg.

S'agissant plus particulièrement de la coopération internationale:

La Conférence s'est entièrement ralliée aux recommandations en matière de coopération internationale prévues dans le projet en discussion, en particulier s'agissant de la nécessité :

  • pour les membres du ministère public de mieux se connaître, tant au niveau personnel, qu'au niveau professionnel ;
  • de sensibiliser les membres du ministère public à l'importance de la coopération pénale internationale ;
  • enfin, de préciser davantage la place spécifique du ministère public dans le cadre de cette coopération.

La Conférence a rappelé que l'ensemble des recommandations en matière de coopération internationale prévues dans le projet constitue tout un programme dont il convient d'assurer la mise en œuvre d'une façon cohérente et rapide.

Elle a relevé en outre que le rôle du procureur en matière de coopération internationale n'est qu'un prolongement de son rôle au niveau national.

En effet, le rôle du procureur dans les procédures pénales ne change pas du fait de l'internationalisation de celles-ci. Toute procédure au titre de la coopération internationale ne constitue qu'une partie d'une procédure pénale à l'encontre d'une personne.

La prééminence du droit ne peut être assurée au niveau transnational que par des autorités qui jouissent de leur autonomie ou de leur indépendance et qui sont, en même temps, habilitées à prendre des initiatives. Ces deux prérogatives sont reconnues au ministère public. C'est pourquoi le rôle principal et dynamique dans la coopération internationale en matière pénale revient au procureur.

Il revient notamment au procureur de veiller à ce que les droits fondamentaux des personnes concernées soient respectés. Il lui incombe en outre :

  • de veiller à ce qu'une culture de l'impunité ne s'installe pas,
  • d'assurer la cohérence pratique de la politique criminelle " européenne ",
  • de veiller à ce que la coopération policière internationale soit bien maîtrisée.

Dans l'intérêt d'une application harmonisée des conventions en matière pénale et afin d'éviter à nombreux pays de faire le même travail en parallèle, le Conseil de l'Europe devrait établir une loi-type dont les différents pays pourraient, s'ils le souhaitent, s'inspirer en tout ou en partie, lorsqu'ils élaborent ou changent leur propre législation.

Afin de répondre aux difficultés suscitées par la multiplication des Conventions, le Conseil de l'Europe devrait élaborer, soit un "Code général de la coopération en matière pénale", soit une "Convention sur l'application des Conventions en matière pénale", c'est?à?dire une Convention-cadre.

Par ailleurs, le besoin se fait sentir, d'une part, d'une coordination de toutes les activités menées en Europe en matière de production de droit conventionnel et, d'autre part, d'une harmonisation des pratiques.
A ce sujet, les rapports entre le Conseil de l'Europe et l'Union Européenne ont été évoqués, certains parlant de la nécessité d'une plus grande coopération entre les deux institutions, les autres insistant sur l'utilité d'établir des ponts entre elles.

L'initiative récente de l'Union Européenne, consistant à créer EUROJUST, soulève encore une fois la question de savoir s'il est possible d'atteindre les objectifs que partagent tous les Etats membres du Conseil de l'Europe en matière de réponse à la criminalité sans se doter d'institutions de dimension paneuropéenne. Le Conseil de l'Europe devrait donc étudier la question de savoir si Eurojust devrait être élargi de telle sorte que tous les Etats membres du Conseil de l'Europe puissent, selon des modalités à convenir, y être représentés ou si une structure différente devrait être créée, couvrant tous les Etats membres du Conseil de l'Europe.

En toute hypothèse, il est indispensable de créer les mécanismes permettant aux procureurs des différents Etats membres de se mettre en rapport entre eux, directement ou par l'intermédiaire de structures de liaison, afin de se décharger des missions qui sont les siennes. En particulier, le large fossé qui existe actuellement entre les possibilités offertes, d'une part, par une multitude de conventions et, d'autre part, leur application pratique, ne peut être comblé que par l'action de procureurs spécialisés qui coopèrent directement par-delà les frontières physiques et bureaucratiques.

Enfin, la Conférence a considéré que le besoin de réunir périodiquement les procureurs de haut rang, aussi bien au niveau de la Grande Europe qu'au niveau des différentes régions de celle-ci, est particulièrement pressant lorsqu'il s'agit de matières relatives à la coopération pénale internationale.

Strasbourg (France) 22-24 mai 2000
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