Dix ans après sa création, le CDCPP continue de développer des normes et des bonnes pratiques, et a supervisé la rédaction de nombreuses recommandations (voir le document CDCPP(2022)6) pour adoption par le Comité des Ministres, le principal organe décisionnel du Conseil de l'Europe. L'article 15.b du Statut prévoit que le Comité des Ministres élabore des recommandations aux Etats membres sur des questions qui concernent les droits de l'homme, la démocratie ou l’état du droit et pour lesquelles le Comité a arrêté "une politique commune".

Une recommandation n'est pas contraignante pour les États membres, mais elle fournit un cadre politique et des propositions que les gouvernements peuvent mettre en œuvre au niveau national. Depuis 2001, les exposés des motifs, rédigés sous la responsabilité du Secrétariat pour faciliter la compréhension des conventions et des recommandations du Conseil de l'Europe, sont déclassifiés en même temps que les conventions et les recommandations qu'ils accompagnent.

Lors des précédentes sessions plénières, le CDCPP s'est félicité du lancement de ces recommandations et a exprimé son souhait de s'engager dans leur mise en œuvre concrète et dans une large diffusion des textes au niveau national. Une liste complète des recommandations relatives à la culture, au patrimoine et au paysage est disponible ici. L'objectif de la session thématique sur le legs et les perspectives des recommandations du Conseil de l'Europe dans le domaine de la culture, du patrimoine et du paysage était donc d'examiner non seulement les succès, mais également les obstacles et les défis rencontrés au cours de la mise en œuvre de ces recommandations ainsi que les perspectives et opportunités futures concernant le développement de ces recommandations.

 

 Ordre du jour- 23-25 novembre 2022

presentations des experts

La première partie de la session s'est déroulée sous la forme d'une table ronde, animée par la présidente du Comité, Flora Van Regteren Altena, et dirigée par quatre experts qui ont abordé le sujet à partir de leurs propres expériences au fil des ans dans les domaines de la culture, du paysage, des technologies numériques ou du patrimoine culturel :

contributions des participants

La deuxième partie de la session a facilité des échanges plus exploratoires et a permis aux participants de s'engager dans un échange de questions et réponses, de rendre compte de leurs expériences, de tester des idées et de suggérer d'autres actions du Comité.

Au cours d'un débat riche et animé, de nombreux délégués ont souligné le rôle positif que les recommandations du Conseil de l'Europe continuent de jouer dans leur pays. La réactivité du Conseil de l’Europe permet d’aborder des sujets clés et produit des instruments pertinents, d’actualité et innovants. Avec les conventions, elles créent un cadre européen unique, fournissant des lignes directrices pratiques et une impulsion pour les acteurs nationaux et régionaux.

Plusieurs délégations et observateurs estiment cependant que ces instruments ne sont pas suffisamment connus et n'ont pas toujours l'impact qu'ils méritent. Le rôle important des observateurs du CDCPP dans la diffusion des recommandations pourrait être mieux exploité. Les délégations et ambassadeurs des États membres pourraient également faire davantage pour approfondir leur connaissance des recommandations dans le domaine de la culture, du patrimoine et du paysage et contribuer à faire passer le message. Une fois adoptées, les recommandations ne devraient pas être oubliées. Des échanges réguliers entre les délégués et leurs ambassadeurs sont essentiels car la culture est souvent absente des débats plus larges.

perspectives

Une méthodologie de diffusion commune pourrait être envisagée pour améliorer la connaissance et la compréhension des instruments en rendant ces instruments plus accessibles à travers :

  • des efforts concertés pour améliorer l'impact, en utilisant des indicateurs et des méthodologies éprouvées ;
  • des traductions des textes, des écoles d'été ;
  • l’utilisation des médias sociaux pour améliorer la communication et favoriser les échanges ;
  • des liens et une coopération avec les autres organes clés du Conseil de l'Europe.

Comme les recommandations n’exigeaient pas un engagement concret de la part des États membres (contrairement aux conventions), une sorte de suivi souple pourrait peut-être envisagée afin de vérifier l’impact sur les pays (et non pas simplement dire que nous avons réussi ou non) et essayer d’ajuster les propositions et la pertinence des différents sujets, pour être en adéquation avec les principaux défis d'actualité auxquels les pays sont confrontés, une tâche difficile avec 46 États membres. À l’avenir, nous devrions essayer d’analyser quel instrument convient le mieux à une situation spécifique.

En fait, la séance thématique était en elle-même un processus de suivi souple qui a favorisé une réflexion plus approfondie et généré des idées sur l'objectif et le succès des recommandations dans ce domaine.

Le CDCPP pourrait élargir son horizon à d’autres instruments et outils également utilisés par les OIGs. Dans le mandat du CDCPP, il est fait mention de « lignes directrices » – un outil flexible et pratique dans ce contexte.

Gilles Rudaz

Parmi les différentes recommandations produites au cours des dix dernières années par le CDCPP, un grand nombre concernent la Convention du Conseil de l'Europe sur le paysage. Cette richesse exceptionnelle s’explique en partie par les méthodes de travail éprouvées de longue date du secteur qui, au fil du temps, ont livré des résultats concrets sous forme de recommandations. La Convention sur le paysage est devenue une boussole pour orienter l’action sur les riches concepts et idées qu’elle contient. Les recommandations paysagères peuvent être considérées comme une sorte de boîte à outils qui met en lumière les thèmes/questions spécifiques contenus dans la Convention.

Pour illustrer cette idée, deux recommandations peuvent être citées :

  1. En tant que boîte à outils et chef-d’oeuvre montrant comment mettre en œuvre la Convention

Recommandation No R (2008) 3 sur les orientations pour la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage

  1. A titre d’illustration de la manière d’intégrer la dimension paysagère (cf article 5 de la Convention)

Recommandation CM/Rec(2021)12 du Comité des Ministres aux Etats membres pour la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur le paysage – l’intégration de la dimension du paysage dans les politiques sectorielles  

Les recommandations sont donc une méthode de travail ancienne et efficace au sein du secteur du paysage du Conseil de l'Europe, qui permet à la Convention de conserver toute sa pertinence par le biais de conférences d'échange et de débats plus approfondis sur des questions d'actualité.

Un travail et une coordination importants sont nécessaires de la part du Secrétariat et de ses ressources pour contribuer à l'élaboration de ces recommandations et pour guider le processus depuis la Conférence du paysage jusqu'au Comité des Ministres en passant par le CDCPP. Les recommandations sur le paysage sont importantes pour approfondir le débat sur les thèmes actuels et pour explorer d'autres thèmes, tels que le paysage et la santé.

Bruno Favel

D'un point de vue historique, l'originalité du Conseil de l'Europe dans le domaine des conventions et recommandations en matière de patrimoine est indéniable. Dès la Convention culturelle européenne de 1954, adoptée peu après la création de l'Organisation en 1949, la volonté a été d'agir d'un point de vue culturel et de reconnaître la culture, le patrimoine culturel et les valeurs communes de la grande Europe. Le Conseil de l'Europe est également riche en matière de patrimoine, et il existe en fait différents types de patrimoine, dans tous les sens du terme. Le Conseil de l'Europe reste la "maison du patrimoine" européen, grâce à ses normes et à ses programmes d'activités.

Cinq Conventions clés constituent le fondement des travaux sur la culture, le patrimoine et le paysage au Conseil de l'Europe, à savoir :

Le Conseil de l'Europe a joué un rôle pionnier important dans la réflexion, les stratégies et les recommandations, par exemple la Stratégie européenne du patrimoine pour le 21e siècle (Stratégie 21). La 6e Conférence des ministres responsables du patrimoine culturel, tenue à Namur, Belgique (avril 2015), a permis d'élaborer deux ans plus tard une recommandation pour que le patrimoine soit une réponse aux crises auxquelles l'Europe est confrontée (climatique, identitaire, écologie, économie).

En mai 2019, peu après l'incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris, la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l'Europe exprimait sa détresse face à la vulnérabilité du patrimoine. L'année suivante, la Recommandation CM/Rec(2020)7 sur la promotion de la prévention continue des risques dans la gestion quotidienne du patrimoine culturel : coopération avec les États, les spécialistes et les citoyens a été adoptée par le Comité des Ministres et a été un des éléments de référence pour l'élaboration en France du « Plan d'action : sécurité cathédrales ». Ainsi, le Conseil de l'Europe est au cœur de nombreuses initiatives innovantes, par exemple l'Année européenne du patrimoine architectural - « Un avenir pour notre passé », les Journées européennes du patrimoine, le réseau Herein, l'Accord partiel élargi sur les itinéraires culturels, le Programme d’Assistance technique et bien d'autres au fil des années .

Le Conseil de l’Europe est à l’origine de nombreuses initiatives – les programmes, recommandations et conventions sont interconnectés et doivent être considérés comme un tout dans la mise en œuvre des politiques. Ainsi, les recommandations devraient accompagner les conventions afin de garantir des politiques de mise en œuvre pratiques. Par exemple, la Recommandation n° R (91) 13 relative à la protection du patrimoine architectural du vingtième siècle a eu un réel impact en France et a connu un succès phénoménal. Il faut parfois rappeler que ces instruments existent déjà, pour ne pas réinventer inutilement les textes.

Giuliana De Francesco

Le Conseil de l'Europe a été fondé en 1949, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour défendre les droits de l'homme, la démocratie et l’état de droit en Europe. Ces objectifs ont ensuite été ancrés dans la protection de la diversité culturelle, le dialogue interculturel et la coopération culturelle par le biais de la Convention culturelle européenne de 1954. Le Conseil de l'Europe est une organisation paneuropéenne unique de coopération intergouvernementale dans le domaine de la culture.

Le rôle principal du Conseil de l'Europe est de promouvoir et d'établir des normes, de soutenir les États membres dans la mise en œuvre effective des conventions afin de défendre la démocratie, l’état de droit et les droits de l'homme et d'aborder/résoudre avec succès les défis sociétaux ayant un impact sur l'Europe.

En 2013, la 10e Conférence des ministres de la Culture du Conseil de l'Europe a décidé d'impliquer le secteur culturel au plus haut niveau politique en ce qui concerne la révolution numérique et la mesure dans laquelle elle influence fortement l'environnement culturel et est cruciale pour la viabilité de la création et de la diversité culturelle. Le ministre a demandé au Conseil de l'Europe d'offrir une plateforme d'échange d'expériences, de bonnes pratiques et de réflexion pour les décideurs politiques, les praticiens et la société civile sur l'impact de la numérisation sur la culture.

Cette plateforme d'échange a permis une coopération fructueuse entre les décideurs politiques, les experts et les organisations de la société civile. Elle a donné lieu à des échanges stimulants et a conduit à l'adoption de trois recommandations importantes et clairvoyantes, à savoir :

Ce processus a également rendu le travail du CDCPP pertinent par rapport aux nombreuses initiatives transversales au sein du Conseil de l'Europe, en commençant par la stratégie de gouvernance de l'Internet et plus tard les initiatives sur le développement de l'intelligence artificielle qui sont devenues une priorité politique au sein de l'Organisation et ont conduit à la création d'un comité ad hoc qui a permis la participation du CDCPP en tant qu'observateur.

Entre-temps, le CDCPP a été consolidé dans une approche transversale et a conduit au développement réussi de la première session thématique sur l'IA et la transformation numérique dans les trois sections, ainsi qu'une session thématique sur les développements numériques en relation avec l'archéologie, y compris l'IA.

Le séminaire d'experts 2018 à Rijeka sur la culture, la créativité et l'intelligence artificielle intitulé "E-pertinence de la culture à l’ère de l’IA" a donné lieu à un échange très intéressant, avec une publication ultérieure. Les conclusions du séminaire mentionnent, entre autres, que les arts et la culture doivent faire partie du dialogue sur la société de l'information (qu'il s'agisse de la transformation numérique en général ou de l'IA en particulier) et que les arts et la culture sont des vecteurs clés pour générer l'intelligence sociale et l'émancipation nécessaires pour accompagner les nouvelles pratiques de vie marquées par l'interaction croissante entre l'homme et la machine.

En fait, ces conclusions ont alimenté la déclaration adoptée par les ministres de la culture à Strasbourg en 2022 lors de leur conférence "Créer notre avenir : la créativité et le patrimoine culturel en tant que ressources stratégiques pour une Europe diversifiée et démocratique". Les ministres ont reconnu la contribution potentielle de la transformation numérique aux idées, principes et valeurs du Conseil de l'Europe, ainsi que les défis sans précédent que la transformation numérique pose à la liberté d'expression, à la diversité et à la démocratie.

Les ministres ont demandé au Conseil de l'Europe d'élaborer des Lignes directrices sur les développements technologiques tels que l'IA complétant les normes du Conseil de l'Europe dans les domaines de la culture, de la créativité et du patrimoine culturel, et ont demandé au Comité des Ministres d'adopter le projet de Recommandation sur le rôle de la culture, du patrimoine culturel et du paysage pour relever les défis mondiaux. Cette recommandation a été adoptée par le Comité des Ministres en mai 2022 et constitue la pierre angulaire de notre activité.

En conclusion, compléter les conventions et recommandations par des lignes directrices sur des sujets spécifiques ajoutera une valeur pratique et un soutien au travail technique au niveau national. Il s’agit d’une évolution bienvenue et utile pour accompagner les recommandations. Les recommandations et conventions du Conseil de l'Europe confèrent aux États membres un impact politique et stratégique précieux qu'ils prennent en compte et qui soutiennent l'évolution et le renforcement de la culture européenne.

Kimmo Aulake

En regardant la liste des recommandations dans le document de travail, on constate que les conventions sur le paysage sont les plus nombreuses et semblent être un moyen de mettre en œuvre la base juridique de la Convention sur le paysage. À cet égard, l'instrument juridique est le cadre et les recommandations peuvent être considérées comme des lignes directrices pour aider les États membres à mettre en œuvre cet instrument juridique. Concernant le patrimoine, il y a une recommandation spécialisée et une autre qui accompagne une stratégie ambitieuse et large (Stratégie 21) qui est en elle-même inspirée et probablement une continuation de la Convention de Faro.

Dans le secteur de la culture, cependant, il n'y a pas de base juridique applicable, aucune convention qui formerait une base solide à partir de laquelle construire (à part la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et son Protocole sur la Protection des Productions Télévisuelles, et la Convention du Conseil de l'Europe sur la Coproduction Cinématographique) et concernant les problèmes qui peuvent être réglementés. Les trois recommandations culturelles au cours des dix dernières années visaient à encadrer un problème important de nos sociétés et comment la numérisation affecte tout, mais elles étaient sans fondement clair. Dans ces conditions difficiles, la rédaction des trois recommandations a tenté d'incorporer le domaine culturel dans le travail plus large de l'Organisation sur la numérisation, pour servir au mieux les valeurs et objectifs fondamentaux du Conseil de l'Europe.

Évaluation critique des trois recommandations culturelles :

  1. Si ces recommandations n'ont pas eu l'impact qu'elles auraient pu avoir, une raison est que le Conseil de l'Europe n'est pas un nom familier vis-à-vis des discussions politiques sur la numérisation. Le CDCPP n'est pas perçu comme le comité directeur le plus fort qui travaille sur les questions numériques. Cela a créé des difficultés qui devraient être reconnues.
  2. L'impact des recommandations dans les États membres peut dépendre du niveau de propriété que les délégués individuels ont sur ces instruments, et il n'est pas toujours facile de développer cette propriété. Le Comité des Ministres adopte des recommandations, mais la composition du CM signifie qu'il y a un écart entre les Ministères des Affaires Étrangères (et leurs délégués) et les ministères de substance. Les connexions doivent donc venir à travers les délégués. Des complications supplémentaires viennent du fait que le CDCPP ne se réunit qu'une fois par an, et que les recommandations sont généralement préparées par un petit groupe d'experts/délégués, réduisant ainsi encore plus les chances d'une propriété significative.
  3. Il y aurait donc un besoin d’associer les recommandations à un texte légal et à un processus de mise en œuvre d'une convention. Dans le cas de la culture, cette base légale est absente. Cependant, nous pourrions avoir des processus politiques plus forts sur lesquels nous baser. On espère que les Lignes directrices comme suivi de la Conférence Ministérielle pourront maintenir l'élan politique et ainsi construire cette base politique pour devenir de plus en plus pertinentes.
  4. Enfin, se référant aux expériences passées, le Comité a souvent été innovant dans son approche vis-à-vis des attentes de l'Organisation sans pour autant que l’importance de ce travail soit suffisamment pris en compte. Le Rapport des Sages du Conseil de l'Europe et ses références au développement des repères du Conseil de l'Europe pour les principes de bonne gouvernance démocratique étaient par exemple exactement ce qui était expérimenté avec Culture Watch Europe, destiné à surveiller le secteur culturel du point de vue de la démocratie et de l'état de droit. Malheureusement, cela n'a jamais vraiment vu le jour, car les ressources n'étaient pas disponibles. De même, en ce qui concerne un indice de démocratie, le Comité a développé le premier Cadre d'Indicateurs sur la relation entre la culture et la démocratie et encore une fois, le budget n'a pas pu soutenir l'activité à l'époque. Le CDCPP a, en d'autres termes, souvent été en avance sur son temps. Le Comité devrait être courageux et ne pas se détourner des données statistiques ou fondées sur des preuves qui permettraient une auto-évaluation des États membres, même un système de classement.