Trajkoski c. « l'ex-République yougoslave de Macédoine »  | 2008

Manquement à l’obligation d’enquêter sur des allégations de brutalités contre un homme qui tentait d’aider la police

La Cour conclut que les investigations entamées après le dépôt d’une plainte par le requérant qui disait avoir été blessé alors qu’il se trouvait aux mains de la police n’étaient ni approfondies ni effectives.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, février 2008

Contexte

Cvetan Trajkoski savait qu’il pouvait y avoir un incendie et une explosion dans une station-service. Il s’est rendu avec sa femme au commissariat de police de Prilep pour le signaler.

Au commissariat, le ton est monté en raison de l’endroit où il avait garé sa voiture. Selon M. Trajkoski, un fonctionnaire de police a pointé son arme vers sa tête. Sept à huit policiers sont alors arrivés et l’auraient jeté contre un escalier avant de le frapper sur tout le corps, tout en l’insultant.

Le procureur a refusé de mettre en cause les fonctionnaires de police. Il a fondé sa décision sur les seules dépositions de ceux-ci, sans prendre en considération d’autres éléments de preuve, comme le témoignage de M. Trajkoski, de sa femme et des médecins qui ont examiné ses blessures après l’incident.

M. Trajkoski a porté lui-même l’affaire devant la justice, en donnant le nom de l’un de ses agresseurs. Cependant, le tribunal a refusé d’examiner l’affaire parce que M. Trajkoski ne pouvait identifier chacun des fonctionnaires de police impliqués. Il a refusé d’aider M. Trajkoski à identifier ses assaillants ou d’entendre d’autres éléments de preuve sur l’incident.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme

La Cour européenne a estimé qu’il y avait eu un manquement à l’obligation de mener dûment des investigations. Le procureur n’a pas pris en considération les éléments de preuves étayant les allégations de M. Trajkoski. Le tribunal de jugement a rejeté à tort la plainte de M. Trajkoski pour la simple raison qu’il ne pouvait identifier chacun des fonctionnaires impliqués – d’autant plus que les autorités ne l’ont aucunement aidé pour ce faire.

Suites

A la suite de cet arrêt et d’une série de conclusions analogues de la Cour européenne, diverses mesures ont été prises pour faire en sorte que les allégations de brutalités policières fassent l’objet d’investigations en bonne et due forme dans le pays :

  • En 2010, une nouvelle loi sur le parquet a été adoptée. Elle vise à réviser la législation pour remédier aux carences établies par la Cour européenne. Elle impose notamment aux procureurs de rendre une décision sur une plainte au pénal dans les trois mois suivant le dépôt de celle-ci. Faute de respecter ce délai, le procureur doit en informer le requérant et son supérieur.
  • Une instruction contraignante publiée en 2013 précise que l’ensemble des cas de mauvais traitements ou de torture infligés par les autorités doivent être signalés au procureur général.
  • Des stages ont été organisés pour les juges, les procureurs et les fonctionnaires de police pour expliquer les normes de la Cour européenne en matière d’investigations appropriées sur les allégations de brutalités policières.
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