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Retour La diversité des médias, élément essentiel d’une véritable démocratie

Point de vue
Les gouvernements se plaignent souvent des médias de masse de leur propre pays, auxquels ils reprochent de déformer et de critiquer injustement leur discours. Certains médias manquent, il est vrai, de sérieux et de conscience professionnelle. Ce défaut ne doit toutefois pas être exagéré et ne saurait offrir un excellent prétexte aux interventions radicales ou au contrôle de l’Etat. Il convient, au contraire, que les gouvernements favorisent une politique des médias qui encourage l’autodiscipline et permette la multiplicité de l’expression médiatique. La démocratie exige cette diversité, qui renforce par ailleurs la démocratisation de la société.

Les rédacteurs en chef et autres représentants des médias devraient se montrer attentifs aux critiques formulées au sujet de la qualité de certains de leurs articles ou reportages. Améliorer la formation des journalistes et intensifier le recours à l’autorégulation revêt une importance capitale.

Les médias sont toutefois confrontés à un double problème essentiel : le manque d’informations sérieuses diffusées et l’insuffisance de la diversité de ton.

Bien qu’Internet offre désormais de nouvelles possibilités de renforcer le dialogue démocratique en matière politique, les médias de masse demeureront sans doute le principal vecteur des informations d’intérêt général et le principal espace de débat public.

Les gouvernements et les grandes entreprises contrôlent dans le monde entier la production médiatique, notamment la télévision. Compte tenu du coût élevé des investissements dans ce domaine, cette situation est, dans une certaine mesure, inévitable. Mais elle souligne à quel point il importe de rechercher le moyen de démocratiser les structures médiatiques. Une condition première est que ceux qui sont derrière les entreprises médiatiques le fassent savoir, en toute transparence.

On considère parfois que les consommateurs contribuent à corriger cette situation. Les entreprises médiatiques qui sacrifient à une propagande excessive ont tendance à manquer de lecteurs, de téléspectateurs ou d’auditeurs. Mais le problème demeure, pour l’essentiel, dès lors que les solutions de remplacement sont inexistantes ou rares. La possibilité accrue d’écouter des émissions de radio ou de regarder des chaînes satellitaires transmises depuis l’étranger améliore certes la situation, mais cette option n’est toujours pas réaliste pour bien des citoyens, du fait de la barrière des langues et d’autres obstacles encore.

Il est des facteurs particulièrement essentiels aux politiques médiatiques démocratiques : l’existence d’une véritable concurrence encouragée par les gouvernements et les parlements ; l’impartialité de médias officiels de service public, soucieux d’agir dans l’intérêt de toutes les catégories sociales ; enfin, la transparence de l’administration et la libre consultation des informations dont elle dispose.

1. La concurrence
Certains gouvernements et parlements européens ont largement subventionné des médias plus modestes, souvent gérés par des minorités, afin d’assurer l’élargissement de la production médiatique. Dans d’autres pays, en revanche, l’exécutif s’est employé à saper les médias qui ne leur plaisaient pas et ont ainsi amoindri la libre concurrence.

L’élément d’appréciation que constitue le mode d’attribution des fréquences de télévision et de radio révèle les manquements de certains gouvernements. Il convient que les services étatiques qui en ont la charge prennent leur décision en fonction de critères admis et objectifs, sans attitude discriminatoire à l’encontre de candidats plus indépendants.

Quelques pays rencontrent une autre difficulté : l’administration limite l’achat d’espace publicitaire aux médias « loyaux », en indiquant ainsi aux entreprises l’exemple à suivre, ce qui entraîne dans les faits le boycott des médias indépendants.

D’autres mesures discriminatoires sont appliquées aux médias indépendants ; certaines d’entre elles visent à l’évidence à les acculer à la faillite. L’accumulation des actions en justice engagées pour diffamation, ainsi que les entraves à l’achat de papier d’imprimerie, à l’impression ou à la diffusion de la presse en sont quelques exemples. De tels actes doivent être considérés comme des atteintes à la liberté d’expression.

Il importe qu’il existe de véritables solutions de remplacement. J’ai demandé un jour au médiateur de l’une des anciennes républiques soviétiques quelle réforme lui paraissait la plus essentielle à la protection des droits de l’homme dans son pays. Une chaîne de télévision réellement indépendante, m’a-t-il répondu. C’était là, selon lui, le meilleur moyen de favoriser un débat public libre, ainsi qu’un suivi honnête des problèmes de société.

2. Le rôle des médias « officiels »
Ils doivent exercer leur activité de manière impartiale et dans l’intérêt de l’ensemble de la population. De fait, ils pourraient utilement faire contrepoids aux médias de divertissement, qui sacrifient aux lois de l’économie.

Il convient, bien entendu, que les médias de « service public », souvent financés par les prélèvements fiscaux ou d’autres ressources publiques, ne deviennent pas les instruments d’une propagande au service de certains responsables politiques. Leur indépendance et leur impartialité revêtent une importance capitale ; elles doivent être sauvegardées au moyen de lignes directrices convenues et d’une procédure adéquate de nomination de leur direction.

3. La transparence des autorités publiques
L’attitude adoptée par les autorités face aux demandes d’informations des journalistes, y compris sur des sujets sensibles, a des retombées importantes sur la culture médiatique. Il est légitime que les médias s’enquièrent des décisions et de l’action du gouvernement. Ils peuvent ainsi tenir lieu de représentants des citoyens, qui ont le droit de savoir comment leurs élus agissent en leur nom. Aussi la libre consultation des informations détenues par l’administration constitue-t-elle un principe démocratique absolument prioritaire.

Il ne suffit pas que les ministres accordent généreusement des interviews. Il convient que la loi proclame le droit des citoyens, journalistes compris, à obtenir des autorités des documents écrits et d’autres informations. Il importe que les exceptions à ce principe soient réglées de façon rigoureuse et limitées à la protection de secrets d’Etat légitimes.

Ces difficultés sont encore plus aiguës dans les pays en transition, où les actualités et les informations à caractère politique étaient autrefois soigneusement contrôlées par le pouvoir. Il est cependant indispensable que ces questions soient examinées dans l’Europe entière : le marché des médias est-il soumis à une véritable concurrence ? Les médias de service public assument-ils le rôle qui leur incombe? Peut-on parler d’une véritable transparence des gouvernements ?

Thomas Hammarberg
Strasbourg 01/10/2007
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