Concept - Droits de l’Homme pour la planète

Un environnement sain est une condition préalable à la jouissance des droits de l’homme: le plein exercice du droit de chacun à la vie, à la santé, à la qualité de sa vie privée et familiale et de son domicile, dépend de l’absence de pollution de l’air ainsi que d’un écosystème sain et des bénéfices que les individus en tirent.


La Convention européenne des droits de l’homme et ses Protocoles ne garantissent pas le droit à un environnement sain. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a statué sur environ 300 affaires concernant diverses formes de risques et de dommages environnementaux. En élargissant progressivement le champ d’application des droits civils et politiques, la CEDH a reconnu que les droits de l’homme et le droit à un environnement sain étaient intrinsèquement liés. Ce faisant, elle a joué un rôle important dans l’environnementalisation des droits de l’homme et dans la garantie d’une meilleure protection de l’environnement en Europe.

Depuis les années 1960, la Cour a ainsi mis en balance les politiques d'utilisation durable des ressources naturelles ou de protection des espèces menacées et le droit anthropocentrique à une jouissance paisible des biens. Elle a aussi examiné des opérations et des développements urbains non viables d'un point de vue écologique, causant de la pollution, des maladies professionnelles ou des nuisances, principalement dans le cadre redéfini du droit au respect du domicile ainsi que de la vie privée et familiale. La Cour s’est aussi prononcée sur la responsabilité des Etats membres pour les effets des catastrophes environnementales d’origine humaine ou naturelle. Dans un contexte d’activisme écologique, la Cour a grandement renforcé les droits de participation, à savoir les droits à l’information, à la participation du public dans le processus de décision et à l’accès à la justice.

La protection de l'environnement par l'activité judiciaire de la Cour est renforcée par le travail des autres organes du Conseil de l'Europe et de ses programmes. Le Comité des ministres veille à ce que les États se conforment aux arrêts de la Cour en réparant les violations de la CEDH et en empêchant leur réapparition. La Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe fixe des obligations contraignantes en matière de conservation de la faune et de la flore sauvages. Son Comité permanent contrôle le respect des règles par un système de plaintes et de recommandations. La Convention européenne du paysage promeut la protection, la gestion et l'aménagement des paysages. Ses programmes de travail contribuent à la mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies. L'accord EUR-OPA Risques majeurs vise à prévenir les catastrophes environnementales et à atténuer leurs conséquences, grâce à la recherche sur la prévision des catastrophes, la gestion des risques, l'analyse post-crise et la réhabilitation. La Charte sociale européenne garantit un droit à la santé, qui a trouvé son application dans le contexte de la pollution chimique de l'air et de l'eau. La procédure de réclamation collective de la Charte permet à diverses organisations de demander directement au Comité européen des droits sociaux de se prononcer sur une éventuelle non-conformité.

Le changement climatique, la perte de biodiversité, l'épuisement des ressources naturelles et la pollution chimique posent de nouveaux défis à la Cour, au Conseil de l'Europe et aux gouvernements.

Comment traiter les recours collectifs en matière de droits de l'homme résultant d'une pollution environnementale à grande échelle ? Où tracer la ligne entre une décision politique se situant à l’intérieur de la marge d’appréciation de l’État et l’incapacité d’un État à trouver le juste équilibre entre des intérêts conflictuels ? Faut-il accorder un statut juridique aux demandeurs qui revendiquent des droits collectifs et intergénérationnels ? La Cour doit-elle s'appuyer sur le principe de précaution et adopter un nouveau test de causalité dans les requêtes concernant les effets du réchauffement climatique ? Ou devrait-elle plutôt s’abstenir de jouer le rôle de tribunal climatique européen ? En cas de constat d’une violation, quelles mesures de réparation et de prévention devraient être imposées aux États membres ? Comment assurer une bonne mise en œuvre des jugements par les États ?

Ces questions appellent une réflexion générale et conceptuelle sur le rôle des tribunaux internationaux des droits de l'homme dans l'examen des efforts des États membres pour se conformer à leurs obligations qui, en vertu du droit de l'environnement, leur imposent d'atténuer et de s'adapter aux effets de la crise climatique ainsi que d'arrêter la dégradation de la nature.

La conférence, qui se tiendra dans les locaux de la Cour européenne des droits de l'homme et sous la présidence géorgienne du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, vise à faciliter un débat entre des praticiens et des experts universitaires de renom dans le domaine du droit international de l'environnement et des droits de l'homme.