Jana ZEZULOVA (République tchèque) - Présidente du CCPE depuis janvier 2023

Conformément à la doctrine nemo iudex sine actore ("il n'y a pas de juge sans requérant") garantissant une administration équitable et impartiale de la justice, il est impossible d'imaginer une administration indépendante de la justice sans un ministère public indépendant, qui porte les affaires pénales devant les tribunaux.

C'est un grand honneur et un privilège d'être réélu Présidente du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) lors de la réunion plénière d'octobre 2023. Je suis très reconnaissant du soutien et de la confiance que les membres du CCPE m'ont accordés. Je suis très heureux de pouvoir poursuivre l'excellent travail de mes collègues, les anciens Présidents du CCPE.

Le ministère public est un élément essentiel pour garantir la loi, l'ordre et la justice. D'une part, il doit créer des obstacles aux actes antisociaux graves et, d'autre part, il doit s'avancer sans crainte pour protéger les personnes vulnérables.

Selon la "Charte de Rome" (Avis du CCPE n° 9 (2014)), les procureurs agissent au nom de la société et dans l'intérêt public pour respecter et protéger les droits humains et les libertés tels qu'énoncés, en particulier, dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le ministère public remplit donc sa fonction de représentant de l'intérêt public en promouvant la protection des droits humains et des libertés fondamentales et l'État de droit, dans lequel la protection effective des valeurs fondamentales de la société n'est pas seulement proclamée mais mise en œuvre.

Les notes explicatives de la "Charte de Rome" soulignent à juste titre que l'indépendance des procureurs est un attribut suprême de l'État de droit et qu'elle doit être garantie au plus haut niveau possible et de manière similaire à l'indépendance du juge.

Le CCPE vise à rapprocher le plus possible les Etats membres du Conseil de l'Europe de cet objectif.

Au début de mon deuxième mandat en tant que Présidente, je voudrais mentionner le dernier Avis n° 18 sur les conseils de procureurs en tant qu'organes clés de l'autonomie de gestion des procureurs. Il a été adopté en octobre 2023 lors de la réunion plénière du CCPE.

Dans cet Avis, tout en reconnaissant les différences substantielles entre les États membres concernant le système de poursuites, le CCPE souligne que ce qui les rassemble est la nécessité de garantir l'indépendance et l'autonomie des ministères publics afin d'assurer l'impartialité et l'efficacité de leur fonctionnement et de leur prise de décision. L'Avis n° 18 souligne donc le rôle des Conseils des procureurs et des autres organes chargés de l'autonomie de gestion des procureurs dans la sauvegarde de l'indépendance institutionnelle des ministères publics et de l'indépendance fonctionnelle des procureurs individuels. L'Avis s'efforce en particulier de proposer des bonnes pratiques pour améliorer l'autonomie de gestion des procureurs en tenant compte des différentes cultures et traditions juridiques et dans le cadre général du renforcement de l'indépendance, de l'efficacité et de la qualité de la justice. 

Je suis particulièrement fier que la réunion plénière du CCPE ait adopté l'Avis sur ce sujet. Il s'agit en fait du premier Avis de ce type. Jusqu'à présent, les normes pour les Conseils de procureurs étaient fragmentées. L'Avis n° 18 rassemble toutes les normes disponibles et fournit une sorte de feuille de route pour aller de l'avant, tout en n'imposant aucun changement institutionnel et en reconnaissant la variété des systèmes, des institutions et des pratiques en Europe, chacun ayant sa place et sa valeur.

La réunion plénière a également adopté deux autres documents importants, à savoir l'aperçu des conseils de procureurs et d'autres organes chargés de l'autonomie de gestion des procureurs dans les États membres sous la forme d'une étude thématique et l'étude thématique sur la digitalisation dans le travail des ministères publics et la coopération internationale.

Quel est notre agenda pour 2024 ?

Le CCPE a décidé que son futur avis en 2024 devrait se concentrer sur l'administration des ministères publics des Etats membres.

Un autre défi pour l'avenir immédiat est la proposition du CCPE sur le besoin de mettre à jour la Recommandation Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, en particulier à la lumière des développements intervenus depuis 2000 dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. Plusieurs aspects du travail des ministères publics figurant dans la Recommandation pourraient être réexaminés et mis à jour, comme le justifient ces développements. La proposition de révision de ce document fondamental pour le ministère public a également été l'une des principales conclusions de la Conférence européenne des procureurs qui s'est tenue à Palerme en mai 2022.

La coopération étroite entre le CCPE et les autres organes et institutions du Conseil de l'Europe sera également renforcée. En particulier, le CCPE a souligné au cours de l'année écoulée sa volonté de poursuivre et de renforcer sa coopération avec la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) et de contribuer aux activités en cours de la CEPEJ et au développement de ses outils, le cas échéant.

Chers collègues,

Je me réjouis de travailler avec vous tout au long de l'année 2024.

Jana Zezulová