2006 - Carnet des droits de l'homme

Retour Le Protocole du Conseil de l’Europe contre la discrimination est important

Point de vue
Le combat pour les droits de l’homme porte, dans une large mesure, sur la prévention de la discrimination. Pour cette raison, le Protocole n° 12 à la Convention européenne des Droits de l’Homme est particulièrement important parce qu’il vise à renforcer la protection contre la discrimination. Alors qu’il est en vigueur depuis un an, la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas encore ratifié cet instrument. Ils devraient envisager de le faire.

La discrimination est un problème majeur, y compris dans certains pays européens. Il existe des cas d’enfants handicapés à qui on n’offre pas un accès réel à une scolarisation normale, d’immigrés qui ne trouvent pas d’emploi en raison de leurs noms étrangers, de femmes dont les salaires sont inférieurs en raison de leur sexe, d’homosexuels victimes de harcèlement en raison de leur orientation sexuelle, de roms qu’on ne protége pas contre des foules violentes et de musulmans qui n’obtiennent pas l’autorisation de construire une mosquée.

De telles tendances sont inconciliables avec l’esprit des droits de l’homme. La Convention européenne énonce que toutes ses dispositions doivent être assurées « sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » (article 14).

Même si ceci est important, la protection contre la discrimination reste limitée aux droits couverts par la Convention. Ainsi, le Protocole n° 12 a été adopté en vue d’assurer la jouissance sur un pied d’égalité de tout droit prévu par la loi. Le texte dispose également que nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique.

Le Protocole est en vigueur depuis le mois d’avril de l’année dernière, après que dix Etats membres ont déposé leurs instruments de ratification. Ainsi, il est devenu une norme primordiale pour la Cour européenne des Droits de l’Homme envers les Etats qui l’ont ratifié.
Les Etats qui l’ont ratifié sont l’Albanie, l’Arménie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, Chypre, la Finlande, la Géorgie, l’ex-République yougoslave de Macédoine, Luxembourg, les Pays-Bas, Saint-Marin, la Serbie-Monténegro et l’Ukraine.

Toutefois, la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe hésite encore. Cela signifie que les standards en matière de discrimination sont à présent différents entre les pays européens.

Certains parmi les Etats qui se sont jusqu’à présent abstenus, ont critiqué les termes du Protocole. L’un des arguments était que le Protocole pourrait être interprété comme interdisant « les discriminations positives » - mesures proactives destinées à soutenir un groupe défavorisé afin de compenser une discrimination que celui-ci a subi antérieurement.

Pourtant ce dilemme est résolu par le préambule du Protocole où il est réaffirmé que celui-ci n’empêche pas les Etats de « prendre des mesures afin de promouvoir une égalité pleine et effective, à la condition qu’elles répondent à une justification objective et raisonnable ».

Un autre argument contre la ratification du Protocole concernait sa portée floue. Il est vrai que les termes auraient pu être plus précis et que l’interprétation pourrait ne pas être aisée dans certains cas. Toutefois, comme le Protocole est maintenant en vigueur, la Cour européenne pourra l’interpréter dans le cadre de ses décisions dans des cas individuels. La portée précise du Protocole sera bientôt évidente.

Je recommande à tous les gouvernements du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore ratifié, de le reconsidérer. Le Protocole constitue une sérieuse démarche européenne pour intensifier nos efforts contre les discriminations systématiques. Il mérite notre soutien.

Thomas Hammarberg
Strasbourg 18/04/2006
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