Les systèmes éducatifs ont pour but de promouvoir l’apprentissage formel, qui repose sur un programme et présente un caractère intentionnel, toutes les activités proposées aux apprenants dans ce cadre ayant l’apprentissage comme objectif. Au sein de ce système, les acquis de l’apprentissage sont mesurés à l’aide de tests ou d’autres formes d’évaluation. Ce type d’apprentissage concerne les migrants adultes qui suivent une formation dans la langue de leur communauté d’accueil. Lorsque cette formation repose sur une analyse des besoins en langue des personnes concernées, elle est dispensée selon un programme précisant le répertoire des compétences en communication que doivent acquérir les apprenants pour réussir. La nature et l’étendue de ce répertoire doivent être reflétées dans les évaluations pratiquées dans le cadre de la formation, quelle que soit leur forme.

Se déroulant hors des environnements d’apprentissage formel, l’apprentissage non formel, quant à lui, se produit néanmoins dans une sorte de cadre structuré. Il résulte de la décision consciente de l’apprenant de maîtriser une activité, une compétence ou un domaine de connaissance particulier et suppose donc un effort intentionnel. Mais il n’a pas besoin de s’inscrire dans un programme officiel ou de faire l’objet d’une accréditation ou d’une évaluation externe. La plupart du temps, il a lieu dans des contextes communautaires (cours de natation pour enfants, clubs de sport de tous types et pour tous âges, clubs de lecture, clubs de débat, chorales et orchestres amateurs, etc.). Certains types d’apprentissage non formel se déroulent dans des structures de plus en plus formalisées à mesure que l’apprenant progresse ; c’est notamment le cas dans les domaines de la musique et des autres arts de la scène, où les apprenants sont soumis à des examens notés. L’apprentissage non formel concerne les migrants adultes qui participent à des activités organisées associant l’apprentissage et l’utilisation de leur langue cible, d’une part, et l’acquisition d’une compétence ou d’un ensemble de connaissances particulières, d’autre part.

Enfin, l’apprentissage informel a lieu en dehors des établissements d’éducation et est lié aux activités qu’une personne entreprend sans intention d’acquérir de nouvelles connaissances. Il est involontaire et fait partie intégrante de la vie quotidienne ; c’est pourquoi on parle parfois d’apprentissage expérientiel. L’apprentissage formel et l’apprentissage non formel sont en partie intentionnels, et en partie non intentionnels. En effet, lorsque l’on poursuit un objectif d’apprentissage, l’on ne peut faire autrement que d’acquérir des connaissances qui sortent du cadre de cet objectif. En revanche, l’apprentissage informel est, lui, entièrement involontaire.

L’on comprend dès lors la complexité d’un apprentissage des langues réussi. L’acquisition, par un enfant, de sa première langue n’est pas le fruit d’un enseignement ; elle résulte de sa participation à la vie de la famille, et les compétences linguistiques qu’il acquiert et les concepts qu’il maîtrise reflètent les pratiques sociales de son environnement immédiat. De la même manière, on dit que chez l’adulte, l’apprentissage des langues secondes et suivantes s’effectue « de façon naturelle » lorsque la personne concernée vit parmi des locuteurs de ces langues et interagit avec eux au quotidien. Dans ce contexte, le nouveau répertoire de communication ne se construit pas selon un programme d’apprentissage établi consciemment, mais au gré des efforts que fournit l’adulte pour répondre à ses besoins sociaux et matériels. Voilà donc deux exemples d’apprentissage informel. Dans un cas comme dans l’autre, ce dernier peut être étayé par un apprentissage non formel, c’est-à-dire par un apprentissage intentionnel résultant des explications données aux enfants par leurs parents, ou de celles que les apprenants adultes reçoivent des personnes avec lesquelles ils interagissent.

Chez l’enfant, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans la première langue s’effectue le plus souvent dans le cadre de l’éducation formelle et implique un effort conscient de sa part ; c’est également le cas pour les migrants adultes, qui, lorsqu’ils suivent une formation dans la langue de leur communauté d’accueil, ont pour objectif d’atteindre un niveau prescrit de compétence. Dans les deux cas, cet apprentissage intentionnel s’accompagne généralement d’un apprentissage non intentionnel, dont les effets sont renforcés par l’apprentissage informel et non-formel dans le monde extérieur. Ainsi, les activités que les enfants pratiquent en dehors de l’environnement scolaire (lire pour le plaisir ou pour répondre à un intérêt particulier, par exemple) sont bénéfiques pour leurs compétences en littératie, et le fait, pour les migrants adultes, d’avoir la possibilité d’interagir de façon informelle avec d’autres locuteurs de la communauté d’accueil peut renforcer leurs compétences dans cette langue.

Ces considérations soulèvent deux questions. Tout d’abord, comment les personnes chargées d’organiser des formations en langue à l’intention des migrants adultes peuvent-elles garantir que leurs apprenants aient des occasions d’utiliser la langue qu’ils apprennent en dehors de la salle de classe, et ainsi bénéficier d’un apprentissage informel/non formel ? L’une des solutions les plus simples consiste à organiser des visites culturelles et des activités sociales afin de créer des contacts informels avec les membres de la communauté d’accueil. On peut également encourager les apprenants à participer à des activités sociales, ou mettre en place de telles activités spécifiquement à leur intention. La deuxième question qui se pose est la suivante : si les migrants adultes ayant appris la langue de leur communauté d’accueil « de façon naturelle » doivent prouver leurs compétences dans cette langue pour obtenir un permis de séjour ou la citoyenneté, leur apprentissage informel/non formel peut-il être reconnu autrement qu’au moyen d’un test ? Pour répondre à cette question, il convient d’envisager des formes d’évaluation alternatives (l’OCDE s’est penchée sur la question de la reconnaissance de l’apprentissage non formel et informel des adultes dans le cadre d’un projet) qui a duré trois ans)

Alors que bon nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe font face à une arrivée massive de réfugiés adultes, la distinction entre l’apprentissage formel, l’apprentissage non formel et l’apprentissage informel facilite la mise au point de réponses efficaces et efficientes à des questions auxquelles il a jusqu’ici été répondu de façon traditionnelle. Ainsi, plutôt que d’organiser des cours formels de langue, par exemple, à court terme, il est bien plus judicieux – et probablement plus économique – de faire appel à des bénévoles et de les charger d’organiser des activités sociales promouvant l’apprentissage non formel et informel des langues. Si elles sont conçues correctement et mises en œuvre de façon efficace, ces activités peuvent constituer pour les apprenants migrants une base solide pour suivre, plus tard, une formation formelle en langue – si toutefois cela était jugé souhaitable ou nécessaire.

DL

Ressources complémentaires

  • Répondre aux besoins linguistiques des réfugiés adultes en Irlande : une approche alternative de la pédagogie et de l’évaluation, 2008, David Little.
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  •  OCDE : Compétences au-delà de la scolarité : Recognition of Non-formal and Informal Learning (page uniquement disponible en anglais)