Retour Les mesures d’austérité adoptées en Europe fragilisent les droits de l'homme

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photo Milos Bicanski

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« En Europe, nombre de gouvernements qui imposent des mesures d'austérité oublient leurs obligations en matière de droits de l'homme, notamment les droits sociaux et économiques des plus vulnérables, la nécessité de garantir l'accès à la justice et le droit à l'égalité de traitement. Malheureusement, les créanciers internationaux négligent souvent, eux aussi, d'incorporer des considérations relatives aux droits de l'homme dans leurs programmes d'assistance », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l'occasion de la publication d'une étude consacrée à l'impact de la crise économique sur la protection des droits de l'homme.

Le Commissaire souligne que les mesures d'austérité fragilisent les droits de l'homme à plusieurs égards : « Les décisions nationales sur les mesures d'austérité et les plans de sauvetage internationaux se caractérisent par un manque de transparence, de participation du public et de responsabilité démocratique. Dans certains cas, les conditions très contraignantes qui leur sont imposées empêchent les gouvernements d'investir dans des programmes essentiels en faveur de la protection sociale, de la santé et de l'éducation. Lorsque l'Union européenne, acteur central de la crise, prend des décisions sur la gouvernance économique dans ses Etats membres et lorsque la Troïka définit les conditions dont sont assortis les plans de sauvetage et les accords de prêt, l'impact sur les droits de l'homme devrait être mieux pris en compte. »

« La crise économique a de très lourdes conséquences pour les groupes vulnérables, en particulier pour les enfants et les jeunes. Le chômage des jeunes a atteint un niveau record en Europe, où ils sont des millions à voir leur avenir compromis. La baisse des allocations familiales et des crédits consacrés à la santé et à l'éducation accroît encore les difficultés de millions de foyers. De plus en plus d'enfants abandonnent l'école pour trouver un travail et venir en aide à leur famille. Ils risquent de pâtir toute leur vie de cette interruption de leur scolarité. Cette situation aggrave la précarité de l'emploi et entraîne la résurgence du travail des enfants, voire de leur exploitation. »

Le Commissaire souligne la nécessité urgente de donner un nouvel élan au modèle social européen, fondé sur la dignité humaine, la solidarité intergénérationnelle et l'accès à la justice pour tous. « Les gouvernements devraient s'attacher en priorité à réduire le chômage des jeunes et le chômage de longue durée et maintenir durant la crise des socles de protection sociale garantissant un revenu minimum et des soins de santé de base. Il faut aussi garantir un accès effectif à la justice pour tous, y compris en période de ralentissement économique, en veillant à ce que le système judiciaire et le dispositif d'aide juridique continuent à fonctionner correctement. » De plus, les gouvernements devraient réaliser systématiquement des études visant à mesurer l'impact des budgets et des politiques sociales et économiques sur les droits de l'homme et l'égalité, notamment pour les groupes vulnérables. « Des mesures positives en faveur des groupes défavorisés, dont les personnes handicapées, les Roms et les femmes, sont nécessaires pour lutter contre les effets disproportionnés et cumulés de la crise et des mesures d'austérité. »

Enfin, le Commissaire insiste sur la contribution essentielle apportée par les ombudsmans, les institutions des droits de l'homme et les organismes de promotion de l'égalité à l'identification de réponses à la crise compatibles avec les droits de l'homme et à la protection des personnes en difficulté. Alors qu'on assiste à une augmentation de la demande de services fournis pas ces structures nationales des droits de l'homme, nombre d'institutions subissent une réduction de leur budget et de leurs effectifs et la fermeture de leurs bureaux régionaux ou une fusion dans une structure moins spécialisée. « Les gouvernements devraient renforcer la capacité de ces structures à traiter les plaintes relatives aux droits sociaux et économiques ; ils devraient aussi solliciter leur avis indépendant lorsqu'ils prennent des décisions sur les budgets et les mesures d'austérité, afin de mieux mesurer l'impact de ces décisions sur les droits de l'homme et l'égalité. »

Strasbourg 04/12/2013
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