Retour Des migrants africains se noient en Méditerranée

 [08/06/11 10:00] Une embarcation transportant des migrants en provenance de la Libye a à nouveau chaviré la semaine dernière. Au moins 150 personnes se sont noyées ; les autres passagers ont été secourus par des garde-côtes tunisiens et des bateaux de pêche. En mai, environ 600 personnes avaient perdu la vie dans une tragédie similaire. D'autres bateaux de migrants auraient disparu et 1 400 personnes, voire davantage, seraient décédées dans les mêmes conditions depuis le début de l'année.

Les noyades de migrants en Méditerranée ne sont pas un phénomène nouveau. Plusieurs naufrages se sont produits ces dernières années. Alors que des garde-côtes et des pêcheurs, d'Italie et d'autres pays, ont secouru bien des naufragés, les gouvernements européens, quant à eux, ont renvoyé des embarcations en mer et pris d'autres mesures draconiennes pour dissuader les migrants de faire la traversée.

Fuir la Libye devient de plus en plus dangereux

Tous ces efforts des gouvernements n'ont pas empêché les migrants de tenter de rejoindre l'Europe, mais ont rendu la traversée plus dangereuse et donné aux trafiquants une raison d'augmenter leurs tarifs. Les embarcations sont devenues plus chargées et plus nombreuses à chavirer.

Les trafiquants portent une part de responsabilité ; ils embarquent bien trop de migrants à bord de bateaux bien trop fragiles et mettent ainsi la vie des passagers en danger. Généralement, les trafiquants ne sont pas du voyage : ils préfèrent laisser à des migrants le soin de s'occuper de la traversée.

Les personnes qui se sont noyées venaient principalement de l'Erythrée, de la Somalie, du Soudan et d'autres pays d'Afrique subsaharienne. Beaucoup avaient des raisons de demander la protection internationale. Une partie d'entre elles étaient bloquées en Libye, parfois en application de l'accord européen conclu avec Kadhafi, qui visait à empêcher les migrants de fuir la Libye et à renvoyer dans ce pays ceux qui étaient interceptés. Certaines d'entre elles étaient en prison lorsque le conflit armé a éclaté, d'autres se cachaient.

La guerre a rendu ces populations encore plus vulnérables, puisque le régime de Kadhafi a recruté des mercenaires d'Afrique subsaharienne et que l'opposition a eu tendance à considérer les personnes originaires d'Afrique noire comme des ennemis.

Il semblerait aussi que des membres de forces fidèles à Kadhafi obligent des migrants à monter à bord de ces embarcations en piteux état, en représailles à l'intervention militaire internationale en Libye.

Le temps n'est plus où Kadhafi coopérait avec les gouvernements européens – en échange d'une aide et d'investissements généreux - pour empêcher même les plus désespérés des demandeurs d'asile de gagner l'Europe.

Responsabilité européenne

L'Europe a un rôle à jouer dans cette crise. Le principe fondamental imposant de porter secours aux personnes en mer ne s'applique pas seulement aux passagers d'un bateau qui est déjà en train de couler. Il est aussi nécessaire de renforcer considérablement la surveillance aérienne, le long de la côte libyenne et plus au large, afin de détecter toute embarcation précaire et de préparer un sauvetage en toute sécurité.

Compte tenu des opérations militaires en cours, il semble difficile d'invoquer l'impossibilité de financer ces activités de reconnaissance. L'intensification du conflit armé a d'ailleurs contribué à aggraver la situation des migrants d'Afrique subsaharienne.

A ce jour, les institutions et les gouvernements européens n'ont pas pris toutes leurs responsabilités. Leur silence et leur passivité sont difficilement acceptables. L'Europe fait manifestement fausse route lorsqu'elle se préoccupe plus d'empêcher les migrants d'arriver sur ses côtes que de sauver des vies.

Thomas Hammarberg
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Photo: UNHCR/F. Noy