Alajos Kiss c. Hongrie  | 2010

Fin de l’interdiction automatique de voter pour les personnes sous curatelle

La Cour européenne [des droits de l'homme] a conclu à l’unanimité que cette interdiction absolue emportait violation du droit à des élections libres …

Antoine Buyse, article pour le blog sur la CEDH, qui fait partie du réseau juridique du Guardian

Contexte

Au début, Alajos Kiss ne s’est pas rendu compte que la situation dans laquelle il se trouvait à cause de ses troubles psychiatriques lui avait fait perdre le droit de vote.

En 2005, une juridiction hongroise avait placé Alajos sous curatelle.

Quoique capable de prendre soin de lui-même, il rencontrait des difficultés à cause de ses troubles bipolaires. Il gaspillait souvent de l’argent et pouvait parfois devenir agressif. Sa mise sous curatelle signifiait que certaines décisions seraient prises à sa place. Alajos y avait consenti car il estimait que c’était pour son bien.

Cependant, à l’approche des élections qui devaient se tenir en Hongrie en 2006, il a découvert que son nom ne figurait pas sur la liste électorale.

Alajos s’en est d’abord plaint au bureau électoral, mais en vain.

Il a alors saisi la justice, mais un tribunal hongrois a rejeté son action. Le tribunal a fait valoir que, selon la Constitution hongroise, les personnes soumises à une mesure de protection juridique n’ont pas le droit de vote.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme

La Cour européenne a estimé que la Hongrie avait porté atteinte au droit de vote d’Alajos.

La Hongrie n’a pas démenti les indications d’Alajos selon lesquelles 0,75 % de la population en âge de voter avait automatiquement perdu son droit de vote après avoir été soumise à une mesure de protection juridique.

Le Gouvernement hongrois a expliqué que ces personnes ne devaient pas être autorisées à voter car elles n’étaient pas à même de conduire leurs propres affaires à cause d’une altération de leur santé mentale ou d’autres difficultés.

Si la Cour européenne a reconnu que cette mesure visait un « but légitime », elle ne pouvait en revanche pas considérer comme justifié de retirer automatiquement le droit de vote à toute personne placée sous curatelle, sans tenir compte de sa situation particulière.

La Cour a souligné qu’un État doit avoir des raisons « très puissantes » pour restreindre les droits des personnes en situation de handicap mental, « un groupe particulièrement vulnérable de la société, qui a souffert d'une discrimination considérable par le passé ».

Nous constatons avec satisfaction que, à la suite de cette décision, la Hongrie a modifié sa Constitution pour permettre à davantage de personnes en situation de handicap de voter, et que plusieurs pays européens ont suivi son exemple.

Maître Janos Fiala-Butora, avocat d’Alajos Kiss dans cette affaire

Suites

À la suite de l’arrêt rendu par la Cour européenne dans l’affaire d’Alajos, la Hongrie a mis fin à la privation automatique du droit de vote qui s’appliquait aux personnes soumises à une mesure de protection juridique. Ce changement faisait partie d’une série de modifications de la Constitution hongroise entrées en vigueur en 2012.

La nouvelle Loi fondamentale (Constitution) précise que les juridictions hongroises doivent déterminer, pour chaque personne soumise à une mesure de protection juridique, si sa situation particulière justifie de restreindre son droit de vote.

La Hongrie a apporté ultérieurement d’autres changements à la législation pour clarifier ce point.

Il convient de noter que 23 % des personnes placées sous curatelle au cours de la période 2013-2014 ont conservé leur droit de vote. Cela n’aurait pas été possible sans ces changements.

En 2015, une juridiction hongroise a de nouveau placé Alajos sous curatelle, mais cette fois, il n’a pas été privé de son droit de vote.

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