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Le carnet des droits de l'homme
Les femmes sont sous-payées partout en Europe

Après des années de débats et de protestations, les inégalités salariales persistent. Chaque jour, en Europe, des femmes subissent une injustice particulièrement tenace – celle d’être moins bien payée qu’un homme pour un travail de valeur égale. De surcroît, le phénomène bien connu du « plafond de verre » continue de bloquer beaucoup de femmes dans leur carrière, ce qui se répercute sur le montant des salaires et, plus tard, sur celui des pensions de retraite.

L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes est de 15 à 20 % dans la plupart des pays européens, voire plus élevé dans certains d’entre eux. Calculé sur toute la durée de la vie plutôt que sur la base du salaire horaire, l’écart se creuse encore, ce qui explique une féminisation de la pauvreté.

Cette disparité s’explique en partie par une discrimination flagrante à l’égard des femmes au niveau des salaires, les femmes étant moins bien rémunérées que les hommes à poste équivalent. Il s’agit manifestement d’une violation des droits de l’homme. Il y a plus de 60 ans que le droit à un salaire égal pour un travail égal a été reconnu comme un droit fondamental dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce même droit fait partie des normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et figure dans la Charte sociale européenne.

Injustice et discrimination

L’inégalité salariale généralisée qui ressort des statistiques vient aussi du fait que les secteurs professionnels employant majoritairement des femmes – comme la santé ou le travail social – sont dans l’ensemble moins rémunérateurs que les secteurs qui recrutent surtout des hommes. Un autre facteur est le « plafond de verre », c’est-à-dire les préjugés qui empêchent les femmes d’être promues à des postes pour lesquels elles sont qualifiées.

Cette injustice est bien souvent dissimulée par des systèmes d’évaluation et de promotion discriminatoires. Le fait que les femmes sont moins bien payées que les hommes sur des postes très similaires est souvent masqué par un artifice consistant à employer différentes désignations ou classifications de postes.

L’un des prétextes invoqués pour refuser aux femmes une promotion, voire un emploi, est la crainte de l’encadrement qu’elles ne tombent enceintes ou ne doivent passer du temps à s’occuper de leurs enfants. Ceci montre bien que toute action en faveur de l’équité entre hommes et femmes doit être menée sur plusieurs fronts à la fois.

Bien que des progrès aient été enregistrés dans certains pays européens depuis quelques années, la triste vérité est que l’éducation des enfants et les tâches domestiques ne sont toujours pas équitablement partagées entre les femmes et les hommes.

C’est ce qu’indiquent également les statistiques sur le travail à temps partiel, où les femmes sont largement surreprésentées. Cette situation a aussi des répercussions sur les perspectives de carrière, mais aussi des conséquences économiques, y compris sur le niveau des pensions de retraite.

Que peuvent faire les Etats ?

Les femmes n’ont tout simplement pas accès au marché du travail sur un pied d’égalité. Il faut que les Etats s’attaquent désormais à ce problème beaucoup plus vigoureusement qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent :

• Les employeurs publics doivent se montrer exemplaires en ce qui concerne l’application du principe du salaire égal pour un travail égal dans les emplois du secteur public.

• Les conventions collectives sur le marché du travail doivent respecter scrupuleusement le principe de rémunération égale pour un travail de valeur égale. Si les parties ne parviennent pas d’elles-mêmes à s’entendre sur ce point, le législateur doit intervenir.

• Les autorités, mais aussi les employeurs et les syndicats, doivent se pencher d’urgence sur le problème de la pénalité salariale liée au travail à temps partiel.

• Il est indispensable que les pouvoirs publics collectent des données sur les inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, les prennent en considération dans leur rôle d’employeur et les mettent à la disposition du secteur privé.

• Les autorités centrales et les pouvoirs locaux devraient promouvoir l’égalité d’accès à l’éducation et à la formation et développer un système de garde d’enfants qui permette aux femmes et aux hommes de concilier travail rémunéré et éducation des enfants.

• Un système devrait être mis en place pour garantir aux femmes qui s’estiment victimes de discrimination l’accès à des voies de recours adaptées et effectives sans craindre de perdre leur emploi.

Tout le monde gagnerait à une plus grande équité sur le marché du travail. La persistance de cette situation n’est pas seulement une injustice : c’est aussi un immense gâchis de compétences.

Thomas Hammarberg

Lien :
Document de synthèse sur les droits des femmes. Position du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

Strasbourg 08/03/2011
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