Retour L'accord entre l'Italie et l'Albanie confirme l’inquiétante tendance européenne à externaliser les procédures d'asile

Déclaration
©Photo Massimo Sestini

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« Le protocole d'accord entre l'Italie et l'Albanie sur le débarquement des migrants et le traitement des demandes d'asile, conclu la semaine dernière, comporte plusieurs aspects préoccupants du point de vue des droits humains et vient confirmer une tendance européenne inquiétante à l'externalisation des responsabilités en matière d'asile », a déclaré la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović.

« Le protocole d'accord soulève une série de questions importantes relatives à l'impact que sa mise en œuvre aurait sur les droits humains des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants. Ces questions concernent notamment le débarquement rapide, les effets sur les opérations de recherche et de sauvetage, l'équité des procédures d'asile, l'identification des personnes vulnérables, la possibilité d'une détention automatique sans contrôle juridictionnel adéquat, les conditions de détention, l'accès à l'assistance juridique et les recours effectifs. Le protocole d'accord crée un régime d'asile extraterritorial ad hoc, caractérisé par de nombreuses ambiguïtés juridiques. Dans la pratique, faute de sécurité juridique, des garanties essentielles en matière de droits humains et l'obligation de répondre des violations risquent de ne pas être respectées, ce qui entraînera une différence de traitement entre les personnes dont la demande d'asile sera examinée en Albanie et les personnes dont la demande sera examinée en Italie.

Le protocole d'accord est révélateur d'une tendance à chercher à externaliser l'asile par divers moyens, répandue parmi les États membres du Conseil de l'Europe et fondée sur l’idée que cette externalisation pourrait permettre de résoudre rapidement les problèmes complexes liés à l'arrivée de réfugiés, de demandeurs d'asile et de migrants. Cependant, les mesures d'externalisation augmentent considérablement le risque, pour ces personnes, de subir des violations des droits humains. Le fait que certains États transfèrent leur responsabilité au-delà de leurs frontières en incite d'autres à les imiter, ce qui risque de créer un effet domino susceptible de saper le système européen et mondial de protection internationale.

La possibilité de déposer une demande d'asile et de la faire examiner sur le territoire des États membres reste une composante indispensable d'un système fiable et respectueux des droits humains, qui apporte une protection à ceux qui en ont besoin. Il importe donc que les États membres continuent à concentrer leurs efforts sur l'amélioration de l'efficacité et de l'effectivité de leurs systèmes nationaux d'asile et d'accueil, et qu'ils veillent à ce que le débat actuel sur l'externalisation n'ait pas pour effet de priver ces systèmes des ressources et de l'attention dont ils ont tant besoin. Les États membres devraient aussi veiller à ce que les initiatives de coopération internationale donnent la priorité à la création de voies sûres et légales permettant aux personnes en quête de protection de venir en Europe sans avoir à emprunter de manière irrégulière des itinéraires dangereux. »

Strasbourg 13/11/2023
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