Kurić et autres c. Slovénie  | 2012

Justice pour un cordonnier qui vivait sans droits depuis vingt ans

C’est bête de vivre sans avoir aucun droit social ou humain.

Mustafa Kurić, cité par le journal Delo, juin 2012 - © Photo Aleš Černivec/Delo

Contexte

Mustafa Kurić était cordonnier. Il était né en Bosnie-Herzégovine en 1935, mais il a déménagé en Slovénie quand il avait 20 ans. Bien qu’il y ait vécu pendant plus de trente-cinq ans, son permis de séjour lui a été automatiquement retiré le 26 février 1992, de même qu’à 25 671 personnes.

Après que la Slovénie a déclaré son indépendance en 1991, les ressortissants des autres ex-républiques yougoslaves qui y habitaient ont reçu un délai pour acquérir la nationalité slovène. M. Kurić  était, selon ses dires, hospitalisé à l’époque et il n’a pas pu déposer de demande. Ceux qui n’ont pas obtenu la nationalité ont perdu automatiquement leur statut de résidents permanents, sans que cela le leur soit notifié.

Subitement, les « radiés » sont devenus des ressortissants étrangers ou des apatrides vivant illégalement en Slovénie. Beaucoup ont vu leurs papiers confisqués, ils ont été expulsés de chez eux, ils ne pouvaient plus ni travailler ni voyager. Ils ont perdu leurs biens personnels ou ont dû vivre dans la misère.

A la différence de beaucoup d’autres, Mustafa Kurić  a eu de la chance, car la police du lieu lui a permis de rester dans le pays, bien qu’il devait rester dans la localité où il vivait, mais on lui a refusé toute pension de retraite.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme

La Cour a estimé que le système juridique slovène n’avait pas traité comme il convenait le statut des « radiés » avant 2010. En raison de cette insécurité juridique et du fait que les « radiés » ne pouvaient vivre ou travailler légalement dans le pays, ils étaient exposés à des difficultés extrêmes pendant près d’une vingtaine d’années sans possibilité d’améliorer leur situation. Les actes illégaux et disproportionnés des autorités étaient discriminatoires et ont violé le droit au respect de la vie privée et familiale du requérant.

Si des agents de police l’avaient interpellé, ils l’auraient gardé en détention pendant quatre à cinq heures, en se moquant de lui et en l’humiliant.

Information de Delo, juin 2012

Suites

La législation a été révisée pour faire en sorte que les « radiés » obtiennent le droit de vivre en Slovénie. Plus de 10 000 personnes ont bénéficié soit de la nationalité, soit d’un permis de séjour permanent. Un nouveau mécanisme a également été mis en place pour les indemniser (pour un montant total de plusieurs millions d’euros).

Mustafa Kurić a finalement obtenu le droit de vivre légalement en Slovénie.

Themes:

Exemples similaires