Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan  |2014 et 2019

Une procédure de la Cour européenne aboutit à l’acquittement d’un opposant politique

...les mesures litigieuses avaient pour but réel de faire taire [Ilgar Mammadov] ou de le punir pour avoir critiqué le gouvernement...

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, mai 2014 – Photo : Wikimedia Commons

Contexte

En 2013, l’opposant politique Ilgar Mammadov s’est rendu dans une petite ville d’Azerbaïdjan où des émeutes avaient éclaté, souhaitant obtenir des informations de première main sur les événements.

Ilgar a évoqué ce voyage sur un blog, dans un article critique à l’égard du gouvernement.

Lorsque les procureurs l’ont ensuite convoqué pour l’interroger, Ilgar a appris qu’il avait été accusé d’avoir incité les habitants de la ville à manifester violemment. Il a fermement démenti cette accusation, dont il a affirmé qu’il s’agissait d’un coup monté motivé par des raisons politiques.

Au final Ilgar a été accusé d’infractions pénales. Un tribunal azerbaïdjanais a ordonné sa détention provisoire. Il a fait appel de sa détention sans succès.

En mars 2014, Ilgar a été reconnu coupable et condamné à sept ans de prison.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme

La Cour européenne a d’abord statué qu’Ilgar avait été détenu en l’absence de « raisons plausibles » de le soupçonner d’avoir commis une infraction pénale, ce qui constituait une violation de son droit à la liberté.

La détention d’Ilgar avait pour but de le faire taire ou de le punir pour des raisons politiques, a conclu la Cour. Son droit à la présomption d’innocence a également été violé, les autorités ayant publié une déclaration encourageant à croire à sa culpabilité.

Suites

 

Le succès de ce recours inédit à la procédure en manquement montre que nos membres prennent leur obligation très au sérieux.

Marija Pejčinović Burić, Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe

 

À la suite de l’arrêt de la Cour européenne, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a appelé l’Azerbaïdjan à libérer Ilgar sans délai

Dans une deuxième décision, en novembre 2017, la Cour européenne a conclu que le procès d’Ilgar en Azerbaïdjan, pour les mêmes chefs d’accusation que ceux que la Cour avait critiqués dans son arrêt de 2014, constituait également une violation de ses droits.

Le mois suivant, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a soumis le cas d’Ilgar à la Cour européenne afin qu’elle détermine si l’Azerbaïdjan avait manqué à son obligation d’exécuter l’arrêt de la Cour de 2014. Ilgar est resté en détention, malgré les appels répétés du Comité demandant à l’Azerbaïdjan de le libérer.

C’était la première fois que le Conseil de l’Europe lançait cette procédure à l’encontre d’un État membre.

L’Azerbaïdjan a libéré Ilgar en août 2018 alors que la Cour européenne examinait sa situation. Cependant, la condamnation prononcée à l’encontre d’Ilgar a été maintenue et il a continué de subir de graves conséquences personnelles et professionnelles.

En mai 2019, la Cour européenne a confirmé que l’Azerbaïdjan n’avait pas pleinement exécuté son arrêt de 2014 dans cette affaire.

La Cour a souligné que les actions des autorités avaient été motivées par des raisons illégitimes, contraires à la Convention des droits de l’homme, et que l’Azerbaïdjan était tenu d’effacer les conséquences des violations subies par Ilgar.

En réponse à l’arrêt de la Cour européenne, la Cour suprême d’Azerbaïdjan a réexaminé l’affaire et annulé la condamnation d’Ilgar en avril 2020. Le Comité des Ministres a alors clos le dossier.

Le Comité continue de suivre un certain nombre d’affaires contre l’Azerbaïdjan concernant l’arrestation et la détention arbitraires de personnes critiques à l’égard du gouvernement, de militants de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme.

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