Cela fait plusieurs années que nous parlons de la façon dont la «mondialisation» transforme en profondeur la vie des citoyens. [… C]ette tendance à la mondialisation est visible dans de nombreux domaines, tels que les communications, la finance, les technologies, la propriété des moyens de production et de distribution, et même dans certaines réglementations qui régissent aujourd’hui notre vie. Je suis d’avis que, dans les années à venir, la recherche historique portant sur les diverses manifestations de la mondialisation va s’intensifier, en s’attachant tout particulièrement à retrouver l’origine de certaines évolutions.

Mais pour l’heure, je suis plus intéressé par la façon dont les enseignants d’histoire, à tous les niveaux du système éducatif, vont aborder ce thème. Si l’on décide d’aider les étudiants à comprendre la mondialisation dans son contexte historique, il faudra nécessairement ajouter une dimension mondiale à l’enseignement de l’histoire. [… I]l faudra leur donner la possibilité d’inscrire l’histoire nationale et locale dans un contexte régional et mondial, afin qu’ils puissent comprendre […] de quelle manière ce qui s’est produit, et se produit encore, aux niveaux local et national a été influencé par, et a eu un effet sur, les événements régionaux et mondiaux. Cela me conduit à aborder un autre concept souvent associé à la mondialisation: «l’interdépendance», c’est-à-dire les interactions et les déplacements de sphères de pouvoir et d’influence au sein des relations et des échanges internationaux.

Pour que les étudiants soient capables d’analyser et de comprendre des phénomènes comme la mondialisation et l’interdépendance dans leurs contextes historique et contemporain, il sera nécessaire de modifier la structure des programmes d’histoire et les méthodes d’enseignement de l’histoire contemporaine […]

Mais s’il est vrai que la mondialisation et, dans une moindre mesure, l’interdépendance, ont intensifié le phénomène d’uniformisation et d’intégration dans certains domaines, on voit également émerger, depuis quelques années, une plus grande diversité politique, un plus grand pluralisme et même un processus de fragmentation politique. L’ensemble de ces phénomènes constituent un autre défi auquel devront répondre les historiens et les enseignants d’histoire au 21e siècle.

Ces tendances politiques récentes ne sont pas uniquement le résultat de l’effondrement d’une superpuissance et du rétablissement de la souveraineté nationale dans de nombreux Etats-nations. Nous les devons également aux minorités nationales, culturelles et linguistiques qui, de plus en plus, réclament une plus grande autonomie politique, voire le droit à l’autodétermination […]

Maintenant qu’elle a émergé, l’idée d’une Europe des régions n’est pas prête de s’éteindre. Et elle aura sûrement une incidence sur l’enseignement, les recherches et les écrits portant sur l’histoire politique et culturelle de l’Europe. La période de transition politique et économique qu’ont connue les pays d’Europe centrale et orientale dans les années 1990 s’est accompagnée d’un intérêt nouveau pour des questions du type: «Qui sommes-nous?», «D’où venons-nous?» et «Quelle est notre histoire?» Il ne serait pas étonnant de constater que les tentatives de réponse à ces questions fassent renaître un certain intérêt pour une grande histoire narrative […]

Parallèlement, nous constatons que de nombreux liens qui, traditionnellement, constituaient l’identité d’une personne (la famille, la communauté, le quartier, la religion, ainsi que d’autres institutions sociales) ont été affaiblis par les évolutions qui ont marqué le 20e siècle. Il résultera de ces changements que les sociologues et les chercheurs en anthropologie sociale ne seront plus les seuls à étudier l’histoire de la vie quotidienne. Ce domaine de la recherche historique pourrait bien devenir l’un des plus actifs et finir par imprégner l’enseignement de l’histoire, à tous les niveaux du système éducatif. De fait, on perçoit déjà quelques signes de cette nouvelle tendance.

Extrait de "Regards croisés sur le 20e siècle", publié dans le cadre du projet "Apprendre et enseigner l'histoire de l'Europe du 20e siècle".