Invités
De nombreuses personnalités, de toutes nationalités et de toutes confessions, ont été accueillies au Conseil de l'Europe.
Ces hommes et ces femmes qui ont été ou sont porteurs de projets politiques, sociaux ou culturels, illustrent la dynamique et les valeurs qui, depuis les années 50, président aux travaux du Conseil de l'Europe.
Voix d'Europe
Carlo Sforza [1873 - 1952]
Ministre des Affaires étrangères de l'Italie
18 novembre 1950
Le sort de l'Europe est en grande partie entre vos mains
Son discours :
Messieurs, le sort de l'Europe est en grande partie entre vos mains. Vous pouvez devenir, si vous le voulez, les continuateurs de ce côté de l'Atlantique de ceux qui en Amérique, on appelle encore les pères – the fathers -. Les 'fathers' sacrifièrent les vélléités et les intérêts d'indépendance des treize colonies, et le 17 septembre 1787, écrivirent la Constitution commune en commençant, pour la première fois, avec les fameuses paroles "We, the people of the United States" – "Nous, le peuple des Etats-Unis".
Quelle aventure merveilleuse ! Mais nécessaire, si nous voulons rester des hommes libres, sceller le jour où pour le monde entier, à Strasbourg, on proclamerait "Nous, le peuple européen". C'est presque surhumain que d'y penser, je le sais. Et pourtant, c'est de cet événement que dépendra si l'Europe restera l'Europe, au lieu de devenir la petite aveugle péninsule de l'Asie qu'elle fut avant le miracle d'Athènes et de Rome.
La tâche est grandiose, je le sais. Mais c'est la grandeur de la tâche qui, si vous vous y décidez, fera la noblesse de votre action.
Heinrich von Brentano [1904 - 1964]
Ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne
14 janvier 1953
La première institution européenne qui se soit engagée sur la voie de la création d'une autorité politique européenne
Son discours :
Monsieur le Président, dans l'évolution des travaux dont j'ai l'honneur de vous présenter ici les conclusions, le Conseil de l'Europe a joué un rôle important : il était la première institution européenne qui se soit engagée sur la voie de la création d'une autorité politique européenne. Déjà lors de sa première session, tenue en août et en septembre 1949, l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe avait déclaré à l'unanimité que le but du Conseil de l'Europe était la création d'une autorité politique européenne, ayant des fonctions limitées, mais des pouvoirs réels.
C'est pour cela que, dès le début, l'Assemblée consultative s'est efforcée d'amender le Statut du Conseil de l'Europe. Les discussions relatives aux amendements statutaires n'étaient pas des querelles de formalistes, mais témoignaient d'un sérieux effort pour trouver les modalités d'une union véritable. Une longue recherche des possibilités politiques dans ce domaine a été nécessaire.
Bülent Ecevit [1925 - 2006]
Premier ministre de la Turquie
10 mai 1979
C'est notre appartenance au Conseil qui nous a bien souvent empêchés de nous égarer
Son discours :
...La meilleure sauvegarde de la démocratie est incontestablement en Turquie – comme dans tout autre pays démocratique – l'attachement du peuple à la liberté, mais c'est notre appartenance au Conseil qui nous a bien souvent empêchés de nous égarer. C'est surtout au cours des trente dernières années que la Turquie a connu une période de développement économique rapide, mais en même temps quelque peu désordonnée et déséquilibrée. A une date plus récente, les contraintes imposées par la crise économique et mondiale des années 70 ont causé un choc à l'économie et à la société.
Puis il y a eu naturellement cette imposante migration des chômeurs et des chômeurs partiels, notamment en provenance des zones rurales et des régions les plus déshéritées de la Turquie, vers les pays industrialisés de l'Occident. Les gens se trouvaient du jour au lendemain transplantés de leur lointain village d'Anatolie, localité coupée de reste du monde, dans les centres hautement industrialisés et sophistiqués du monde occidental. Tout en ne tardant guère à s'adapter à des cultures, à des milieux et à des modes de vie totalement nouveaux et différents, ils restaient étroitement en rapport avec leurs villes et leurs villages de Turquie...
Sa majesté Juan Carlos [1938 - ]
Roi d'Espagne
8 octobre 1979
Il n'y a pas de difficulté que nous ne puissions surmonter si nous avons la détermination et l'imagination recquises
Son discours :
...Monsieur le Président, l'unité de l'Europe, des Européens, est une réalité qui existait avant les projets d'union européenne. Nous, Européens, en avons eu conscience tout au long de notre histoire mouvementée. C'est cette interprétation de la société européenne qui fait que Francisco Vitoria étudie à Paris et que Juan Luis Vives professe à Louvain et à Oxford, tandis que le Greco peint à Tolède et que Domenico Scarlatti compose à Madrid, pour ne citer que quelques exemples qui se réfèrent à mon pays.
Sur le fait européen repose un projet européen, une entreprise européenne. C'est à cela que répondent les organisations européennes et à cela que s'applique leur doyenne, le Conseil de l'Europe, parfaitement conscient du fait que, comme disait Robert Schuman, ''l'Europe, avant d'être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle.''
Il reste beaucoup à faire pour construire l'Europe. Nous devons encore parcourir un long chemin, semé d'obstacles et entrecoupé de carrefours. Ce qui est important, c'est d'avoir décidé de l'emprunter et de le suivre tous ensemble, car il n'y a pas de difficulté que nous ne puissions surmonter si nous avons la détermination et l'imagination requises.
Et avec l'homme comme point de départ et comme finalité. Comme disait le Basque, l'Espagnol, l'Européen et l'Universel Miguel de Unamuno, ''Le but de l'histoire et de l'humanité ce sont les hommes, chaque homme, chaque individu... Nous, les Espagnols, comprenons parfaitement que l'individu est la fin de l'Univers''...
Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II [1920 - 2005]
8 octobre 1988
Si l'Europe désire jouer aujourd'hui un rôle, elle doit, dans l'unité, fonder clairement son action sur ce qu'il y a de plus humain et de plus généreux dans son héritage
Son discours :
...Pendant des siècles, l'Europe a joué un rôle considérable dans les autres parties du monde. On doit admettre qu'elle n'a pas toujours mis le meilleur d'elle-même dans sa rencontre avec les autres civilisations, mais personne ne peut contester qu'elle a fait partager heureusement beaucoup de valeurs qu'elle avait longuement mûries. Ses fils ont eu une part essentielle dans la diffusion du message chrétien. Si l'Europe désire jouer aujourd'hui un rôle, elle doit, dans l'unité, fonder clairement son action sur ce qu'il y a de plus humain et de plus généreux dans son héritage. (...)
On verra déjà un signe important du sérieux de cette volonté d'entente et de paix dans la qualité de l'accueil réservé chez soi à quiconque frappe à la porte en arrivant d'ailleurs, qu'il soit d'emblée partenaire ou qu'il soit contraint de chercher un refuge. De leur côté, les chrétiens, qui s'efforcent eux-mêmes de rebâtir leur unité, désirent aussi manifester leur respect aux croyants des autres religions présents dans leurs régions, et ils souhaitent entretenir avec eux un dialogue fraternel, en toute clarté.
La paix est au prix de cette estime de l'identité culturelle et spirituelle des peuples. Puissent les Européens fonder sur cette conviction leur contribution désintéressée au bien de toutes les nations...
François Mitterrand [1916 - 1996]
Président de la République française
5 mai 1989
La liberté, toutes les libertés, les droits de l'homme, tous les droits de l'homme
Son discours :
...Mesdames et Messieurs, l'identité de l'Europe, ce qui donne à notre civilisation sa portée dans le monde, repose sur les valeurs à partir desquelles le Conseil de l'Europe a développé son action. Je dirai simplement, comme vous, et après vous, la liberté, toutes les libertés, les droits de l'homme, tous les droits de l'homme. Comment, en cette année où nous célébrons le bicentenaire de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comment ne pas saluer le progrès décisif qu'a représenté, avec la Convention européenne des Droits de l'Homme, le droit sans précédent pour chaque citoyen d'Europe de traduire son propre Etat devant une Cour de justice internationale, la Cour européenne des Droits de l'Homme. Ce dispositif ne cesse d'être perfectionné, qu'il s'agisse des procédures, ou de la convention, par exemple, pour la prévention de la torture, qui a été signée en 1987.
Certes, nous le savons, il existe encore sur notre continent des violations graves à ce que nous considérons comme des droits imprescriptibles. Nos pays de liberté doivent être solidaires pour porter une condamnation sans appel devant ces manquements et exiger qu'ils cessent !
Il revient au Conseil de l'Europe, dans ce domaine essentiel, d'exercer une vigilance constante et de servir de référence morale.
Mikhaïl Gorbatchev [1931 - 2022]
Président du Soviet Suprême de l'Union Soviétique
6 juillet 1989
La maison commune européenne
Son discours :
Depuis des siècles l'Europe apporte sa contribution irremplaçable à la politique, à l'économie, à la culture mondiales, au développement de la civilisation toute entière. Son rôle dans l'histoire mondiale est universellement reconnu et apprécié. Pourtant n'oublions pas que les métastases de l'esclavage colonial se sont propagées dans le monde à partir de l'Europe. C'est ici qu'est né le fascisme. C'est ici que les guerres les plus destructives ont commencé.
Alors, l'Europe qui a toutes les raisons d'être fière des ses réalisations est encore très loin de s'acquitter de sa dette face à l'humanité. Ceci reste toujours à faire.
Elle devra le faire en cherchant à transformer les relations internationales dans l'esprit d'humanisme, d'égalité, de justice, en donnant l'exemple de la démocratie et des réussites sociales dans ses propres pays. Le processus d'Helsinki a déjà entamé cette grande œuvre de portée globale.
Après Vienne et Stockholm, ce processus a été porté jusqu'à une étape fondamentalement nouvelle. Les documents qui ont été adoptés constituent aujourd'hui l'incarnation optimale de la culture politique et des traditions morales des peuples européens. Dorénavant, tous ceux qui participent au processus européen sont appelés à mettre à contribution le plus complètement possible les prémisses créées grâce à notre œuvre commune. Notre idée de la maison européenne commune est, elle aussi, mise au service de cette cause.
Cette idée est née de la prise de conscience des nouvelles réalités. De la compréhension du fait que l'évolution rectiligne des relations intereuropéennes qui s'est poursuivie jusqu'au dernier quart du vingtième siècle ne correspond plus à ces réalités. Elle est liée à la refonte économique et politique dans notre pays, pour laquelle il était indispensable que de nouveaux rapports soient établis en premier lieu dans la partie du monde dont fait partie l'Union soviétique et à laquelle nous sommes liés plus que quiconque depuis des siècles.
Nous avons également pris en considération que le fardeau colossal des armements, le climat de confrontation ont non seulement entravé le développement normal de l'Europe, mais ont en même temps empêché - en termes économiques, politiques et psychologiques - notre pays de s'associer à part entière au processus européen et engendré des impulsions déformatrices dans son développement.
Tels sont les motifs qui nous ont poussé à donner un nouvel essor à notre politique européenne qui, d'ailleurs, a depuis toujours pour nous une valeur intrinsèque. Au cours des rencontres qui ont eu lieu ces derniers temps avec des leaders européens il a été question, notamment, de l'architecture de la "maison commune" ainsi que des techniques de sa construction et même de son « ameublement ».
Les entretiens à ce sujet, à Moscou et à Paris, avec le président François Mitterrand, ont été fructueux et d'une grande envergure.
Néanmoins, même aujourd'hui je ne prétends pas avoir dans ma poche un projet tout prêt de cette maison. J'évoquerai un seul élément, le plus important, à mon avis. En fait il s'agit d'une restructuration de l'ordre international établi en Europe qui pourrait faire avancer résolument au premier plan les valeurs européennes, substituer l'équilibre des intérêts à l'équilibre traditionnel.
Si la sécurité constitue les fondements de la maison européenne commune, son ossature, c'est la coopération multiforme. Le dialogue intense entre les États, au niveau bilatéral et multilatéral est le signe de l'avènement d'une nouvelle situation en Europe et, d'ailleurs, dans le monde entier. L'éventail des accords, des traités, des autres arrangements est devenu plus vaste. Les consultations officielles sur différents problèmes sont devenues aujourd'hui chose courante.
Pour la première fois des contacts ont été établis entre l'OTAN et le Pacte de Varsovie, la Communauté européenne et le Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM), sans parler de nombreuses organisations politiques et sociales des deux parties de l'Europe.
Nous avons noté avec satisfaction la décision de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe concernant l'octroi à l'Union soviétique du statut d'invité spécial. Nous sommes disposés à coopérer. Mais nous croyons, néanmoins, qu'il est possible d'aller encore plus loin.
Nous serions prêts à adhérer à certaines conventions internationales du Conseil de l'Europe, ouvertes à d'autres États dans le domaine de l'écologie, de la culture, de l'enseignement, de la télédiffusion. Nous exprimons notre volonté de coopérer avec des institutions spécialisées du Conseil de l'Europe.
C'est à Strasbourg que se trouvent l'Assemblée parlementaire, le Conseil de l'Europe et le Parlement européen. Si nos relations s'intensifient, si elles prennent un caractère régulier, nous serions prêts - certes, avec le consentement du gouvernement français - à ouvrir ici notre consulat général.
Il va sans dire que les relations interparlementaires sont d'une grande portée pour la dynamisation du processus européen. Un pas important a déjà été fait : à la fin de l'année dernière une première rencontre des chefs des parlements des trente-cinq États a eu lieu à Varsovie.
Nous avons apprécié à sa juste valeur la visite en URSS de la délégation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dirigée par M. Björck, son président.
J'espère, qu'elle a pu tâter le pouls, fort et bien prononcé de la perestroïka soviétique.
Nous croyons que les premiers contacts établis avec le Parlement européen sont très importants. D'ailleurs, nous avons pris note de ses résolutions relatives aux problèmes militaro-politiques qui représentent selon sa propre estimation « le noyau du consensus des pays de l'Europe Occidentale dans le domaine de la sécurité ».
En ce qui concerne le contenu économique de la maison européenne commune nous considérons comme réelle, quoique éloignée, la perspective de la création d'un large espace économique s'étendant de l'Atlantique à l'Oural et caractérisé par une forte interdépendance de ces parties orientale et occidentale.
La transition qui s'opère en Union soviétique vers une économie plus ouverte a, dans ce sens, une importance fondamentale, d'ailleurs, pas uniquement pour nous-mêmes, pour accroître l'efficacité de l'économie nationale et pour satisfaire aux demandes des consommateurs.
Cela renforcera l'interdépendance des économies de l'Est et de l'Ouest et, par conséquent, aura une influence favorable sur l'ensemble des relations européennes.
Lech Walesa [1943 - ]
Président de la République de Pologne
4 février 1992
La démocratie n'est pas un but en soi. C'est un moyen menant à une vie meilleure, plus sûre, plus prospère…
Son discours :
...La Pologne s'est toujours trouvée en Europe, par sa culture et par sa civilisation. A présent, après la révolution pacifique, elle s'y est jointe politiquement. Son expérience a entraîné les autres pays de la partie centrale et orientale de notre continent. En parlant de façon imagée, on pourrait dire que la Tchécoslovaquie, la Hongrie, l'Union Soviétique et les autres pays ont traduit le scénario de la voie polonaise vers la liberté. Ils l'ont adopté. Ils le réalisent dans la mesure de leurs forces, de leurs possibilités et de leurs aspirations. Dans les Etats de l'Europe orientale, la liberté et la démocratie deviennent le quotidien, deviennent une norme. (...)
J'estime que l'Europe occidentale doit - dans son propre intérêt aussi - soutenir les pays de notre région. Vous devez comprendre que votre ouverture à l'Europe de l'Est contribuera à l'accroissement du potentiel économique de notre continent, que la prospérité de nos pays renforcera la démocratie nouvellement acquise. Pourquoi tant parler de ces questions justement ici, sur le forum du Conseil de l'Europe ? C'est parce que je me trouve au coeur de l'Europe démocratique, parce que c'est justement ici que je peux compter sur votre compréhension d'une vérité évidente ; la démocratie sans prospérité aura une vie douteuse, difficile, très difficile. Dans le cas contraire, les citoyens des pays orientaux ne comprendront pas pourquoi ils ont lutté pour elle. La démocratie n'est pas un but en soi. C'est un moyen menant à une vie meilleure, plus sûre, plus prospère…
Yitzhak Rabin [1922 - 1995]
Premier Ministre de l'Etat d'Israël
28 janvier 1994
La route vers la paix traverse l'Europe, car, sans l'Europe, la paix demeurerait incomplète
Son discours:
Je viens de Jérusalem, la capitale éternelle du peuple juif, la ville où les prophètes ont proclamé leurs visions de paix, pour vous dire que le Gouvernement d'Israël a conscience que des millions de personnes dans le monde entier ont les yeux tournés vers elle en prière, en grand espoir, dans l'attente d'une nouvelle voie, d'un nouvel élan. Je viens de Jérusalem pour vous dire que le Gouvernement d'Israël souhaite ardemment la paix et est prêt à la faire.
Je veux encore vous dire que nous savons que nous rencontrerons des obstacles, qu' il y aura des crises, que nous connaîtrons déceptions, larmes et douleur. Mais, à la fin du chemin, nous parviendrons à la paix. Soutenus par vos encouragements, par votre sollicitude et par votre aide, nous y arriverons. Dans la dernière décennie de ce XX" siècle, des remparts de haine se sont écroulés, des peuples ont été libérés et des barrières artificielles sont tombées, des puissances se sont désagrégées et des idéologies se sont effondrées. Nous avons le devoir sacré, envers nous-mêmes et envers nos enfants, de voir le monde tel qu'il est devenu, d'en considérer les dangers, d'en explorer les perspectives, et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que l'Etat d'Israël trouve sa place dans ce monde en changement. Un monde qui, ces dernières années, s'est comme rétréci, de sorte qu'aucune nation ne peut plus seule résoudre ses problèmes, qu' aucun pays ne peut plus se croire isolé. Chacun doit se défaire de cette fausse impression et coopérer avec les nations voisines et avec celles du monde entier. Nous souhaitons que notre région se joigne également au mouvement vers la paix, la réconciliation et la coopération, qui gagne chaque jour du terrain.
Je me suis engagé moi-même, et j'ai engagé mon gouvernement, dans l'actuel processus de paix et j'ai, à plusieurs reprises, exprimé mon espoir qu'en cette année 1994 nous parviendrons à un accord de paix avec nos voisins arabes. Du fond du cœur, nous sommes convaincus que la paix est possible, qu' elle est impérative, et qu'elle viendra. […] En bref, l'Europe doit mener à bien l'entreprise laborieuse qui consiste à convaincre des parties rivales à passer de l'hostilité à la réconciliation, et de remplacer le boycott par l'acceptation d'autrui. L' Europe doit peser de tout son poids en faveur de la consolidation de la paix sous son aspect concret: l'ouverture des frontières, la libre circulation des biens et des personnes, la coexistence et la coopération. En vérité, la route vers la paix traverse l'Europe, car, sans l'Europe, la paix demeurerait incomplète.
Yasser Arafat [1929 - 2004]
Président du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP)
13 avril 1994
La paix des braves a besoin de votre soutien et de votre assistance
Son discours :
En maintes occasions, devant de nombreuses instances régionales et internationales ainsi que lors de mes déplacements dans diverses capitales européennes, j'ai exposé et échangé des idées et des vues sur l'urgente nécessité d'entreprendre l'édification de l'économie nationale palestinienne et des institutions de l'Autorité nationale palestinienne (ANP), d'autant plus que nous partons de zéro dans ce processus de développement et de construction. L'ampleur des destructions et les difficultés que connaît notre peuple du fait des longues années d'occupation israélienne exigent que nous entreprenions immédiatement ce processus d'édification. Voilà qui imposera de lourdes responsabilités à l'ANP mise au défi de réparer les dégâts causés à l'économie palestinienne par cette longue et cruelle occupation. Pour que l'ANP puisse relever ces défis, il faut lui permettre de recevoir, d'orienter et d'utiliser l'aide internationale selon des modalités qui garantissent l'amélioration de la pénible situation de notre peuple, afin d'élever son niveau de vie et de résoudre les nombreux problèmes économiques, sociaux, sanitaires et éducatifs auxquels se heurtent nos institutions. Ce que nous espérons, c'est obtenir cet appui international par la voie d'une coopération à la fois collective et bilatérale découlant des relations qui existent entre nous. […]
L'Europe a un rôle fondamental à jouer dans l'établissement et le maintien de la paix dans la région ainsi que dans le processus de développement en général, que ce soit grâce à l'aide gouvernementale ou au développement du secteur privé auquel nous accordons une grande attention dans tous nos plans, projets et contacts. En effet, nous sommes convaincus de l'importance du secteur privé et de sa capacité considérable à générer des emplois, de même que nous croyons aux transferts de technologie et à l'activation du processus économique et de la coopération. […]
Une fois encore, de cette tribune, j'en appelle à vous, vous qui représentez l'Europe, pour nous aider à préserver le processus de paix, à maintenir l'espoir dans nos âmes, et à mettre en oeuvre ce que nous avons signé, d'un commun accord avec le Gouvernement d'Israël, à savoir la Déclaration de principes de Washington, mais aussi les textes que nous avons signés à Oslo, à Davos, à Paris et au Caire. Ces documents sont restés jusqu'à présent lettre morte bien que les dates fixées pour leur mise en oeuvre soient passées. Il s'agit là d'une question grave et fondamentale non seulement pour le Moyen-Orient mais aussi pour le monde entier. La paix des braves a besoin de votre soutien et de votre assistance ; nous nous trouvons actuellement à un tournant dangereux dans lequel le processus de paix est bloqué et où les possibilités de progresser et d'obtenir des résultats rapides sont en train de diminuer. […]
Aucune voix ne doit couvrir la voix de la paix, aucun intérêt ne doit être plus précieux que l'intérêt de la paix et aucun effort ne doit être ménagé pour parvenir à la paix. Une énorme responsabilité historique nous incombe à tous. J'en appelle au Dieu tout puissant pour qu'il nous guide, nous aide et nous donne la sagesse, la détermination et la patience d'assumer une telle responsabilité, pour enfin parvenir à la paix, la paix des braves, et la consolider.
Mary Robinson [1944 - ]
Président de la République d'Irlande
26 juin 1994
Ce qui fait la spécificité du Conseil de l'Europe, le distingue des autres organisations internationales, c'est son souci des valeurs
Son discours :
...Vous assumez des responsabilités qui n'étaient pas imaginables avant la chute du mur de Berlin : contribuer à la construction d'un nouveau continent porteur d'une vision, s'étendant jusqu'au coeur de l'Europe centrale et orientale et ancré par un attachement commun aux valeurs fondamentales. Le succès de cette impressionnante entreprise contient les germes de la paix et de la stabilité futures de notre continent et permet une amélioration de la situation démocratique de millions d'individus.
Ce qui fait la spécificité du Conseil de l'Europe, le distingue des autres organisations internationales, c'est son souci des valeurs. Au centre de ces valeurs, il met l'homme, c'est de là que part tout le reste. C'est le leitmotiv du Conseil de l'Europe. Le Conseil est donc véritablement le moteur éthique et humaniste de l'Europe en développement. Y a-t-il meilleur endroit pour s'arrimer au réseau démocratique, cette trame serrée de liens, d'échanges et d'assistance mutuelle en Europe dans toutes les sphères de l'activité humaine et à tous les niveaux - gouvernements, parlements nationaux, pouvoirs locaux et régionaux, associations bénévoles et individus ?
Nous devons écouter mutuellement le récit de nos diversités afin de pouvoir tirer de nos différences la force et non pas la faiblesse. Dans cette campagne exceptionnelle, la porte battante de cette Organisation est la réponse la plus créatrice et la plus énergique au fléau que constituent l'intolérance et son intime alliée, l'indifférence...
Václav Havel [1936 - 2011]
Président de la République fédérative tchèque et slovaque
29 juin 1995
Le Conseil de l'Europe ne peut pas mettre fin à cette guerre. Mais les Etats qu'il regroupe en ont la force
Son discours :
C'est pour moi un grand honneur– en ma qualité de chef de l'Etat assumant la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe – de pouvoir prendre la parole en ce jour si important où le Conseil de l'Europe inaugure le Palais des droits de l'homme qui, je l'espère fermement, deviendra sous peu le symbole concret des valeurs que nous partageons et qui sont le moteur de l'intégration européenne.
A quelques centaines de kilomètres d'ici sévit une guerre terrifiante et insensée que nous tous, embarrassés, observons en silence dans l'attente du résultat. Qui sera vainqueur, les Serbes ou les autres ? Et nous oublions complètement que cette guerre n'est pas uniquement celle des Serbes contre les autres, mais une guerre où il va de notre avenir. En effet, elle est menée par ceux pour qui l'altérité tribale est la valeur suprême contre ceux qui défendent des valeurs plus élevées que le hasard des liens du sang. C'est une guerre menée contre nous tous, contre les droits de l'homme, contre la coexistence d'hommes d'origine ou de confession différentes, une guerre contre le principe civique, une guerre de ce qui nous sépare contre tout ce qui nous lie. Oui, en Bosnie une guerre est menée contre une coexistence humaine épanouie, fondée sur l'universalité des droits de l'homme, émanant de l'universalité de l'ancienne expérience humaine en relation avec l'univers. C'est l'attaque du passé le plus obscur contre un avenir correct. L'attaque du mal contre l'ordre moral.
Le Conseil de l'Europe ne peut pas mettre fin à cette guerre. Mais les Etats qu'il regroupe en ont la force. Les obligations du Conseil de l'Europe comme créateur et gardien des valeurs européennes et universelles est de mettre en lumière cette guerre et de l'appeler par son vrai nom. Dire clairement que c'est une guerre contre toutes les valeurs que le Conseil de l'Europe énonce dans ses documents, valeurs dont il prend soin, qu'il essaie de cultiver et de préserver.
L'Europe – comme l'ensemble du monde contemporain – se trouve à un grand carrefour historique. Ou bien elle réussira à trouver une responsabilité nouvelle, issue de l'expérience spirituelle universelle de l'homme et respectant le message moral que nous adresse cette expérience, ou bien elle commettra la même erreur fatale qu'elle a déjà tragiquement payée à deux reprises ou cours de ce siècle, à savoir fermer les yeux devant l'émergence du mal du nationalisme, mal qui, comme tout autre mal, est de nature contagieuse.
Permettez-moi d'exprimer, en conclusion, l'espoir tenace que la raison humaine, la décence, la solidarité et la volonté de compréhension et de coexistence correcte l'importeront sur tout ce qui les menace. Je ne doute pas que le mérite en reviendra, dans une grande mesure, au Conseil de l'Europe et à ses différentes institutions, y compris celles qui siégeront dans ce palais. En aucun cas il ne fera usage d'instrument de force, il n'en dispose pas, mais ce sera le fruit de la grand œuvre entamée il y a plusieurs dizaines d'années, à savoir la culture, la promotion et l'approfondissement de l'esprit de bonne coopération entre les nations.
Helmut Kohl [1930 - 2017]
Chancelier de la République Fédérale d'Allemagne
10 octobre 1997
Le Conseil de l'Europe a apporté une très importante contribution à l'intégration européenne
Son discours :
Lors du sommet précédent qui s'est tenu à Vienne, il y a quatre ans, le nombre des membres n'était que de trente-deux. La simple comparaison de ces deux chiffres témoigne du pouvoir d'attraction et du rayonnement du Conseil de l'Europe et de l'idée qu'il incarne : l'unité spirituelle et culturelle de notre continent.
En acceptant très tôt et systématiquement les pays d'Europe centrale, d'Europe de l'Est et du Sud-Est engagés sur la voie de la réforme, le Conseil de l'Europe a apporté une très importante contribution à l'intégration européenne.
Lors de notre première réunion au sommet, à Vienne, nous avons pris des décisions de grande portée. Ces journées à Strasbourg seront, elles aussi, à l'origine d'impulsions significatives : Je citerai par exemple la création imminente de la Cour permanente des droits de l'homme - avancée décisive qui permettra d'améliorer encore la protection des droits de l'homme en Europe.
Qui d'entre nous, il y a dix ans, aurait pu imaginer une telle évolution ? Mais voilà que nous la vivons.
Je citerai aussi les initiatives du Conseil de l'Europe en faveur de la lutte contre le racisme et la xénophobie, ainsi que la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui doit bientôt entrer en vigueur.
Il nous faut maintenant - passant pour ainsi dire du texte des traités à la réalité quotidienne de nos concitoyens - concrétiser les possibilités dont nous disposons, si nous voulons faire durablement des droits de l'homme et de la démocratie les principes fondamentaux de notre coexistence en Europe. A cette fin, nous devrions aussi à l'avenir veiller à une coordination aussi étroite que possible avec l'Union européenne et l'OSCE. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons relever les défis de notre temps.
Les événements récents en Albanie et bien des expériences faites dans l'ex-Yougoslavie montrent qu'une action commune en faveur des droits de l'homme et de la stabilité en Europe est plus nécessaire que jamais.
Boris Eltsine [1931 - 2007]
Président de la Fédération de Russie
10 octobre 1997
Je suis convaincu que le Conseil de l'Europe a toutes les chances d'entrer dans le nouveau siècle rajeuni et orienté vers l'avenir
Son discours :
Dix-huit mois se sont presque écoulés depuis que la Russie a intégré cette prestigieuse organisation des pays démocratiques de l'Europe. Cette adhésion est devenue possible grâce aux changements positifs intervenus dans la Fédération de Russie et dans l'ensemble du continent européen. Avec la victoire de la démocratie en Russie et l'adhésion de notre pays au Conseil de l'Europe, le «territoire de la liberté» s'est considérablement agrandi. Désormais il s'étend sur douze fuseaux horaires.
Aujourd'hui nous sommes prêts à mettre en chantier, par des efforts communs, une nouvelle grande Europe sans lignes de division :
une Europe où aucun Etat ne cherchera plus à imposer sa volonté aux autres ;
une Europe où tous les pays, grands ou petits, seront autant de partenaires égaux attachés aux mêmes valeurs démocratiques.
A l'heure actuelle, c'est précisément cette grande Europe qui pourrait devenir une communauté dont les potentialités seront inégalées par aucune région du monde et qui sera capable d'assurer sa propre sécurité. Elle rassemble les identités différentes et les héritages culturels, nationaux et historiques de tous les peuples européens.
Le chemin qui conduit la grande Europe est long et difficile. Cependant, tous les Européens auraient intérêt à la parcourir. La Russie, pour sa part, y apporte sa contribution.
Je confirme : la Russie respectera tous les engagements pris dans le cadre du Conseil de l'Europe. Elle les respectera malgré le fait qu'il existe en Europe et ailleurs des forces qui cherchent à isoler la Russie, la mettre dans la situation d'inégalité, les forces qui refusent à comprendre qu'une Europe sans Russie n'est pas l'Europe.
Si j'évoque ces problèmes du haut de cette tribune, c'est parce que le Conseil de l'Europe est un forum qui se débarrasse plus vite que les autres des stéréotypes de l'époque de la «guerre froide».
En 1999, quand le XXe siècle touchera à sa fin, notre forum célébrera son 50e anniversaire. Je suis convaincu que le Conseil de l'Europe a toutes les chances d'entrer dans le nouveau siècle rajeuni et orienté vers l'avenir. Notre objectif commun c'est le bien-être de chaque Européen, de l'Europe tout entière. C'est à nous de faire en sorte que ce noble objectif soit réalisé.
Bronislaw Geremek [1932 - 2008]
Ministre des Affaires étrangères de la Pologne
24 juin 1998
La grande chance du Conseil de l'Europe, c'est de réunir le langage juridique du respect des droits de l'homme avec des conventions, avec la Cour
Son discours :
Dans le monde occidental, le Conseil de l'Europe à un certain moment est devenu une institution presque banale, une institution qui déclarait le respect de la démocratie, des droits de l'homme, de l'Etat de droit, mais dans la situation de l'occident, le Conseil de l'Europe semblait un monument sans application concrète. Et puis 1989, le réveil de l'autre Europe à la liberté a complètement changé la situation. Tout d'un coup, l'Europe toute entière a vu quelle importance peut avoir cette institution. Grâce à cette déclaration, à sa philosophie des droits de l'homme, de l'Etat de droit, le concept de la démocratie et aussi par ce corps de conventions dont dispose le Conseil de l'Europe. Mais pour nous les autres, ceux de l'autre Europe, pour l'opposition démocratique dans les différents pays de l'Europe centrale, le Conseil de l'Europe était justement cette institution qui nous donnait une sorte de maître de Sèvres de la liberté européenne et on peut dire que c'était notre rêve. Mais cette fois-ci, les rêves avaient un certain contenu concret.
Quand on regarde cette longue histoire du Conseil de l'Europe, il faut voir que c'est au cours des décennies que le Conseil a établi sa philosophie d'action et c'est après 1989 avec la confrontation, avec la grande aspiration humaine des peuples de l'autre Europe que le Conseil de l'Europe a retrouvé tout son lustre et sa magnifique puissance.
Le Conseil de l'Europe n'a pas accepté les élections de 1989 comme des élections démocratiques. Et pour cause, parce que ces élections-là n'étaient pas démocratiques.
Et ce n'est qu'après les élections de 1991 que le Conseil de l'Europe a décidé que la Pologne a obtenu un seuil de maturité politique suffisant.
Je crois qu'il est très difficile de voir de quelle façon on peut donner à ce concept des droits de l'homme un contenu réel et concret. A mon sens, la solution passe par la notion de société civile. Quand on dit la société civile, on ne sait pas très bien de quoi on parle. Les institutions, on sait. Le Conseil de l'Europe, il y a le Secrétaire Général, il y a la bureaucratie. On peut avoir le numéro de téléphone. Mais le numéro de téléphone de la société civile, c'est difficile de le trouver, c'est difficile de le mettre dans l'annuaire. Et en fait, la société civile, c'est le citoyen qui participe à la vie publique, qui sait quels sont ses droits, qui sait comment lutter pour ses droits et ce sont aussi les organisations non gouvernementales. A l'époque du régime communiste, la société civile c'était une façon de dire : "Bon, ils ont le pouvoir, mais nous sommes la société". Et c'est d'ailleurs nous qui nous organisons en dehors de toutes les structures du pouvoir.
La grande chance du Conseil de l'Europe, c'est de réunir le langage juridique du respect des droits de l'homme avec des conventions, avec la Cour. Le tribunal de Strasbourg donne une certaine force au concept des droits de l'homme et à toute l'action du Conseil de l'Europe, donc d'unir ça, d'unir ce langage juridique avec l'action sociale dirigée vers la création de la société civile, les initiatives locales, organisations non gouvernementales. Et c'est dans ce contexte que le Conseil de l'Europe trouverait une place dans les réseaux des institutions européennes servant la cause de la paix européenne. On oublie un peu, la guerre est tellement loin de nous, on oublie que le véritable but de toute cette organisation, c'est assurer la paix.
Anna Lindh [1957 - 2003]
Ministre des Affaires étrangères de la Suède
11 mai 2001
Le fait d'être membre du Conseil de l'Europe entraîne d'importantes responsabilités
Son discours :
...Le Conseil de l'Europe à 43 est effectivement bien différent du Conseil de l'Europe à 25 d'il y a 10 ans. Les défis sont différents. Les enjeux plus grands. Il en va de même des responsabilités qui sont les nôtres pour y faire face. L'Union européenne soutient sans réserve le Secrétaire Général dans ses efforts de réforme et sa volonté de fixer des priorités. Il s'agit à présent pour le Conseil de l'Europe de défendre, d'amplifier et de garantir la mise en oeuvre des normes et principes qui nous sont communs.
Le fait d'être membre du Conseil de l'Europe entraîne d'importantes responsabilités. Des responsabilités à l'égard des citoyens de l'État concerné, ainsi qu'envers les autres États membres et les institutions du Conseil. Notre responsabilité à tous est de préserver nos valeurs communes. La Cour européenne des Droits de l'Homme a un rôle central à jouer pour faire en sorte que les dispositions de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales soient une réalité pour les peuples d'Europe. Il faut que la Cour puisse fonctionner de manière efficace en dépit et en raison de l'accroissement prévisible du nombre d'affaires dont elle sera saisie...
Le saviez-vous ?
Le Commissaire aux droits de l'homme, institution indépendante, a pour mission de promouvoir la prise de conscience et le respect des droits humains dans les 46 Etats membres du Conseil de l'Europe.
Quel jour de l'année célèbre-t-on l'anniversaire du Conseil de l'Europe ?