Aycaguer c. France  | 2017

Garanties pour le stockage de données ADN après la violation des droits au respect de la vie privée d’un agriculteur

Cet arrêt rappelle que la liberté individuelle est une valeur qu’il ne faut pas oublier.

Anne-Marie Mendiboure, avocate de Jean-Michel Aycaguer, citée par Inf’OGM

Contexte

L'agriculteur Jean-Michel Aycaguer a été arrêté lorsque des échauffourées ont éclaté lors d'une manifestation publique. Il était accusé d'avoir frappé la police avec un parapluie.

En mars 2008, un tribunal français l’a condamné à deux mois de prison avec sursis, ce qui signifie qu’il n’a pas été emprisonné.

Neuf mois plus tard, la police a demandé à Jean-Michel Aycaguer de fournir un échantillon d'ADN. Il a refusé de le faire. Il a donc écopé ensuite d’une amende de 500 euros.

Il a fait appel de ce qu'il considérait comme une atteinte injuste à sa vie privée. Il ne voulait pas que ses données à caractère personnel uniques soient conservées dans une base de données de la police pendant 40 ans, comme le prévoit la loi.

Les tribunaux français ont toutefois rejeté l’appel.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme

La Cour européenne a jugé que le droit au respect de la vie privée de Jean-Michel Aycaguer avait été violé parce que la loi sur la conservation des profils ADN ne comportait pas de garanties suffisantes.

Elle a souligné que le délai de 40 ans prévu par la loi française était, en pratique, traitée comme une conservation indéfinie ou du moins comme une norme plutôt que comme un délai maximal.

Ce délai était le même quelle que soit la gravité de l’infraction commise, ce qui plaçait Jean-Michel Aycaguer dans la même catégorie que les délinquants sexuels et les terroristes, malgré une infraction relativement mineure.

En outre, les personnes condamnées ne disposaient d'aucun moyen de demander l'effacement de leurs données à caractère personnel.

La Cour européenne a condamné la France à verser 3 000 euros de dommages-intérêts à Jean-Michel Aycaguer.

La protection des données à caractère personnel joue un rôle primordial dans l'exercice du droit au respect de la vie privée d’une personne, consacré à l’article 8 de la Convention.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, juin 2017

Suites

En réponse à l'arrêt de la Cour européenne dans l’affaire Jean-Michel Aycaguer, la France a modifié la loi en 2021 pour que la durée de conservation des données dans le fichier national des empreintes génétiques dépende de l’âge de la personne condamnée et de la gravité de l’infraction commise.

Désormais, une loi de 2019 permet également aux personnes condamnées de demander dans certaines circonstances l'effacement anticipé de leurs données du fichier national des empreintes génétiques.

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